Touchée par les inondations, il s'en est fallu de peu pour que Guipry-Messac, en Ille-et-Vilaine, ne se retrouve en plus sans contrat d'assurance. Car elle faisait partie du nombre grandissant de communes qui, face aux aléas climatiques, n'arrivent plus à trouver d'assureurs. Elles étaient 1500 dans ce cas en 2024. Une mission sénatoriale veut changer la donne.
À Guipry-Messac, en Ille-et-Vilaine, les habitants et en premier lieu le maire de la commune, ont les yeux rivés sur le niveau de la Vilaine. 2m29 ce matin à seulement quelques centimètres du record de 2019 qui avait connu une côte de 2m55.
Des inondations à répétition qui font fuir les assureurs
Selon l'élu, Thierry Beaujouan, "L'eau continue de monter. J'ai eu au téléphone le maire de Guichen, une commune en amont de la Vilaine, qui me dit que le niveau augmente toujours." L'eau qui gagne du terrain. "Nous devions réceptionner aujourd'hui même notre tout nouveau parking à la gare après la fin des travaux. Mais il est sous les eaux. Il se trouve en zone inondable." précise Thierry Beaujouan. Heureusement pour la commune, les éventuels dégâts seront assurés.
Pourtant, l'année dernière, la collectivité avait failli rester sans assurance. Face aux inondations et aux aléas météorologiques notamment, l'assureur avait décidé de ne pas reconduire le contrat. "Nous avons trouvé in extremis un assureur local mais il a fallu accepter une augmentation de 10 000 euros." indique le maire.
On voit un net désengagement des assurances sur le marché des collectivités
Erwan Dourouxdirigeant SAS ED Consultants
Un peu partout en Bretagne, de plus en plus de communes sont confrontées au refus des assurances ou à l'explosion des primes d'assurances. Pas d'assurance en responsabilité civile pour Saint-Evarzec ou à Saint-Egonnec dans le Finistère. Mêmes difficultés pour la vingtaine des communes de l'agglomération de Landerneau. D'après Erwan Douroux, dirigeant de SAS ED Consultants, une société spécialisée en assurance pour les collectivités et installé dans le Finistère "On voit un net désengagement des assurances sur le marché des collectivités".
Des aléas qui sont devenus des certitudes
Selon cet expert, "il n'y a plus que deux opérateurs qui acceptent de prendre les risques. Groupama et la SMACL." Selon lui, "Pendant 15 ans, la concurrence acharnée a fait baisser les prix et fait fuir la majorité des assureurs. Ces derniers ne sont plus structurés pour revenir sur ce marché spécifique. D'autre part, les risques climatiques ont pris une telle ampleur que les aléas sont devenus des certitudes et du coup, les assureurs ne joignent plus les deux bouts." Conséquence selon l'expert, "la SMACL, l'une des principales assurances des collectivités connaît chaque année un déficit de 150 millions d'euros."
les communes savent depuis l'année dernière que leurs primes d'assurances vont augmenter de 50 à 100 %
Dominique CatMaire de Plougastel et Pdt AMF du Finistère
Pour les communes, la recherche des assurances est devenue un véritable casse-tête. Selon Dominique Cat, maire de Plougastel et Président de l'Association des Maires de France pour le Finistère, "les communes savent depuis l'année dernière que leurs primes d'assurances vont augmenter de 50 à 100 %. Certaines ne trouveront même plus d'assureurs." Le maire de Plougastel qui a dû faire des choix en coupant dans les dépenses. "Contrairement à l'Etat, les communes ont l'obligation de présenter des budgets à l'équilibre. En ce qui concerne ma commune, la prime d'assurance a bondi de 60%. Une hausse qui intervient après l'explosion de la facture d'électricité. Du coup, j'ai reporté des dépenses et des investissements. Mais cela fait aussi moins travailler les entreprises du secteur".
Des assureurs qui rechignent à rembourser
Dans certains cas, les situations deviennent extrêmes. Comme pour la commune de Cléden-Cap Sizun dans le Finistère. En novembre 2023, la flèche du clocher avait été emportée par la tempête Ciaran. Depuis, les assurances multiplient les demandes de contre-expertises pour définir les responsabilités. En attendant, l'église restera fermée jusqu'à nouvel ordre.
Il faudra mettre en place un système basé sur la solidarité nationale.
Michel CanévetSénateur UDI du Finistère et membre de la mission sénatoriale sur les assurances
Pour tenter de trouver des solutions face à cette crise, une mission sénatoriale a été mise en place l'an passé. Parmi ses membres, le sénateur centriste du Finistère Michel Canévet. Selon lui, 800 collectivités françaises, soit en réalité près de 1500 communes et agglomérations sont en souffrance vis-à-vis de leurs assurances et cela va croître. "La mission a l'objectif de dresser un état des lieux mais aussi de formuler des propositions pour changer la loi." Il ajoute "L'objectif de la mission sénatoriale serait de faire en sorte qu'il n'y ait pas de résiliation brutale des assurances et qu'un délai de six mois soit donné aux collectivités. Plus important, il faudrait mettre en place un système basé sur la solidarité nationale comme pour les catastrophes naturelles."
Collectivités et assurances devront mieux jouer le jeu
Pour Erwan Douroux, dirigeant de SAS ED Consultants à Ploudalmézeau et spécialisée en assurance pour les collectivités, il va falloir que tout le monde joue le jeu pour trouver des solutions pérennes. "D'abord que les collectivités aient une parfaite connaissance de leur patrimoine et que l'entretien de ce patrimoine soit mieux réalisé. D'autre part, que les assureurs prennent mieux en compte le travail de prévention de certaines communes, proposent des contrats avec des postes d'indemnisations ou des franchises différenciées pour limiter les hausses de factures."
Si rien n'est fait de la part de chaque partie, la situation va devenir explosive. Ce seront des milliers de collectivités françaises qui ne trouveront plus d'assureurs ou qui verront leurs primes tripler ou quadrupler chaque année.