Dans quelques jours, Pauline va fêter un drôle d’anniversaire. En ce début mars 2024, cela fera quatre ans qu’elle a attrapé le Covid. C’était avant même le confinement, les masques… Elle a fait partie des premières malades et se bat depuis contre les douleurs et tout ce qui en découle, l’impossibilité de travailler, les tracasseries administratives.
"Des fois, je vais mieux. Des fois, je ne vais pas bien. Des fois, je pleure. Cela fait quatre ans qu’on n’a pas de vie" commence Pauline.
Dans quelques jours, elle va fêter ses quatre ans de Covid Long. "Ce n’est pas hyper joyeux comme anniversaire" confie-t-elle. Elle est tombée malade avant l’allocution du président de la République, le 16 mars 2020. On ne connaissait pas encore très bien la maladie.
"J’étais couchée, pas bien du tout, mais on ne savait pas ce que c’était" se souvient-elle. Dès le début, elle a de gros problèmes respiratoires et surtout des troubles neurologiques. "Au départ, le médecin pensait que c’était la fièvre qui me faisait délirer", mais la jeune femme se sentait dérailler. "Je me perdais dans l’appartement, je partais pour aller manger et je me retrouvais dans la salle de bains. Je me demandais ce qui m’arrivait. Je pouvais faire deux ou trois fois la même chose sans m’en apercevoir, se rappelle-t-elle. Quand j’arrivais quelque part, je ne savais plus ce que j’étais venue y faire."
Le 17 mars 2020, au lendemain de l’annonce du confinement par Emmanuel Macron, le médecin pose le diagnostic : Covid. "Ça va aller, rassure-t-il, dans sept jours, c’est fini."
J’étais tellement mal que je n’ai même pas paniqué
Pauline
"J’étais tellement mal que je n’ai même pas paniqué", décrit Pauline. Aujourd’hui, elle reconnaît qu’elle souffrait tellement, qu’elle a envisagé de sauter par la fenêtre. Je pensais que j’allais mourir.
Mais les journées passent et Pauline est toujours au fond de son lit. Pendant les premières semaines, elle dort 20 heures sur 24. Elle est si fatiguée qu’elle ne peut même plus se couper un morceau de jambon.
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La tête en compote
"J’étais paniquée parce que je voyais que je n’arrivais plus à réfléchir" décrit-elle. À 40 ans, Pauline ne sait plus compter, ne parvient plus à lire. "Je lisais la même phrase plusieurs fois de suite sans comprendre ce qu’elle voulait dire. J’avais le niveau d’une enfant de CP" soupire-t-elle.
Quand les médecins l’envoient faire un test de QI, elle qui avait un quotient intellectuel supérieur à la normale, se retrouve avec des résultats catastrophiques.
Je me souviens, on m’a demandé : cinq multiplié par zéro, ça fait combien ? Je me suis mise à pleurer, parce que je ne savais pas. On m’a montré des images d’animaux, je n’étais pas capable de dire, "ça, c’est un éléphant", "ça, c'est un lion"
Pauline
Des douleurs partout
Pauline a mal partout. Chaque muscle, chaque articulation est douloureuse. Elle a des problèmes cardiaques, digestifs. Le Covid s’est emparé d’elle. "Je crois que je n’ai pas un seul organe qui n’ait pas été touché" soupire la jeune femme. Elle a des kystes sur tout le corps, commence à souffrir de problèmes de vue, d’audition. Et n’a plus d’anticorps. En juin 2020, c’est son rhumatologue qui lui annonce qu’il s’agit sans doute d’un Covid long. Mais personne ne sait alors ce que cela va signifier pour les mois à venir.
2020, 2021, pour moi, ces années-là, elles n’ont pas existé
Pauline
"2020, 2021, pour moi, ces années-là, elles n’ont pas existé" résume Pauline
"J’ai 42 ans, dit-elle en riant, pas 44 parce que ces deux ans-là, on me les a volés. Je ne me souviens pas de ce que j’ai fait. Mon cerveau n’était plus capable de rien d’autre que de regarder le plafond."
"Avant, j’avais un travail, j’étais normale, et là, "plus de son, plus d’image". Il y a un souci" s’inquiète-t-elle. Et puis un jour, elle discute avec sa sœur, et s’aperçoit qu’elle ne se souvient pas du prénom de son père. "Là, ça a été horrible, j’ai vraiment pleuré, vraiment, vraiment eu peur."
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Fantôme de l’administration
Depuis l’arrivée de sa maladie, Pauline ne peut plus travailler. Mais aujourd’hui, elle n’a plus droit aux arrêts maladie. Elle n’est pas reconnue, ni en longue maladie, ni en invalidité. "On m’a dit que ma maladie était trop fouillis, c’est violent, déclare-t-elle. Je ne l’ai pas voulue cette maladie. Je n’étais pas une personne à risque, j’étais sportive, active…"
Pauline vit aujourd’hui avec une allocation adulte handicapée de 900 euros par mois.
"Il y a des malades dans l’association qui ont été obligés de vendre leurs maisons parce qu’ils sont malades et qu’ils n’ont plus de salaire" témoigne-t-elle.
Deux millions de personnes souffrent de Covid long en France
"Je ne suis pas un cas isolé, et ça, c’est triste. Il existe une association, Après J20, et on a un collectif d’entraide à Rennes, on se retrouve de temps en temps pour boire un café, discuter. Aujourd’hui, à Rennes, nous sommes une centaine. Principalement des patients du premier Covid, explique Pauline, on dit que le premier variant était vraiment costaud, mais on a aussi beaucoup de malades de 2021, et d’autres de 2022, de 2023."
En France, selon une étude réalisée par Santé Publique France entre mars et avril 2022, près de 2 millions de personnes de plus de 18 ans souffrent ou ont souffert du Covid Long, à des degrés divers.
"Nous sommes les pots cassés, les oubliés, se désole Pauline. "Dans certains pays, des prises en charge existent. En Allemagne, il ne se passe pas un mois sans que les ministres ne parlent du Covid long. Là-bas, ils ont mis de l’argent pour la recherche… Ici, on sent que nous ne sommes pas la priorité, qu’il y a toujours quelque chose de plus important que nous."
"Il y a des gens qui souffrent tellement aujourd’hui qu’ils pensent à partir en Suisse pour se faire euthanasier."
"On nous dit d’attendre, mais on attend quoi ? Le Covid est toujours là, bientôt, se désole Pauline, on aura des malades de Covid long de 2024."
Pour continuer à se battre au quotidien contre les douleurs et les difficultés, Pauline et les autres malades ont besoin d’aides et d’espoirs.