Témoignage. Agriculture et handicap. "On est capables de faire ce métier. Il faut ouvrir les champs du possible"

Publié le Mis à jour le Écrit par Séverine Breton et Laurence Postic

La Chambre d'agriculture de Bretagne mène une opération de sensibilisation à la prise en compte du handicap dans les métiers agricoles. Magali et Laurent Guérin sont installés à Plénée-Jugon, dans les Côtes d'Armor. Tous deux sont malentendants mais gèrent au quotidien la ferme, leurs terres et leurs 85 vaches. "C’est important de montrer qu’en étant sourds, on est capables de faire ce métier-là."

Laurent Guérin est né dans la ferme. C’était celle de ses parents, et de ses grands-parents avant eux. Il a toujours aimé ça et ne s’est pas posé de questions. Il serait agriculteur. Il en était convaincu. Être sourd, ne serait pas un problème !

Les choses se sont donc déroulées facilement ou presque. Laurent a passé son BTS et s’est installé. Quelques années plus tard, Magali l’a rejoint.

" C’est  important de montrer qu’en étant sourds, on fait ce métier-là. Nous sommes capables. Nous avons tous nos animaux. Parfois les entendants vont penser ou dire que ce n’est pas possible et nous ne voulons plus de ça, nous sommes capables au même titre que tout le monde. Nous pouvons travailler ensemble, être autonomes comme d’autres personnes en situation de handicap", explique la jeune femme.

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Handi cap vers l'agriculture ©L. Postic; T. Bouilly; L. Sombret /FTV

Au quotidien, sur la ferme, ils font face tous les deux. Laurent est appareillé. Quand il a ses prothèses, il entend les sons. "Dès qu'il y a un bruit, je vais le repérer et me retourner vers lui. À la traite, s’il y a un trayon qui se débranche, je vais le percevoir. Et puis, nous les sourds, on repère facilement les choses au niveau visuel. On sait regarder là où il faut", raconte-t-il.

Magali Guérin, elle, n’entend pas et fait donc tout avec ses yeux. Une vache qui se comporte de manière inhabituelle, elle le sent visuellement. "Un petit mouvement suffit. Je vais me dire, il y a un problème, je vais aller voir la vache et la soigner. En salle de traite, tout fonctionne ainsi avec nos yeux ", indique-t-elle.  

Dans les champs, en cas de problème sur un tracteur, le couple ne va pas entendre, mais ils ont installé des gyrophares qui signalent qu’il y a une difficulté.

Des aides techniques pour faciliter le quotidien

"C’est possible avec des aides, et des applications," insiste le couple. Ils ont ainsi à leur disposition une appli pour passer des coups de téléphone, appeler un vétérinaire, un fournisseur par exemple. "Nous, on ne peut pas téléphoner en direct, mais avec l’application on va avoir un interprète en direct en visio qui va traduire l’échange avec la personne entendante au bout du fil," raconte l’éleveuse.

"Pour l’instant, on a trois heures par mois de forfait, ce n’est pas suffisant, il en faudra plus et parfois, il y a une grosse file d’attente et on doit attendre, 15 minutes, et si c’est une situation d’urgence, ce n’est pas possible. Et puis il y a la nuit, le week-end." En cas de soucis, Magali et Laurent Guérin savent qu’ils peuvent compter sur les parents de Laurent, mais essayent de ne pas en abuser.

Aujourd’hui 25 000 personnes en situation de handicap travaillent dans le monde agricole. La chambre d’agriculture de Bretagne vient d’éditer un livret, Handi cap vers l’agriculture pour promouvoir ses métiers. "Il faut que l’on ouvre les champs des possibles plaide Marie-Christine Le Crubiere, agricultrice - Présidente du groupe de travail Egalité-Parité à la Chambre d'agriculture de Bretagne. L’agriculture manque de bras et le taux de chômage des personnes handicapées est de 12 %,  près du double de celui de la population totale (7 % )."

25 000 personnes en situation de handicap travaillent dans l'agriculture

Magali et Laurent Guérin ne cachent pas les difficultés. "Pour la commercialisation, c’est plutôt Laurent qui gère parce qu’il parle bien, témoigne Magali. Pour moi, ce n’est pas toujours facile, je peux lire un peu sur les lèvres mais c’est parfois compliqué."

"On ne peut pas avoir un interprète là tous les jours, alors, parfois, avec les gens,  on passe par le mime ou par l’écrit, raconte-t-elle.  Le but c’est d’être autonomes et c’est aussi aux entendants de faire l’effort de parler lentement, de s’adapter."

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