Témoignages. Des balises sur le dos de requins géants pour mieux comprendre leurs déplacements

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Les requins pèlerins, parmi les plus grands requins du monde, viennent se nourrir chaque printemps le long des côtes bretonnes. Depuis le début des années 2000, les biologistes de l’Apecs(Association pour l’étude et la conservation des sélaciens) basés à Brest, tentent de les observer et de les suivre à travers les océans. ©Christophe Cocherie. Bleu Iroise
Publié le Mis à jour le Écrit par Sophie Bourhis

Mesurant jusqu'à douze mètres de long et pesant jusqu'à cinq tonnes, le requin pèlerin est un visiteur régulier des côtes du Finistère. De nature plutôt calme et discrète, son mode de vie demeure mystérieux. Depuis 1997, l’association APECS recense toutes les observations de requins pèlerins dans les eaux françaises. Pour le magazine Littoral, le réalisateur Christophe Cocherie a filmé pendant deux ans les scientifiques bretons dans le suivi des recherches consacrées aux requins pèlerins.

Capturer des images de requins pèlerins en Bretagne représente un défi de taille !

Pour raconter cette aventure scientifique, l’auteur et réalisateur Christophe Cocherie a suivi les biologistes de l'Apecs, l’Association pour l’étude et la conservation des sélaciens, qui tentent de percer les secrets du requin pèlerin, l'un des plus grands poissons du monde et visiteurs réguliers des côtes du Finistère

Depuis la fin des années 90, ces scientifiques, basés à Brest, ont entrepris une grande mission : observer et étudier les requins pèlerins à travers les océans afin de mieux les connaître pour mieux les protéger. Pour cela, ils utilisent différentes méthodes.

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Des observations citoyennes

Le requin pèlerin ne se nourrit que de plancton. Il passe peu de temps en surface et n’est donc pas facile à observer. L’Apecs sollicite les usagers de la mer pour l’aider à recenser les individus visibles en surface.

« En participant à ce programme de science participative, les observateurs contribuent à mieux connaître cette espèce menacée. On peut ensuite définir des mesures de conservation appropriées à la fois à l’espèce et aux espaces qu’elle occupe ». Alexandra Rohr, chargée de missions à l'Apecs.

Ce programme national de recensement des observations de requins pèlerins a permis de mettre en évidence des zones privilégiées d'observations sur les côtes bretonnes.

Des balises satellitaires

Inoffensif pour l’homme, le poisson fait l’objet d’un suivi scientifique assidu depuis 2015.

Ce nouveau programme, appelé Pelargos, consiste à installer des balises de suivi par satellite sur les requins pèlerins dans le Finistère afin d’étudier leurs déplacements, leurs habitudes alimentaires et leurs migrations.

Une fréquentation en baisse

Selon les données recueillies par l’association, entre 1998 et 2017, près de 2.000 signalements de requins pèlerins ont été enregistrés le long des côtes françaises. La Bretagne se distingue en tant que région où le requin-pèlerin a été le plus observé, avec 1 344 signalements par des usagers de la mer au cours de cette période. Cependant, depuis 2021, ces observations connaissent une baisse constante, avec seulement 37 signalements de requins pèlerins au large des côtes bretonnes en 2022.

Durant l’été 2021 et celui de 2022, Christophe Cocherie n’a pas pu approcher les requins pèlerins, trop discrets. Il a suivi les membres de l’Apecs dans leur enquête dans l'archipel des Glénan et à la station de biologie marine de Concarneau, puis il a embarqué avec les membres de Lords of the Ocean pour observer leurs recherches au large des côtes écossaises. Le dernier jour de tournage de l’été 2023 en Écosse a permis, enfin, d’apercevoir de très près ces requins géants et de réaliser des images sous-marines exceptionnelles signées Armel Ruy.

Entretien avec Christophe Cocherie

Comment est née cette envie d’aller à la rencontre des requins pèlerins ?

