Depuis plusieurs semaines, l’approvisionnement des pharmacies est sous tension pour plusieurs médicaments, comme le paracétamol et l’amoxicilline. Ces médicaments sont rationnés. Deux pharmacies ont été agréés en Bretagne, à Rennes et Vannes, pour préparer elles-mêmes de l’amoxicilline à usage pédiatrique.
Les antibiotiques, c’est pas automatique. Sans doute vous souvenez-vous de cette campagne de prévention, dans les années 2000, qui visait à réduire la consommation d’antibiotique.
Malgré cette campagne, la situation est aujourd’hui critique. Impossible de se fournir en amoxicilline. Un antibiotique particulièrement utilisé pendant la période hivernale.
L'amoxicilline en sirop, pour les enfants, presque introuvable
Selon l’ANSM, "les formes de ces antibiotiques les plus impactées sont principalement les suspensions buvables en flacon", particulièrement utilisées chez les enfants. Et si la situation n’est pas encore dramatique, elle pourrait s’intensifier rapidement.
" Comme pour le paracétamol, la situation est extrêmement tendue, alerte Jean-François Guillerm, président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens. On a le devoir de faire attention. On a surtout peur de manquer d’amoxicilline dans sa forme pédiatrique. On demande aux parents de ne pas faire de stocks, et nous-même pharmaciens ne livrons les médicaments, quand c’est possible, qu’à l’unité ".
Pénuries à répétition
Pourquoi ces pénuries à répétition ? L’ANSM indique "des origines multifactorielles", comme des capacités de production insuffisantes, des difficultés de production des matières premières (qui viennent principalement d'Inde ou de Chine) ou encore des défauts de qualité sur les médicaments pour justifier les ruptures de stock régulières.
Il y a aussi eu la crise de Covid-19, où la demande en antibiotiques s’est réduite, donc une partie des laboratoires a orienté des chaînes de fabrication vers d’autres productions. Relancer toute la machine prend du temps.
Des solutions temporaires
En 2021, l’ANSM a reçu 2 160 signalements de ruptures de stock et risques de rupture. Le phénomène n’est donc pas nouveau et s’anticipe mieux. Dans le cas du paracétamol, dont le marché est tendu depuis plusieurs semaines, la situation n’est pas encore critique et malgré le rationnement des doses, les pharmacies parviennent à se fournir.
C’est plus compliqué pour l’amoxicilline. "On travaille avec les médecins pour vérifier que la prescription d’un antibiotique est bien obligatoire et de veiller à ce que les patients n’en aient pas plus que nécessaire, afin de préserver les stocks", confie Jean-François Guillerm.
Deux "préparatoires" agréés en Bretagne pour la production
En Bretagne, l’agence du médicament a demandé, début décembre 2022, à deux officines de préparer des gélules d’amoxicilline pédiatrique, une à Rennes, l’autre à Vannes, la pharmacie de Tohannic. Des gélules que peuvent délivrer directement "à titre exceptionnel et temporaire" les pharmacies, alors qu'en principe, c'est en sirop que ce médicament est vendu.
Dans la pharmacie et préparatoire de Tohannic, entre les préparateurs, le service SAV, l’expéditeur, 9 personnes en tout travaillent à la confection de gélules d’amoxicilline en dosage pédiatrique, soit 125 ou 250g.
"On a tout ce qu’il faut sur place" affirme Antoine Rousseau, pharmacien et gérant de l’officine. "On avait déjà la matière première, de l’amoxicilline en poudre, et tout le matériel, notamment une hotte et un SAS pour que le produit ne se diffuse pas".
Une pénurie liée aussi au prix du médicament en France
En fait, il y a toujours eu des pénuries de médicaments. "Mais il a fallu que ça touche l’amoxicilline pour faire bouger les choses", confie Antoine Rousseau.
Aujourd’hui, une centaine de pharmacies du Grand Ouest – et même une de Guyane- se ravitaillent chez Tohannic. Mais pour le pharmacien, le problème vient surtout du prix du médicament.
Les industriels ne sont pas intéressés par le marché français car ici le produit n’est pas assez cher. Dès que la situation se tend, la France n’est pas prioritaire. L’industriel ira vendre là où son produit lui rapporte le plus.
Antoine Rousseau, pharmacien à Vannes
Les pharmaciens ne cachent pas leurs craintes de pouvoir passer l’hiver. " Il faut qu’on tienne jusqu’à mars, on devrait alors recevoir de nouveaux stocks d’amoxicilline", annonce Jean-François Guillerm. Mais une petite musique revient : "les antibiotiques, c’est pas automatique".
Une petite musique qui, espèrent les pharmaciens, fera que cette pénurie soit à l’origine d’un changement de consommation des médicaments en France. Pour éviter de peser inutilement sur l’offre d’antibiotiques dans le pays.