"L'Etat s'arroge le droit de supplanter notre autorité parentale", l'école à domicile défendue par des parents amers

568 360 élèves effectuent leur rentrée scolaire dans notre région. Parmi eux, entre 2 000 et 2 500 jeunes Bretons seront scolarisés à domicile. Depuis 2022, la loi a durci les conditions de l'instruction à domicile. Une demande d'autorisation auprès du rectorat remplace la simple déclaration. Face aux refus de l'Éducation nationale, des parents d'élèves multiplient les actions de protestation et aussi les recours devant la justice.

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Lucie Le Naour ne décolère pas. Pour cette rentrée scolaire, trois de ses quatre enfants ne vont plus pouvoir suivre l'instruction à domicile. "Le rectorat de l'académie de Rennes a refusé ses demandes d'instruction à la maison," lâche-t-elle amèrement. Alors ele a décidé de faire de la résistance civile et de continuer à faire de l'instruction à domicile comme avant.

L'État s'arroge le droit de supplanter notre autorité parentale.

Lucie Le Naour

Mère de 3 enfants en instruction en famille

Car depuis le vote de la loi du 28 août 2021, les conditions pour effectuer l'enseignement à domicile de ses propres enfants ont changé.

4 motifs de dérogation

Depuis la rentrée 2022, le régime de déclaration d'instruction à domicile est remplacé par un régime d'autorisation préalable. Et les rectorats sont les seuls arbitres. La loi stipule que des dérogations sont possibles selon 4 motifs : l'état de santé ou un handicap de l'élève, la pratique d'activités sportives ou artistiques intenses, l'itinérance de la famille et enfin, une situation propre à l'enfant motivant le projet d'éducation en famille.

La loi prévoyait une période intermédiaire de deux ans durant laquelle les familles ayant déjà obtenu une autorisation pouvaient continuer sous le régime de l'instruction à domicile.

Une demande d'autorisation pour toutes les familles

Mais pour cette rentrée, tous les compteurs sont remis à zéro. Et même des familles déjà dans ce cursus depuis plusieurs années doivent demander cette nouvelle autorisation au rectorat. Face au refus, Lucie Le Naour s'estime lésée. "Dans la situation actuelle, l'État s'arroge le droit de supplanter notre autorité parentale," s'insurge-t-elle.

Il y a une volonté de réduire l'instruction en famille.

Julie Ricard

Mère de 2 enfants en instruction en famille

À ses côtés, Julie Ricard, une autre mère de famille et membre du collectif qui alerte sur la situation tendue en Bretagne et dans le Finistère. "Pour moi, il y a une volonté globale du gouvernement, du rectorat de limiter l'instruction en famille, de la réduire pour qu'elle vive une mort naturelle."

Dans un communiqué remis à la presse, ce collectif finistérien de parents d'élèves défendant l'instruction à domicile indique que "les refus abusifs (du rectorat) continuent de tomber, de nombreuses familles ont déjà inscrit leurs enfants à l'école contre leur volonté."

On fait une purge par rapport à l'instruction en famille.

Mathilde Pflieger

Mère d'une fillette de 10 ans en instruction en famille

Au contraire, Mathilde Pflieger, maman d'une enfant de 10 ans, a choisi de désobéir. Ce matin, sa fille Oona n'a pas fait sa rentrée scolaire. Depuis 4 ans, elle suivait l'instruction à domicile chez ses parents sur la commune de Lopérec. Face au refus du rectorat, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes. Avec, selon elle, la certitude de gagner. "Le rectorat avait 15 jours pour répondre à notre recours administratif envoyé par la poste en recommandé. Et il ne l'a pas fait. Mais le juge du tribunal administratif dit dans son ordonnance que nous n'avons pas apporté la preuve de cette date. C'est un juge qui ignore une pièce du dossier. On fait clairement une purge par rapport à l'instruction en famille."

De plus en plus de contentieux

Selon Maître Antoine Fouret, avocat dans un cabinet spécialisé dans le droit de la famille "En Bretagne, cette année, nous voyons les cas de contentieux qui triplent voire qui quadruplent. L'an passé, tous nos recours ont réussi et cette année aucun. Le tribunal administratif de Rennes était très ouvert. Plus maintenant. Soit il y a une nouvelle orientation de la juridiction, soit il y a des recommandations qui sont passées du côté des rectorats ou bien les deux."

Il y a des tabous et des peurs du côté des rectorats.

Maître Antoine Fouret

Avocat spécialisé dans le droit de la famille

Pour l'avocat, "il n'y a pas d'homogénéité dans les décisions des rectorats." Il ajoute : "nous avons même des cas de refus pour des enfants en maternelle alors que cet enseignement n'était pas obligatoire jusqu'à il y a peu." L'avocat insiste : "Il y a clairement des tabous et des peurs. Vis-à-vis de l'enseignement religieux même quand il est légal."

Chaque demande est analysée au cas par cas

Rectorat de Rennes

Service de communication

De son côté, le rectorat de Rennes, que nous avons contacté, nous a répondu sur une partie de nos demandes. Par mail, son service de communication nous indique que le nombre "d’enfants scolarisés en mode « Instruction en famille » à la dernière rentrée était de 2 351 élèves au 1er septembre 2023, sachant qu'ils étaient 2 614 au 1er septembre 2022." Le rectorat ajoute que "le nombre de refus était de 252 au 1er septembre 2023, 338 refus au 1er septembre 2022. Il n'y a donc pas davantage de refus d'une année sur l'autre." et il ajoute "Concernant les dossiers : chaque demande est analysée au cas par cas pour vérifier l'existence d'une "situation propre"."

Les parents déboutés entendent faire connaître leur situation en multipliant les actions notamment auprès des députés qui avaient voté la loi de 2021. Une loi qu'ils veulent remettre en cause.

Pour les parents qui ne respectent pas la loi, ils encourent une peine de 6 mois d'emprisonnement et une amende de 7 500 euros d'amende. Sans compter l'arrêt possible du versement des allocations familiales et les enquêtes de l'Aide Sociale à l'Enfance.

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