L’idée de ce film m’est apparue instantanément, dans le port de Brest, en découvrant la gueule gigantesque d’un requin pèlerin sur une affiche de l’Apecs. Cette affiche – que l’on voit dans le film –  incite les plaisanciers et les pêcheurs à signaler les zones où ils ont pu croiser ce géant inoffensif pour l’homme.  

J’ai toujours envie de rendre hommage à ceux qui tentent de protéger la biodiversité alors je me suis dit qu’il y avait là une fantastique aventure scientifique à raconter. Et en Bretagne !

J’ai commencé mon enquête en contactant l’Apecs. Alexandra Rohr m’a expliqué qu’elle prévoyait de déployer des balises satellitaires en les fixant sur le dos de cinq requins géants, afin de tracer leurs voyages à travers les océans.

L’idée de filmer ce moment où Alexandra doit approcher un squale deux fois plus long que son zodiac pour fixer une balise m’a donné encore plus envie d’écrire et de tourner ce film !

 

Durant ce tournage, les choses ne se sont pas vraiment passées comme prévu. Racontez- nous ?

Depuis 2007, j'ai écrit et réalisé plusieurs documentaires animaliers, principalement pour raconter la lutte contre le braconnage en Afrique. La patience et l’adaptation aux situations imprévues font partie de l’aventure de ces tournages. Avec ce film en Bretagne, j’ai été servi : rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé !

Lorsque j’ai proposé cette idée de film à l’équipe de Littoral, plus d’une centaine d’observations de requins pèlerins étaient signalées en Bretagne chaque année, entre avril et juillet.

Alors que nous étions prêts à tourner, ces géants ont brusquement déserté les eaux bretonnes. Sans requin, impossible pour l’Apecs de déployer ses cinq balises. J’ai dû réécrire le scénario et, avec l’équipe de Bleu Iroise qui produit ce film, nous avons dû patienter une année supplémentaire.

Sans les fabuleuses images sous-marines d’Armel Ruy, sans l’abnégation d’Alexandra Rohr et d’Eric Stéphan de l’Apecs mais aussi des quatre membres de Lords of the Ocean, ce film n’existerait pas.

 

Peut-on faire un lien entre la raréfaction du requin pèlerin en Bretagne et le réchauffement climatique ?

Il est encore trop tôt pour faire un lien entre le changement climatique et la raréfaction des requins pèlerins au large de la Bretagne. Mais les records de chaleur des eaux de l’Atlantique Nord ces deux dernières années ont un impact sur la biodiversité marine, d’après les scientifiques. Le comportement du plancton, dont s’alimentent les requins pèlerins, et plus largement celui de toute la faune marine, est une question fondamentale qui intrigue au plus haut point les biologistes.  

Est-ce que le requin pèlerin est une espèce protégée ?

De 1942 à 1990, ce géant était pêché au large de la côte sud du Finistère. Dans le film, le dernier pêcheur de requins pèlerins en France raconte pourquoi harponner un pèlerin était un moment épique et pourquoi l’énorme foie était considéré comme une manne pour la région.

Le requin pèlerin n’est pas encore protégé en France. Mais le pêcher et le débarquer sont interdits depuis 2007 dans toutes les eaux européennes. Ce qui ne le protège pas des collisions avec les bateaux et des captures accidentelles dans des filets de pêche.

Les scientifiques estiment qu’il est en voie de disparition. Il est inscrit comme « vulnérable » sur la Liste Rouge de l’UICN (Union mondiale pour la nature)

Le travail de l’Apecs est-il fondamental pour le requin pèlerin ?

Le requin pèlerin est aussi impressionnant qu’il est mystérieux. L’Apecs est l’un des deux organismes en France qui étudie ces requins afin de mieux les protéger.

Depuis au moins vingt ans, leurs recherches ont considérablement fait progresser les connaissances et notamment sur les voyages de ces squales géants à travers les océans. 

Retrouvez l'ensemble des émissions Littoral sur le site France.tv 

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