Dominique Sylvain est malouine de cœur et y réside une grande partie de l'année. Mais c'est à Séoul et Montréal que se déroule son dernier polar "Mousson froide" (Robert Laffont). Un roman choral dans lequel elle parvient même à faire entendre les réflexions d'un chien policier.
Le jour où nous avons rencontré Dominique Sylvain, la météo s'était réglée au diapason de l'ambiance glaçante de son dernier livre, neige mis à part... C'est au musée Jacques Cartier de Saint-Malo, navigateur malouin qui découvrit le Canada que nous nous sommes retrouvées, clin d'oeil à ce roman qui se déroule en grande partie à Montréal. Une ville pour laquelle l'autrice a eu un coup de coeur, alors qu'elle rendait visite à ces deux fils qui y résident. Mais c'est aussi à Séoul que se tient aussi une partie de l'intrigue, une ville que Dominique Sylvain a eu l'occasion de visiter, lorsqu'elle a vécu pendant 13 ans en Asie.
Qu’est-ce qui vous a inspiré le titre de votre dernier roman « Mousson froide » publié chez Robert Laffont ?
"Mousson froide" c'était un peu la jonction entre deux mondes puisque un de mes personnages quitte Séoul pour se retrouver à vivre quasiment toute l'aventure du roman à Montréal, donc on a deux périodes, on a deux saisons, deux atmosphères complètement différentes et deux cultures. Du coup "Mousson" l'Asie et "froide" puisque cela se déroule pendant l'hiver à Montréal, ça permettait de faire la jonction. Et puis en plus je trouvais que c'était un petit peu poétique, un petit étrange, un peu décalé.
« Mousson froide » est un roman chorale, c’est à dire que l’on suit l’histoire grâce au regard de plusieurs personnages : Mark, un policier d’origine coréenne spécialisé dans le démantèlement des réseaux pédopornographiques aidé par sa collègue Jade maître-chien. On suit aussi sa mère Min Young qui a fui avec lui la Corée après un drame. Et puis il y a un homme qui après 25 ans de prison à Séoul compte bien achever sa vengeance… Pourquoi un roman "choral"?
J'ai toujours écrit des romans choraux, plus ou moins. C'est un peu ce que j'ai appris d'Elmore Léonard, un de mes maîtres à écrire, un auteur que j'adore. En fait, une scène est quand même plus logique, plus intéressante quand elle est vue selon la perspective d'un personnage. Donc ça permet de placer la caméra de personnages en personnages, à différents endroits et de construire une histoire de manière un peu kaléidoscopique. Cela peut la rendre un peu plus intéressante, plus charnue et ça facilite la mise en place de l'intrigue.
Malgré l’histoire assez sordide quand on la résume comme ça, vous parvenez à ajouter beaucoup d’humour et de légèreté, notamment avec un dernier personnage important, le labrador Jindo de Jade que l'on entend penser… d’où vous est venue cette idée ?
En fait, les idées me tombent quelques fois dessus et souvent quand elles sont étranges mais qu'elles ne me quittent pas c'est qu'il faut que je m'en empare. J'ai eu ce chien qui est arrivé et je me suis dit que j'avais très envie d'en faire un personnage à part entière de l'intrigue. Le problème c 'était comment faire pour écrire un polar avec un chien qui pense sans tomber dans une ambiance à la Walt Disney, complètement bizarroïde et ridicule. Je me suis dit, je vais quand même le faire donc j'ai tourné autour de ce personnage, et j'ai eu bien du mal à le mettre en plce de manière crédible. Je me suis souvenu aussi, et cela m'a encouragé, qu'un des romans que j'avais beaucoup aimé par le passé, c'était de "Je suis un chat" de l'écrivain japonais Natsume Sôseki où tout le récit est vu à travers le regard d'un chat qui se prend très au sérieux C'était un souvenir de lecture et le moment venu, je me suis dit, si Soseki l'a fait alors aucun complexe à le faire aussi, allons-y!
Jindo vous aide aussi à étoffer les portraits psychologiques de vos personnages, avec leurs fragilités et leurs secrets. Des personnages aussi attachants que votre personnage de psychopathe est effrayant… Cette épaisseur psychologique est importante ?
