Du stress financier aux défis personnels : les assistantes sociales du travail sont en première ligne pour épauler les salariés en difficulté. Leur rôle ? Dénouer les situations complexes et guider à travers les méandres administratifs. Ces professionnelles discrètes détiennent souvent les clés pour résoudre les problèmes. Plongeons dans l'univers d'Eve Jouanny pour explorer cette profession essentielle mais peu connue.
[Article précédemment publié le 18 mars 2024]
"Quand on reçoit un salarié, sa parole est sacralisée. Rien ne sort du bureau. On a une charte éthique, nous sommes liés au secret professionnel, sauf en cas de maltraitance". Ève Jouanny pose tout de suite ce préambule. À 44 ans, la jeune Rennaise coordonne 25 assistantes sociales sur tout le territoire français, pour une société prestataire auprès d’entreprises.
Au sein de l'entreprise, je suis une facilitatrice
Diplôme d'État du service social, puis licence de sociologie et master en ressources humaines, elle fait une première approche de son métier lors d'un stage au sein du journal "Ouest-France", et trouve ses marques.
Dans son métier, elle se définit comme une "facilitatrice". Son domaine d'intervention est vaste, en effet : santé, difficultés financières, problème de surendettement, accès au logement, difficultés lors d'un accident de la vie, d'un handicap, d'une invalidité ou d'une reconversion professionnelle. Dans son escarcelle encore : les dispositifs d'accès au droit de la CAF ou de la CPAM, les conseils pour la retraite ou les démarches administratives. "Mais il faut démocratiser notre rôle. Parfois, les salariés ne savent pas qu'on peut les aider", souligne Ève.
Les gens pensent qu'on intervient uniquement pour les cas sociaux, c'est un préjugé. On est là pour faire de la prévention au travail, chacun peut avoir besoin d'une aide à un moment dans sa vie.
Ève JouannyAssistante sociale du travail
"On constate que les problèmes des salariés ont évolué. Il y a de plus en plus de difficultés financières avec les changements de niveaux de vie. Difficultés aussi face au manque de disponibilité de logements sociaux et à la hausse des loyers. Sans compter les méandres administratifs et les démarches via internet." explique-t-elle.
"On voit aussi des personnes exposées à la violence conjugale, en situation de proche aidant pour un parent, ou confrontées à un décès, contraintes de faire appel à l'aide alimentaire. Dans ces moments-là, les difficultés personnelles ont forcément un impact sur l'équilibre au travail" précise Ève.
Ève le rappelle, "on a toujours une assistante sociale de proximité". Elle peut servir d'interface avec l'entreprise, le salarié et les réseaux sociaux, avec un atout : "connaître le maillage social sur son territoire". Eve rencontre dans chaque entreprise les RH, le service paie, le Comité Social d'Entreprise, les services de mutuelles.
"Il faut d'abord se familiariser avec un fonctionnement interne parfois complexe" détaille-t-elle. Et au-delà des dispositifs de droits communs dont les salariés disposent, elle est toujours en veille par rapport à la législation juridique, aux jurisprudences, aux réformes, "comme la réforme des retraites ou la loi handicap, pour avoir la bonne réponse."
L'aide financière peut être un outil mais il faut d'abord globaliser la situation et trouver des solutions pour un bon équilibre vie professionnelle et vie privée.
Les usagers pensent parfois qu'ils ont des droits et que nous avons un chéquier, qu'il nous suffit d'appuyer sur un bouton. Cette image nous colle à la peau. Mais il y a d'autres moyens pour débloquer une situation parfois.
Ève JouannyAssistante sociale du travail
Comment rester professionnelle face à certaines personnes en détresse ? C’est la question qu'on se pose quand la jeune femme décrit son travail. Celle-ci sourit et après réflexion, répond : " Mes proches disent de moi que je suis "enveloppante"! Je suis très à l'écoute, souvent on se tourne vers moi. J'ai toujours voulu aider les autres dans ce qu'ils traversent."
Dans mon métier, les gens viennent avec leurs bagages. Quand j'arrive à les aider, j'ai un sentiment d'accomplissement.
Ève JouannyAssistante sociale du travail
"Ce que j'aime dans mon métier, c'est qu'il est concret", conclut-elle. Aider quelqu'un à trouver un logement, lui permettre de souffler, l'accompagner lors d'un divorce ou lui offrir une solution de répits quand il s'occupe d'un enfant handicapé, ou tout simplement lui donner les clefs pour une reconversion, il y a effectivement de quoi se sentir utile.
L'humain au cœur du travail, forcément.