Avec Lyon et Grenoble, Rennes était en 1994 l'une des trois premières villes de France à proposer un enseignement universitaire spécifique consacré à l'économie sociale et solidaire, alors même que le concept n'avait pas encore été défini. Aujourd'hui 80 étudiants en Master sont formés chaque année.
L'économie n'est pas une fin mais un moyen, l'argent n'est pas le maître mais un instrument.
Contrairement au modèle de l'économie capitaliste qui vise à maximiser les profits quels qu'en soient les moyens, l'économie sociale et solidaire a pour objectif de construire, consolider, expérimenter. "C'est une économie de projet, de long terme, de territoire, pas de produit marketing" explique Pascal Glémain, enseignant en économie et gestion et co-fondateur du master en économie sociale et solidaire des universités de Rennes 1 et 2.
Des étudiants en quête de sens
Après une première année commune, le Master 2 Economie sociale et solidaire (ESS) de Rennes se décline en deux parcours : Ananlyse de projet et développement durable (Rennes 1), ou Finances solidaires et gestion des entreprises sociales (Rennes 2). La deuxième année est effectuée en alternance, une semaine par mois à l'université, les trois autres en entreprise.
Venus d'horizons géographiques très variés, du Togo, du Brésil et de toute la France ; en formation initiale ou en reprise d'étude, les 80 étudiants formés chaque année ont en commun une quête de sens, le souhait d'exercer un métier en adéquation avec leurs préoccupations. La plupart ont des expériences de bénévolat, service civique, engagement citoyen.
Âgée de 48 ans, Zakia est actuellement en deuxième année de master, après un parcours professionnel riche en expériences diverses : commerce, vente, intérim en industrie agro-alimentaire ou automobile, conseil en insertion professionnelle. "J'ai voulu rassembler mes compétences et mes valeurs, mes engagements : la souveraineté alimentaire, l'éducation des jeunes, des femmes, la lutte contre les précarités."
Je crois à la solidarité, au respect, à l'importance d'aller au travail avec envie.
A 23 ans, Fanny a choisi ce master pour s'éloigner du parcours classique proposé au lycée et à la fac, où l'on présente "surtout le modèle capitaliste et où on parle peu d'économie sociale et solidaire" selon elle. Ici, elle s'engage dans un modèle économique qui correspond aux valeurs auxquelles elle croit : "la solidarité, le respect, l'importance d'aller au travail avec envie."
Un concept apparu en 2000
Regroupant l'économie sociale qui rassemble les organisations sous statut associatif, coopératif et mutualiste, et l'économie solidaire qui émerge dans les années 70 et 80 avec l'apparition du commerce équitable notamment, le concept d'économie sociale et solidaire a été formalisé en 2000 en France par Hugues Sibille, ancien Délégué Interministériel à l'innovation et à l'économie sociale du gouvernement de Lionel Jospin.
Un mode de fonctionnement spécifique
"Ce sont des entreprises de personnes et non des entreprises de capitaux" reprend Pascal Glémain, passionné par le sujet depuis qu'il était lui-même étudiant et que ces notions étaient à peine abordées. "Ce sont des entreprises ancrées dans leur territoire, impliquées dans le développement local. La gouvernance est collégiale : 1 personne = 1 voix quel que soit son apport en capital. Et les bénéfices, ou excédents de gestion sont destinés à consolider l'organisation et non à rémunérer des actionnaires." précise-t-il.
Exemple de ce mode de fonctionnement, les entreprises d'insertion par l'activité économique, qui prennent le temps de mettre en situation de travail des salariés longtemps éloignés de l'emploi. "C'est une chose que ne ferait pas une entreprise commerciale, explique Pascal Glémain, parce que ça représenterait une perte de rentabilité."
Dans tous les secteurs d'activité
Finance, assurance, agriculture, bâtiment, l'économie sociale et solidaire couvre tous les champs de l'activité économique. Pas seulement les secteurs "fragiles". Même dans la grande distribution, les groupes système U et Leclerc sont des coopératives où les directeurs et directrices de magasins sont adhérents à la coopérative centrale d'achat. Contrairement aux groupes Auchan et Carrefour qui sont des sociétés commerciales actionnariales.
Le monde d'après existe déjà
"Le monde d'après existe déjà depuis longtemps. On a tendance à penser binaire : privé lucratif/public. On oublie ce troisième acteur qu'est l'ESS, et qui n'existe pas seulement à petite échelle. C'est un mouvement international qu'on retrouve partout dans le monde, en Amérique latine, en Amérique du Nord, en Asie, en Afrique et en Océanie." rappelle Pascal Glémain.
Pour ces étudiants, comme pour leur enseignant, l'économie sociale et solidaire est avant tout porteuse d'espoir.