Elle s'appelle Gisèle, c'est ma voisine d'en face. Infirmière retraitée, d'un âge où l'on ferme ses volets très tôt, et seule dans sa maison. Ce matin, en robe de chambre mauve et chaussons, elle a traversé la rue pour m'apporter des oeufs et des galettes. Une vraie leçon !
Je venais de laisser un message sur son portable pour prendre des nouvelles. Elle m'a rappelé quelques minutes après. Un peu méfiante, elle ne répond pas au au téléphone comme ça. Je lui faisais régulièrement coucou depuis ma fenêtre, mais je voulais savoir de vive voix comment elle allait. Gisèle ne sort plus beaucoup alors, un petit coup de fil, ça ne coûte rien !
Alors on papote : "oui ça va, ma fille m'a cuisiné un poulet. Elle me livre des repas et fait mes courses!" Elle s'inquiète pour moi aussi. Elle a ouvert sa fenêtre et moi je prends le soleil au balcon. On se voit en face à face. Je raccroche et quelques minutes après, voilà notre Gisèle en robe de chambre violette et chaussons, qui traverse la rue et me dépose des oeufs et des galettes toutes fraîches faites maison en bas de mes marches. Chapeau Madame !
A l'automne de la vie, elle m'avait déjà donné une leçon de fraternité à sa façon. Mon frère m'avait quitté et simplement elle m'avait dit "je prierai pour lui !" Pas besoin d'aller dans les cathédrales pour toucher les ailes des anges gardiens.
Des bons bergers dans ma rue !
Car dans ma rue, il y en a des bons bergers. A une autre fenêtre, c'est Xavier et Véronique. Pas d'imprimante chez moi. Et hop, un stock d'attestations dérogatoires de sortie déposé illico dans ma boîte aux lettres. Ceux-là, c'est de la bonne humeur qu'ils affichent et ça réchauffe le coeur! Confinés, ils corrigent les copies de leurs élèves "en intérieur".
Petite discussion de fenêtre à fenêtre. Pas besoin de haut-parleur, ça passe sans problème. "Tu vas bien ? oui. T'as bien dormi ? Euh... pour me rassurer, je dors avec un lapin blanc en peluche. Je régresse, lui-dis-je en rigolant".
"As-tu réussi à faire tes courses, me demande Véronique. Sinon, on installe des fils, de balcon à balcon, et je te fais passer un panier" Une vraie bouffée d'oxygène ce petit moment... Alors Merci !
Un détour par la maison pour me livrer à domicile
Que dire encore de cette collègue de travail, notre mère poule à tous au boulot. Besoin d'aller chercher des médicaments à la pharmacie, un peu anxieuse, je l'appelle. Elle a le droit de circuler car elle fait partie des équipes en reportage sur le terrain, quand moi, je suis bien à l'abri, en télétravail. Dès le soir, elle fait un crochet par chez moi : livraison solidaire et gratuite à domicile, avec en prime... un sachet de chocolats de Pâques. Si je pouvais, je l'embrasserai. Et j'ai envie de lui dire tant de choses.
Autant de gestes tout simplement fraternels et humains, sans arrières pensées, en ces moments apocalyptiques, que je voulais les saluer.
L'ange gardien de l'écrivaine Françoise Giroud
Voici l'occasion toute trouvée de vous conseiller aussi un ouvrage à lire ou à relire, plein de philosophie, de Françoise Giroud, qui fut journaliste à France-Soir, l'Express et Elle: "Arthur ou le bonheur de Vivre". Citons la page de garde :
"Arthur est le nom que je donne à mon ange gardien. Les souvenirs que j'évoque ici, d'une vie riche en péripéties de toutes sortes, sont une manière d'hommage que je lui rends, même si j'ai eu parfois envie de lui tirer les oreilles..."
Bonne lecture, prenez-soin de vous et restez confinés !