Semaines de la santé mentale. "Dans son regard, ce n'est plus lui", Peggy raconte la schizophrénie de son fils

Les semaines d'information sur la santé mentale débutent ce 4 octobre. TOC, schizophrénie, troubles bipolaires, dépressions résistantes... Ces maladies psychiques sont invisibles et ravagent des vies. Peggy raconte la schizophrénie de son fils.

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Paul a 19 ans. Il y a quatre ans, la vie de ce jeune homme s'est écroulée. "Il était sensible, il avait plein de projets" relate sa mère. Peggy parle de lui au passé car, dit-elle, "j'ai perdu mon fils. Dans son regard, ce n'est plus lui. Dans sa façon d'être, ce n'est plus lui. Il est là sans être là".

Paul souffre de schizophrénie. C'est en tout cas le diagnostic qui a été posé en 2017. "Il s'est auto-mutilé, on l'a emmené aux urgences, il a fini en pédo-psychiatrie. Au regard de ce qu'il racontait, à savoir qu'il entendait des voix, les médecins nous ont dit qu'il était schizophrène". Dès lors, "ça a été la descente aux enfers" relate Peggy. 


Emmuré

Depuis Concarneau, où elle vit avec ce fils "emmuré dans sa camisole chimique", Peggy témoigne. Sans tabou ni culpabilité. La culpabilité, elle l'a suffisamment trimballée sur ses épaules depuis quatre ans. "J'ai une cousine qui est bipolaire, je me suis dit que c'était de ma faute, tout y passe dans ces moments-là".

Son fils, elle l'aime, plus que tout. Elle cherche une autre voie que les neuroleptiques pour le sortir de cette spirale sans fin. Elle évoque sa colère contre la psychiatrie classique "qui ne s'intéresse qu'aux symptomes et évacue l'histoire de la personne", en l'occurrence un traumatisme profond durant l'enfance. "Son frère, plus jeune de dix-huit mois, a vécu la même chose que Paul. Et il a eu une vie d'ado normale. Est-ce que sa capacité de résilience est plus développée ?" s'interroge cette mère qui se documente, lit beaucoup sur la schizophrénie et veut à tout prix cerner cette maladie invisible qui ronge de l'intérieur. 


Il a pris 40 kilos, il n'arrive plus à articuler, il bave, on dirait un zombie. Lui, il ne veut qu'une chose : mourir. En finir avec cette vie sans émotions.

Peggy


Elle observe la transformation physique de Paul sous l'effet des médicaments. "Il a pris 40 kilos, il n'arrive plus à articuler, il bave, on dirait un zombie, confie-t-elle. Lui, il ne veut qu'une chose : mourir. En finir avec cette vie sans émotions. Il ne supporte plus son état".
Elle, elle vit avec l'idée fixe de son fils. Il est passé à l'acte à plusieurs reprises. "Il est tellement shooté qu'il n'est plus en capacité de suivre des études. La psychiatre qui le suit me dit que c'est à cause de la maladie. Moi je lui réponds que ce sont les traitements qui l'abrutissent et que ce serait bien d'essayer d'autres méthodes moins violentes pour gérer les symptomes". Peggy parle de "thérapie comportementale et non médicamenteuse" pour que Paul "apprenne à vivre avec les voix et à les gérer".


La tête sous l'eau

Les journées de Paul se résument à "pas grand chose, souligne sa mère. Il écrit un peu, il reste sur son lit, il attend que ça passe. Il dort beaucoup aussi à cause des médicaments". Peggy a appris à ne pas mettre sa propre vie en suspens. Le chemin fut long. C'est en poussant la porte de l'antenne quimpéroise de l'Unafam (Union nationale des familles et amis de malades psychiques) qu'elle a réussi à faire taire la culpabilité. "J'avais la tête sous l'eau quand j'ai découvert cette association. J'y ai trouvé une écoute et des gens qui ne jugent pas. J'ai enfin pu respirer car je vivais en mode apnée tellement je n'étais pas bien".


On explique aux parents que leur vie doit se poursuivre et qu'ils ne doivent plus se laisser envahir par la maladie.

Danielle Himily, Unafam 29


Dans le Finistère, l'Unafam dispose de plusieurs lieux d'accueil. "Les familles, lorsqu'elles viennent nous voir, elles vident leur sac qui est souvent très lourd, précise Danielle Himily, secrétaire départementale de l'Unafam 29. On organise des groupes de parole, des journées d'information sur les troubles psychiques. On essaie d'expliquer aux parents que leur vie doit se poursuivre et qu'ils ne doivent plus se laisser envahir par la maladie. Il existe des dispositifs qui peuvent être mis en place pour que les familles passent le relais et soufflent un peu".


Fil ténu

Peggy a suivi l'un des ateliers de l'Unafam. Trois jours de retour sur soi, de réapprentissage des plaisirs simples comme "sortir au resto avec une copine sans se demander quelle mère on peut être si on fait cela". Elle a également travaillé sur l'acceptation. "Accepter la perte de mon garçon qui, autrefois, était un petit être de lumières, atypique, qui avait des copains, une vie sociale" se souvient-t-elle. Les copains se font rares aujourd'hui. Ils ont espacé leurs visites. "Son réseau social s'est réduit comme peau de chagrin. Il me dit souvent : 'j'ai une vie de merde'. Il est peut-être sous médicaments mais il est bien conscient de ce qui se passe. Il voit ses potes qui continuent à vivre". 

Peggy évoque "l'espoir d'un possible" pour que Paul renoue avec "l'envie de vivre et la confiance en lui". L'équililibre est fragile. Les temps de répit sont courts. Mais l'espoir, lui, est bien là, comme un fil ténu sur lequel cette mère continue d'avancer. 

 

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