On a n'a pas le choix quand on écrit des polars,que de soigner ses personnages parce que c'est eux qui vont entraîner le lecteur, c'est eux qui vont rendre l'histoire crédible ou pas. C'est eux qui vont éveiller notre empathie, donc on ne peut pas se permettre de les rater et même quelques fois pour les besoins de l'intrigue, on pourrait être tentés de les instrumentaliser, c'est à dire d'utiliser un personnage juste pour faire avancer le Schmilblick et en fait c'est pas une bonne idée. Je l'ai appris par l'expérience, quelques fois, j'ai fait des erreurs.
Depuis une vingtaine d'années, vous êtes illustrée dans ce genre du polar, avec de nombreux prix à la clé. Mais comment définiriez-vous ce genre?
Les gens ont tendance à dire que le polar observe le réel mais je trouve que c'est pas forcément systématique. La littérature observe le réel quand elle décide de le faire. Le polar, Il y a peut-être un peu ce passage obligé avec des sujets de société, mais on peut se permettre des tas de choses, comme avec celui-là une incursion dans le fantastique. Tout est possible et je n'aime pas trop les étiquettes et j'aime bien jouer avec les styles différents. Certes, j'écris du polar mais à ma sauce.
Le livre fétiche de Dominique Sylvain
Dominique Sylvain a choisi un des romans de son "maître à écrire" Elmore Léonard, "Zigzag Movie".
"Celui-là, c'est une valeur sûre, je l'ai vraiment adoré. Elmore Léonard, j'ai adoré dès que j'ai lu car c'est quelqu'un de très concis, de très documenté. Il est capable de raconter des histoires très drôles en même temps ancrées dans le réel. C'est un roi du dialogue, il ne se regarde pas écrire mais il est efficace, il est fin et c'est aussi quelqu'un qui savait brosser de magnifiques portraits de femme, ce qui n'est pas courant. C'est savoureux, c'est vraiment du beau boulot."
Le tiroir du libraire
Mélanie Chesnais de la Droguerie de Marine à Saint-Malo a choisi de conseiller L'analphabète de Agota Kristof. (Editions Zoé)
" Agota Kristof est une autrice d'origine hongroise qui est essentiellement connue en France pour sa merveilleuse trilogie Le grand cahier. L'analphabète est un récit autobiographique qui est structuré en onze chapitres et dans ces onze chapitres, elle va raconter les onze moments de sa vie qui l'ont amené à la femme et à l'autrice qu'elle est devenue depuis l'enfance marquée par l'amour de la lecture jusqu'à l'âge adulte où elle a dû fuire la Hongrie, elle s'exile en Suisse et elle s'est réappropriée une autre langue que la sienne, le français qui est maintenant sa langue d'écriture. C'est un merveilleux livre et une merveilleuse déclaration d'amour à la littérature et aux mots."
Le tiroir des jeunes lecteurs
Dans le registre super-héros, voici "Super Pépère", le 4ème tome de la série « Pépère le chat » du vannetais Ronan Badel, dans la collection « Ma première BD du père Castor ». Pépère est un matou un peu rondouillard qui a deux passions les croquettes et la sieste…D’ailleurs, c’est surtout dans ses rêves qu’il s’imagine en redresseur de tort, en roi du monde, parce que finalement ses aventures se terminent assez souvent en fiasco…
Dans le registre de la complicité, ne manquez pas ces deux albums Loupiote suivi de Tala, de la morbihanaise Catherine Latteux avec les illustrations tellement poétiques de Camille Tisserand. Loupiote, la louve recueille une nuit dans la forêt un petit bébé aux grands yeux bleus et la dépose avec regrets sur le seuil d’une maison… finalement les chemins de Loupiote et de Tala vont se recroiser… Sublimes albums aux éditions du Père Fouettard.
Et enfin à l’occasion des 400 ans de Jean de la Fontaine, retrouvez 16 de ses fables indémodables réécrites avec humour par la rennaise Evelyne Brisou-Pellen, dans la nouvelle collection TILT de Milan, destinée à accompagner le déclic de la lecture à partir de 8 ans. "Le corbeau et le renard... et le raton laveur" est illustré par Camille Roy.
La 4ème de couverture
La rennaise Caroline Hinault publie au Rouergue noir son premier roman "Solak" qu'elle nous présente.