Ce 13 octobre, les organisations syndicales de médecins annoncent un "vendredi noir". Elles ont déposé un préavis de grève illimité pour dire leur opposition au projet de loi Valletoux. Le texte, déjà adopté à l’Assemblée nationale, doit être étudié dans les prochains jours par le Sénat.
Sur la porte de son cabinet, Yann Collet a collé une petite feuille A4. "Médecin maltraité". Ce 13 octobre, cette porte restera fermée. Il sera en grève, pour la quatrième fois en un an. Le jeune généraliste est en colère. Comme la plupart de ses confrères, il s’oppose à la loi Valletoux qui doit être présentée au Sénat.
"Je tiens à défendre un modèle d’accès aux soins qui soit égalitaire pour les patients. Si les mesures et les projets de lois du gouvernement sont adoptés, il y a un vrai risque d’avoir un système de santé à deux vitesses. Cela veut dire que l’accès aux soins sera de plus en plus difficile et se fera en fonction des revenus, et pas des besoins."
Il y a 6 mois, le praticien a adhéré au collectif Médecins pour demain. Installé à Saint-Méloir-des-Ondes en Ille-et-Vilaine, il travaille 55 heures par semaine, voit ses charges augmenter avec l’inflation, sans que le tarif de la consultation ne suive. Il s’interroge, "Faut-il avoir moins d’heures de secrétariat ? Acheter moins de matériel médical ? C’est le patient qui en pâtira."
Le projet de loi Valletoux a servi de goutte d’eau pour faire déborder un vase déjà bien plein. "Cette loi est censée redonner de l’autonomie aux professionnels de santé dans les territoires", ironise le praticien, "elle ajoute en fait une énième couche. Entre les cabinets des médecins et le ministère de la santé, il y a 12 échelons administratifs. Et pour simplifier, on va en ajouter un 13ème ! On va faire descendre les administrations dans nos cabinets. Une nous dira comment travailler, une autre va nous obliger à prendre des gardes."
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Des gardes obligatoires ?
Ces gardes obligatoires, Loïc Kerdiles, médecin anesthésiste réanimateur et coprésident du Syndicat Avenir Spé - Le Bloc ne les comprend pas. Il travaille dans une clinique de la périphérie rennaise."On va me demander d’aller faire une garde à l’hôpital de Fougères ou à Redon. Et pendant ce temps-là, comment on va faire à la clinique ? Qui va s’occuper de nos patients ? En fait, cette obligation de garde, au lieu de résoudre les problèmes de ces hôpitaux, va encore plus désorganiser l’offre de soins."
Demain, le service d’anesthésie gardera lui aussi portes closes car le médecin s’inquiète : "17% des étudiants en médecine arrêtent leurs études en cours de cursus et 30% ne s’installent pas. Aujourd’hui, la population de médecins a plus de 60 ans. L’offre de soins va se dégrader. L’heure est grave pour la médecine libérale. Notre modèle économique s’effrite et on rajoute des contraintes à ceux qui restent en activité. De nombreux médecins sont en burn-out."
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Cri de colère de la profession
"Nous, on connaît notre terrain, nos patients," explique Yann Collet. "Demain, ils seront envoyés vers les infirmiers, les kinés, les pharmaciens. Ils sont en train de détricoter le sens de notre métier et cela n’a pas de sens. Les soignants n’ont déjà pas le temps. Les infirmières commencent leurs tournées à 6h du matin, quand vont-elles s’occuper de nos malades ?"
"La population vieillit et souffre donc de plus en plus de pathologies diverses" ajoute-t-il. Les médecins veulent soigner et ne pas maltraiter leurs patients.
Leur préavis de grève est illimité.