Cinéma. "Sous les écrans, la dèche". Au festival Travelling, les salariés des festivals prennent la parole

À l'occasion du Festival Travelling qui se déroule du 20 au 27 février 2024 à Rennes, des membres du Collectif "Sous les écrans, la dèche" prennent la parole pour dire leurs inquiétudes. Depuis la réforme de l'assurance chômage, leurs indemnités connaissent des baisses sévères. Les programmateurs, projectionnistes, agents de la billetterie qui courent de festivals en festivals sont pénalisés. À terme, c'est la survie des festivals qui pourrait être menacée.

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"Nous sommes les métiers de l’ombre, déclare sobrement Flora Van Der Gucht, les programmateurs, les projectionnistes, les agents qui accueillent les acteurs, les réalisateurs ou le public, ceux qui s’occupent des accréditations, ceux qui gèrent les bénévoles…" Des invisibles sans qui les écrans resteraient noirs. Des hommes et des femmes sans qui les festivals ne pourraient pas vivre.

Le scénario catastrophe

Mais la réforme de l’assurance chômage de 2020 a durci les règles d’indemnisation. L’ambition était alors de lutter contre le recours excessif aux contrats courts. Or les contrats courts, c’est justement le quotidien de tous les salariés des festivals. Ils vont de Clermont-Ferrand à Cabourg, de Cannes à Gérardmer, en passant par Douarnenez ou Dinard. "Nous travaillons 15 jours, trois semaines, un mois, parfois trois ou quatre mois pour telle ou telle manifestation et puis on attend la prochaine", décrit Franck Aubin, projectionniste et membre du Collectif "Sous les écrans, la dèche".

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"Nous n’avons que des contrats courts, résume Flora Van Der Gucht, c'est l'essence même de nos missions. Depuis la mise en œuvre de la réforme, (qui a pris du retard à cause du Covid), nous perdons entre 30 et 40 % de nos indemnités chômage. Pour un même nombre de jours travaillés et pour les mêmes salaires, ses revenus ont chuté de 1 000 à 600 euros mensuels ! "

"Cela fait un manque considérable de 4 à 5 000 euros par an. Les gens n’arrivent plus à vivre", se désole Franck Aubin.

Des prises de parole dans chaque festival

 

Depuis plusieurs mois, à chaque festival, les membres du collectif montent sur scène. Ils prennent la parole pour dire leur malaise et alerter les responsables des manifestations et les politiques.

En France, on compte aujourd’hui 150 festivals de cinéma. "Tout le monde se réjouit qu’il y ait des festivals, mais avec cette réforme, ils sont en danger ", avertit le projectionniste.

"Les gens arrêtent parce que ce n’est plus tenable, constate Flora Van Der Gucht. Ils sont précarisés et partent vers d’autres horizons, mais c’est tout un savoir-faire qui s’en va avec eux", regrette-t-elle.

"Nous sommes les chevilles ouvrières de la politique culturelle à la française, un modèle dont nos politiques, depuis des années, vantent le rayonnement international. Jusque-là, un consensus bancal existait entre nous, travailleurs.se.s précaires, employeurs et État, pour nous permettre de faire vivre la culture et de subsister de mission en mission. Il semblerait qu’aujourd’hui, ce consensus soit rompu et que la culture soit en danger. Il est urgent de trouver un nouveau modèle. Ensemble !", indique le collectif dans le texte qu’il lit désormais régulièrement.  

Lors du dernier festival de Cannes, Justine Triet, Palme d'or pour son film, Anatomie d'une chute, avait pris la parole pour évoquer la réforme des retraites et la marchandisation de la culture, portait le petit badge rouge du collectif.  

 

Un vrai statut ?

Le collectif réclame la création d’un véritable statut pour ces métiers. "D’un festival à l’autre, nous n’avons pas les mêmes contrats, pas les mêmes traitements, témoigne Flora. Parfois les salariés sont en CDD, d’autres fois en contrat de vacation ou missions d’indépendants… Il faut que l’on incite les festivals à se fédérer pour prévoir des contrats et que l’on uniformise les conventions collectives", plaide Franck Aubin.

"Nous enchaînons des périodes d’intenses activités au moment des manifestations, les heures d’installation, de projections, de cérémonies et des périodes de creux, il faut que les salariés puissent bénéficier du statut d’intermittents du spectacle", exige Flora Van Der Gucht.  

Dans son texte, le collectif rappelle :" Nous travaillons de façon intermittente et nous exigeons un système de protection qui tienne compte de la spécificité de nos métiers. Nous demandons également que les structures qui nous emploient prennent leurs responsabilités et mettent en œuvre une politique de ressources humaines respectueuse, impliquant de réajuster leurs ambitions et de ré-arbitrer leurs budgets si nécessaire : celui consacré à l’équipe ne doit pas être la variable d'ajustement d'un festival."

"Si demain, nous ne pouvons plus exercer nos missions dans des conditions convenables, c'est l'existence même des festivals qui, à terme, sera impactée. Il est urgent d'agir collectivement pour la survie de nos savoir-faire, conclut le collectif. Alors, vous qui aimez les festivals, cette lutte est aussi la vôtre."

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