Suite à la rave party de Redon, qui s'est tenue les 18 et 19 juin dernier, les polémiques ne cessent d'enfler sur la violence de l'intervention des forces de l'ordre. Médiapart publie un article avec les témoignages de pompiers, affirmant avoir été empêchés d'intervenir. La préfecture dément.
De très violents affrontements ont eu lieu dans la nuit du 18 au 19 juin dernier, lorsque les forces de l'ordre ont essayé d'empêcher la tenue d'une free party interdite aux abords de l'hippodrome de Redon, au sud de l'Ille-et-Vilaine.
Ces heurts entre les jeunes teufers et les gendarmes mobiles, ont fait de multiples blessés, d'un côté comme de l'autre. Un jeune homme de 22 ans, s'est notamment retrouvé avec une main arrachée.
Des violences extrêmes qui ont choqué et provoqué un rassemblement citoyen pour dénoncer l'attitude des autorités pendant la dispersion de la rave party. Selon le journal Médiapart, qui a recueilli le témoignage de pompiers, ceux-ci, qui auraient pu intervenir dans la nuit pour secourir des jeunes, en auraient été empêchés par la préfecture.
"C'est vrai que le dispositif pompier est monté crescendo au cours des heures et sur une manifestation qui n'est pas encadrée, c'est très difficile de savoir" nous a confié un pompier arrivé sur place dans la journée et que nous avons pu joindre. "Pour ce qui est des gendarmes, on en a pris en charge, ça c'est sûr, pour les teufers, c'est plus difficile, car beaucoup ne souhaitent pas être identifiés et passent par d'autres réseaux, ils vont le plus souvent d'eux mêmes à l'hôpital."
Dominique, teufer de 23 ans était présent durant toute la manifestation, qui s'est soldée pour lui par une fracture du sternum, après un coup de pied. Il est beaucoup plus catégorique : "les pompiers ont été empêchés à 100% d'intervenir. Ils ont pu sortir les gendarmes blessés durant la nuit mais pas les jeunes. Je ne sais pas d'où est venu l'ordre, mais j'ai vu des policiers empêcher les pompiers d'accéder, pour ne pas les mettre en danger. Les pompiers ne sont intervenus qu'à la fin, une fois que tout était fini." Il poursuit "C'est nous-même qui avons pris en charge les blessés et les avons emmenés à l'hôpital." Pour ce qui est de la presse arrivée sur place le matin, nous savons que la grande majorité des journalistes a été bloquée à l'extérieur du site durant l'intervention policière de l'après-midi, "pour des raisons de sécurité" et n'ont pu y accéder qu'après le dernier assaut des gendarmes mobiles. Seuls quelques uns avaient pu se faufiler parmi les teufers dans la nuit.
L'Observatoire rennais des Libertés publiques a d'ailleurs adressé le 22 juin dernier sur tous ces sujets une lettre ouverte au préfet et au ministre de l'Intérieur.
Lors de la free party organisée à Redon, les gendarmes ont gravement blessé des teufeurs, dont un a eu la main arrachée par une grenade. Les pompiers, qui auraient pu intervenir pour secourir des jeunes, en ont été empêchés par la préfecture. https://t.co/NPGB3cZG2f
— Mediapart (@Mediapart) July 1, 2021
22 blessés, dont "une joue transpercée, une mâchoire touchée et des éclats de grenades"
Même si la comptabilisation des blessés n'est pas aisée, l'article de Médiapart relaye le bilan réalisé par l'association Techno+ "qui chiffre à 22 le nombre de jeunes auxquels elle a pu apporter les premiers soins (...) Parmi les blessures, l'association a notamment relevé une joue transpercée et une mâchoire touchée par des éclats de grenade (...). Sur ces 22 blessés, seuls quatre ont pu être pris en charge par les pompiers, entrés sur le site le 19 juin, vers 18 heures."
Les témoignages de pompiers, mais aussi de participants à la soirée et de membres de l'association Techno+, relayés par Médiapart expriment l'incompréhension et l'indignation de n'avoir pas pu intervenir, mais aussi de la mise en danger des jeunes.
"À partir de minuit, nous avons commencé à recevoir de nombreux appels de jeunes qui étaient sous les tirs de grenades lacrymogènes" raconte ainsi un pompier dans les colonnes de Médiapart "Certains étaient pris de panique, d'autres suffoquaient", poursuit-il. Le pompier poursuit son témoignage indiquant ne pas avoir pu s'engager dans la zone : " C'était trop dangereux. Mais la préfecture comme la gendarmerie n'ont pas réfléchi à la mise en danger qu'ils faisaient courir à ces jeunes. C'est si inquiétant de voir cela. Ce sont nos enfants." Et encore "J'ai honte d'être pompier. Un jeune risquait de mourir. Nous le savions. Mais nous ne pouvions pas intervenir."
Le démenti de la préfecture
La préfecture d'Ille-et-Vilaine dément formellement ce qu'elle appelle les "allégations" de Médiapart. Dans un communiqué, elle énumère les moyens mobilisés au cours de la nuit et de la journée du lendemain. Elle précise que le SDIS et la protection civile ont été mobilisés dès 1h04 du matin et étaient présents sur les lieux à 1h51. Des moyens supplémentaires ajoute t-elle, ont été engagés au cours de la nuit, "pour prendre en charge des victimes, dont certaines s'étaient entre-temps rendues à l'hôpital par leurs propres moyens".
A 6h, détaille t-elle encore, il y avait sur le site, "23 sapeurs-pompiers, 1 chef de colonne, 1 véhicule de secours et d'assistance aux victimes, 1 engin pompe ainsi que, pour la sécurité civile, 6 ambulances et 2 postes de secours armés par une vingtaine de secouristes." A 10h30 poursuit le communiqué, "au regard de la configuration des lieux et de la proximité immédiate de l'Oust, une première embarcation SDIS a été mise à l'eau pour sécuriser la rivière, rejointe vers 12h par deux autres moyens nautiques et une équipe de plongeurs." A 16h30, au moment de l'intervention finale, il y avait côté pompiers, "27 engins, 4 embarcations, un poste médical avancé (2 hôpitaux de campagne pouvant accueillir 40 personnes), 86 sapeurs-pompiers dont 2 médecins" . Et pour la protection civile, une vingtaine de secouristes, avec 4 ambulances.
La préfecture rappelle encore que le dimanche, ce 19 juin, "20 blessés avaient été pris en charge au poste médical avancé, dont 7 ont nécessité une hospitalisation." 1500 teufeurs étaient présents à Redon lors de ce teknival le 19 juin.