Sans poissons, nous sommes condamnés à mourir : La détresse d'un mareyeur de Loctudy

Entre la flambée du prix du gazole, la fermeture de zones de pêche ou encore le plan de casse de bateaux qui fait suite au Brexit, les ports de Cornouaille sont en grande difficulté. Avec des apports en poissons qui baissent et des pertes financières qui s'envolent. Solution envisagée : la suppression de plusieurs ventes sous criées notamment à Loctudy. Un scénario qui met le port bigouden en ébullition. Pêcheurs, mareyeurs et toute la filière sont vent debout.

C'est le moment clé pour le port de Loctudy. L'unique vente quotidienne sous criée à 5h30 qui permet aux pêcheurs, aux mareyeurs et à toute la filière locale de vivre du poisson. En tout près de 300 emplois directs.

Seulement voilà, la donne a changé. Prix du gazole pour les navires ou de l'électricité pour les frigos en hausse, zones de pêche désormais interdites, sans compter quatre bateaux hauturiers partis à la casse dans le cadre du plan post-Brexit : résultat les apports en poissons se sont réduits de 20% et la criée a généré un déficit de 300 000 euros rien que pour 2023.

C'est catastrophique !

Bruno Mourrain

Mareyeur à Loctudy (Finistère)

Solution étudiée pour Loctudy comme pour les quatre autres ports bigouden : la fermeture de certaines ventes sous criées. Mais à Loctudy, ce scénario signifierait la fermeture définitive de la criée qui ne pratique qu'une seule vente par jour. Une idée qui sème la colère de toute la filière locale. À commencer par les mareyeurs comme Bruno Mourrain. "Le poisson, c'est le nerf de la guerre. Si on n'en a pas, on est condamnés à mourir" affirme-t-il d'un ton sévère. Depuis deux ans, son entreprise qui comptait huit postes a dû en supprimer deux. Et pour lui, cette éventualité de fermeture serait en plus synonyme distorsion de concurrence. "Il faudra aller acheter le poisson ailleurs, faire rouler un camion avec une personne, plus les frais de carburant. Je vais avoir 15 à 20% de frais supplémentaires. Un surcoût qu'on ne peut pas récupérer dans notre marge" s'indigne-t-il.

Le risque de ne plus revoir la flotte qui fait vivre le port de Loctudy

Un peu plus loin sur le port, l'entreprise de mécanique navale SMAB fondée par le père de Thierry Tannion. Lui aussi ne décolère pas. Il s'inquiète pour l'avenir de l'entreprise qu'il a repris il y a quinze ans et du risque d'une catastrophe en chaîne. "Pas de vente sous criée, pas de bateaux à venir. Pas de bateaux pas d'entreprises, et pas d'entreprises pas d'emplois". Lance-t-il amèrement. La crainte pour lui est de ne plus revoir revenir sur place les bateaux qui iront trouver d'autres chantiers navals par exemple au Guilvinec.

Loctudy n'a que cela : la pêche et le port.

Thierry Tanniou

Dirigeant SMAB société de mécanique navale à Loctudy

Un chef d'entreprise qui a un espoir. Que Loctudy soit derrière son port. "On a monté l'interprofessionnelle pour cela. On attend des appuis forts derrière nous du côté des élus et de la population."

Toute une filière pêche qui a décidé de combattre

Une fermeture de la criée de Loctudy amènerait inexorablement nos bateaux à se délocaliser et à vendre au Guilvinec.

Ludovic Le Lay

Armateur et Président de l'Interprofessionnele du port de Loctudy

C'est Ludovic Le Lay, dirigeant d'un armement de pêche local de quatre navires qui a la responsabilité de conduire le combat pour la criée et le port de Loctudy. À la tête de "l'interprofessionnelle" montée à la hâte, il répète une idée phare. "Pas de fermeture de criée de Loctudy." Pour ce chef d'entreprise, cette fermeture serait le début de la fin. "La place va petit à petit mourir alors qu'elle est capable de sécuriser plus de 2000 tonnes de poissons à l'année. Une criée avec 2000 tonnes, ça doit fonctionner. Cela existe dans d'autres criées en France." Ludovic le Lay accepte néanmoins l'idée de faire évoluer les choses sur place. "Il y a la nécessité de réadapter l'espace. On avait déjà développé d'autres activités comme la mytiliculture ou l'algoculture... Et nous avons proposé aux élus de développer d'autres activités comme la fumaison, la conserverie ou encore de la recherche appliquée sur nos outils comme les filets, les engins de pêche ou pour décarboner la flotte." Mais pour lui, une condition "ne pas condamner l'existant !"

3,5 millions de déficit en 2023 pour les cinq criées bigoudènes

Mais la réalité financière des criées bigoudènes est loin d'être reluisante. Les déficits s'accumulent les uns après les autres. L'an passé, la Chambre de Commerce et d'Industrie a dû injecter 3,5 millions d'euros supplémentaires d'argent public pour les garder à flots. 

Afin d'écoper les pertes, la solution des fermetures de ventes sous criées n'est plus un tabou. Le 23 avril prochain, le Syndicat mixte devrait proposer au vote cette solution qui concernerait la vente du matin à Loctudy et celles du soir pour les criées du Guilvinec et de Saint-Guénolé-Penmarc'h. Une journée qui devrait être tempétueuse dans les ports bigoudens.

De leurs côtés, les pêcheurs, armateurs, et entreprises de la filière pêche de Loctudy ont prévu de se retrouver vendredi 12 janvier à 18h30 pour informer la population sur le risque de fermeture de la criée et ses conséquences économiques et sociales pour la commune.

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