POLITIQUE. Pourquoi y a-t-il autant de déplacements de ministres en Bretagne depuis la rentrée ?

Ce 5 octobre, Clément Beaune, le ministre des transports est en visite officielle en Bretagne. La veille, ils étaient trois ministres à Rennes, un autre à Lorient. Depuis début septembre, la Première ministre Elisabeth Borne est venue deux fois dans la région, ses ministres de l’Agriculture et de la Justice également. Un défilé qui n'est pas dénué d'arrière-pensées politiques, mais qui agace certains élus régionaux.

Un besoin d’air iodé ? Une envie de crêpes au caramel au beurre salé ? Comment expliquer toutes ces visites ministérielles ? Depuis la fin août, les ministres se pressent dans la région.

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et Hervé Berville sont venus visiter la réserve des Sept Iles dans les Côtes d’Armor. Le 4 septembre, la première ministre, Elisabeth Borne et le ministre de l’éducation, Gabriel Attal ont fait la rentrée scolaire à Rennes. Le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, celui de la Justice Eric Dupont-Moretti, celui de la santé, de l’armée, la ministre de la transition énergétique… tous sont passés par la Bretagne.

Les bretons sont accueillants, mais ces visites éclairs à répétition commencent à interroger les élus régionaux.

Je considère qu’il faut qu’ils se mettent au boulot, tous ces gens, et qu’ils nous apportent des choses concrètes

Marc Le Fur, député et conseiller régional Les Républicains

"Je constate que l’on a beaucoup de ministres qui viennent se promener en Bretagne. Ils viennent généralement en bande, ironise le député et conseiller régional Les Républicains, Marc Le Fur. Nous sommes très heureux de les accueillir mais moi je considère qu’il faut qu’ils se mettent au boulot, tous ces gens, et qu’ils nous apportent des choses concrètes."

Et l’élu cite en vrac, la crise de la pêche avec la fin des aides au gazole, les problèmes de l’hôpital et de la médecine en général avec le manque de soignants, les difficultés du monde agricole…

"Paroles, paroles, paroles ? "

"On voit défiler les ministres, ils arrivent, ils n’annoncent rien et ils repartent, constate aussi Claire Desmares, conseillère régionale Europe Ecologie Les Verts. Le Président de la République leur a dit Bougez, bougez, alors ils bougent, mais ça ne sert à rien. Le congrès de l’Association des Régions de France à Saint-Malo était édifiant à ce titre, souligne-t-elle. On a même eu la première ministre, sept ministres annoncés et aucune annonce. Ils occupent le terrain et on ne sait pas bien pourquoi."

" Tous ces déplacements coûtent cher aux contribuables et ça ne sert à rien parce qu’il n’y a rien de concret, souligne Gilles Pennelle, conseiller régional Rassemblement national. Ses déplacements sont à l’image du Président de la République qui parle beaucoup et qui agit peu."

Dans nos campagnes, on dit souvent, "grand disou, petit fezou",

Gilles Pennelle

Coseiller régional RN

"Trop de parole tue la parole",affirme l’élu. "Avant, les hommes politiques venaient une fois ou deux par an à la télévision et cela en faisait un moment important et solennel que tout le monde regardait. Aujourd’hui, le Président prend la parole tous les trois jours, du coup, plus personne ne l’écoute."

"Dans nos campagnes, on dit souvent, "grand disou, petit fezou", raille l’élu.  Mais à la pompe, on voit les gens qui prennent 25 euros d’essence parce qu’ils ne peuvent pas faire le plein, rappelle-t-il. Alors des ministres qui viennent serrer les mains et poser devant les photographes..." lâche-t-il sans terminer sa phrase. Un silence, signe d'exaspération. 

Une stratégie de communication ?

"C’est clair, nous sommes dans la communication politique, explique Christian Le Bart, politologue et professeur à l’IEP de Rennes. Les politiques sont convaincus que cela ne fait pas de mal de présent sur le terrain. D’autant, souligne-t-il, que ce président n'a pas d'ancrage local. Son parti est récent. Il y a un déficit à ce niveau-là. Il n'a pas été élu local auparavant et les députés Renaissance viennent de la société civile plus qu'ils ne viennent des territoires. Il peut donc y avoir le sentiment d'une certaine déconnexion. Se montrer, ça répondrait à ce déficit de connaissance et de popularité."

Venir sur le terrain par ministre interposé, c'est une façon de tisser ou de retisser les liens avec la  société

Christian Le Bart, politologue, professeur à l'IEP de Rennes

Le politologue relève chez les politiques une " obsession du terrain, du territoire parfois même du terroir." "En même temps, on observe une forme de déclin des idéologies, que l’on entend des critiques acerbes sur les professionnels de la politique qui seraient enfermés dans les palais parisiens. Cela peut conduire certains politiques à ne plus pouvoir affronter le terrain. On a vu Emmanuel Macron un peu enfermé dans l'Elysée après les gilets jaunes ou au moment de la contestation de la réforme des retraites. Venir sur le terrain par ministre interposé, c'est une façon de tisser ou de retisser les liens avec la  société."

L’impact de ses visites sur les citoyens et futurs électeurs est évidemment impossible à prévoir, mais Christian Le Bart fait remarquer que "les citoyens sont assez sensibles à l'idée que l’on vient vers eux. Il y a quasiment quelque chose qui est de l'ordre du rituel d'inversion, c'est le politique qui se déplace et c'est le citoyen qui accueille alors que la logique de la démocratie représentative est plutôt inverse !" 

"On est dans de la communication pure, conclut le politologue, mais la communication, ça fait partie de la vie politique et ça fait partie aussi de tout ce qui constitue l'ambiance à partir de laquelle les électeurs vont se décider … " Le défilé des ministres n'est donc sans doute pas fini...  

 

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