Ils se sentent "les oubliés". Les artisans, les professions libérales, les petits patrons bretons étaient réunis ce lundi 4 février pour donner de la voix et revendiquer leurs propositions à l'occasion du Grand débat.
Boulangers, coiffeurs, photographes, garagistes, couvreurs, maîtres d'art, comptables. Une cinquantaine de personnes s'est installée dans l'amphithéatre d'un lycée à Cesson-Sévigné ce lundi 4 février. À l'initiative de l'U2P (union des entreprises de proximité), elles participent au Grand débat, avec la sensation d'en être "les oubliés".
La forme est différente de l'assemblée organisé à Melesse la semaine dernière. Au programme, deux heures d'échanges sur des thématiques spécifiques, sous la houlette d'une animatrice professionnelle qui structure, recadre, fait préciser les propos et surtout les propositions. Le micro tourne au gré des réactions.
Les Gilets Jaunes, quel impact ?
Marc, photographe indépendant prend le micro en premier : " Les Gilets jaunes pour moi, ça a révélé une mélancolie des Français, une peur de l'avenir et une peur de la concurrence mondiale."
Ce qui me gêne, c'est l'amalgame sur le nom de patron, qu'on ne fasse pas la différence entre nous les petits commerçants et les gros groupes. Nous on ne délocalise pas. Ce n'est pas suffisamment dit. (Agnès)
Un garagiste abonde : "en France, on oppose trop souvent les salariés et les employeurs."
Les prélèvement obligatoires
Dans l'assemblée, beaucoup s'accorde sur le casse-tête au quotidien des taxes et le poids des charges. Un casse-tête administratif déjà : "Il faut avoir fait 10 ans de droit pour comprendre les textes de loi". Certains vont plus loin :"même les comptables ne savent pas traiter l'information" tellement les changements sont fréquents.
"On est collecteur de taxes pour l'État" ajoute un participant. Illustration par l'exemple avec un boulanger qui explique "une quiche froide sur place, c'est une TVA. Une quiche chaude dehors, c'est une autre TVA."
On ne peut plus investir et embaucher car on est pris à la gorge
L'impôt sur le résultat ne passe plus. "Il faudrait faire une échelle d'imposition en fonction de la taille de l'entreprise." Philippe, 55 ans, est coiffeur, à son compte depuis 20 ans. Il emploie une collaboratrice. Il aimerait pouvoir l'augmenter mais ne peut pas. Il se demande parfois où vont toutes ses charges quand il voit "les niveaux de retraite actuels." Dans le même temps, sa profession peine à recruter. Selon lui, 300 coiffeurs sont actuellement sur le marché en Ille-et-Vilaine et personne ne postule, une situation impensable il y a quelques années où les débutants se pressaient dans tous les salons.
Comment gérer les charges ? Pour l'un des commerçants, il faudrait baisser les charges en fonction de l'ancienneté du salarié.
Les commerces, un tissu économique pour une commune
Autre problématique évoquée : l'aménagement du territoire et l'éclosion des grands centres commerciaux qui nourrissent les inquiétudes.
Beaucoup s'interrogent sur la décision de construire ces centres commerciaux qui tuent les petits commerces, une décision souvent prise par le maire. "Il faut maintenant bloquer tous ces nouveaux projets de grandes surfaces et leur ouverture leur dimanche." Quelqu'un prend le micro et constate : "il y a aussi un autre point, dans une commune, on ne fait pas attention au nombre de même commerces installés." Un numerus clausus pour les commerçants ? L'idée reçoit un accueil mitigé dans la salle.
"On est les Gilets jaunes de demain"
Andreas est couvreur depuis 20 ans, installé à son compte depuis 12 ans. Un brin pessimiste, il estime :"l'État n'a plus d'argent, on est le seul bout de gras qui lui reste avec toutes les taxes qu'on nous prélève. C'est pour ça qu'on a un gros pouvoir. Mais on peut devenir les Gilets jaunes de demain si ça continue." "Nous ce qu'on veut ,c'est travailler. En France quand tu t'installes, le premier courrier que tu reçois, c'est pour payer."
La soirée continue. L'emploi, le pouvoir d'achat, l'apprentissage sont passés au crible. Le constat est amer lorsqu'ils évoquent l'équité : "on est moteur, employeur et on ne prend pas soin de nous ,c'est incroyable."
20 h 30, le débat se termine. Des participants venus de loin reprennent la route. Ils espèrent un retour de leur parole. Philippe le coiffeur reste dubitatif : "il fallait formaliser nos attentes mais je ne sais pas ce que ça va donner. Les dirigeants savent parfaitement ce qu'attendent les gens et rien n'est fait". "On a l'impression que ce Grand débat c'est une tactique du gouvernement pour gagner du temps, on ne sait pas trop pourquoi." Et de conclure "l'espoir fait vivre."