Adapter localement les objectifs nationaux de planification écologique, voilà la feuille de route des COP régionales. La Bretagne n'a pas attendu la mise en place de ce nouveau dispositif pour travailler sur les enjeux climatiques. Et anticiper les bouleversements auxquels elle sera confrontée d'ici 2100.
La France s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% d'ici 2030. Pour concrétiser cet engagement, Emmanuel Macron a initié un processus de planification écologique couvrant divers secteurs tels que le transport, l'agriculture, le logement, l'industrie ou encore la biodiversité.
Ce qui amène aujourd'hui à la création de COP régionales. Objectif : ajuster les objectifs nationaux à l'échelle de chaque territoire et identifier les leviers d'action pour les mettre en œuvre, tout en responsabilisant les collectivités, les entreprises, les associations, les agriculteurs et les fédérations professionnelles.
Quel climat en 2100 en Bretagne ?
Dans ce cadre, Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la Mer et de la Biodiversité était à Rennes, ce mercredi 10 avril 2024, pour lancer la COP Bretagne. Mais la Région n'a pas attendu cette décision pour travailler sur les enjeux climatiques.
Dans la continuité des travaux de la Breizh COP, la Bretagne s'est dotée, depuis 2022, d'un conseil consultatif composé de vingt scientifiques : le Haut conseil breton pour le climat, co-présidé par Vincent Dubreuil et Anne-Marie Tréguier.
Il veille à la cohérence des stratégies de territoire pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et prépare la région aux impacts du changement climatique.
Et il y a urgence. Les douze derniers mois ont été les plus chauds jamais enregistrés sur la planète : +1,58 degré en moyenne, dépassant ainsi la limite fixée par l'accord de Paris à 1,5 degré.
Le réchauffement climatique ne fait plus de doute. D'ici la fin du siècle, il aura des conséquences très concrètes sur notre environnement et nos modes de vie. À quoi faut-il s'attendre en Bretagne ? Quel climat pourrait-on avoir en 2100 et avec quelles conséquences ?
Vincent Dubreuil, qui est aussi géographe à l'Université Rennes 2 annonce une hausse de 2 à 4 degrés des températures bretonnes d'ici la fin du siècle. "À Rennes, on a déjà aujourd'hui le climat qu'on avait à Bordeaux il y a 60 ans, puisqu'on a gagné un peu plus d'1°, constate-t-il. Si on gagne encore 1 degré, on aura le climat de Toulouse à peu près et en fin de siècle, dans le scénario le plus pessimiste, on sera avec le climat de Coimbra, au centre du Portugal. Donc vraiment un climat très différent de ce qu'on connaît aujourd'hui" affirme le co-président du Haut conseil breton pour le climat.
"Dans les villes, un double changement climatique"
Ce bouleversement climatique nécessite de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre et de préparer la Bretagne à ce changement, particulièrement en milieu urbain. "Dans les villes, on a un double changement climatique, observe Vincent Dubreuil. Au changement climatique global sur toute la région, s'ajoute le changement local lié aux villes avec le phénomène d'îlots de chaleur urbains qui doublent quasiment l'effet du réchauffement climatique".
Les chiffres qu'il apporte sont parlants. "En moyenne, la nuit à Rennes, il fait 2 à 4 degrés de plus que dans la campagne environnante. Mais en juillet 2022, on a mesuré 9 degrés d'écart entre le centre-ville de Rennes et la campagne. Plus généralement, entre le centre de Rennes et les prairies Saint-Martin, qui sont un îlot de fraîcheur, il y a souvent 3 à 4 degrés d'écart" témoigne le géographe.
Pour mesurer ces écarts, Rennes, ville pionnière en la matière, dispose, depuis 20 ans, d'un réseau de suivi des îlots de chaleur, grâce à une centaine de capteurs dont on peut consulter les données en temps réel, pour affiner davantage l'adaptation à ce nouveau climat. "Se préparer en ville à un climat plus chaud, cela veut dire favoriser tout ce qui va limiter le rayonnement thermique, indique Vincent Dubreuil, favoriser la végétalisation qui va fonctionner un peu comme des îlots de fraîcheur, favoriser aussi l'infiltration de l'eau, diminuer au maximum l'accumulation de chaleur par les bâtiments donc repenser totalement l'aménagement des villes."
Des enrobés plus clairs, des toits peints en blanc, comme celui de l'Université Rennes 2, peuvent être des leviers intéressants.
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La problématique est la même sur le littoral breton. Il doit aussi faire face au défi climatique, c’est-à-dire à l'érosion galopante et à la montée des eaux. En Bretagne, le niveau de la mer est en hausse de 20 cm depuis 1850, avec une augmentation plus rapide, de 13 cm environ, ces cinquante dernières années.
Quand l'océan se réchauffe, il se dilate et occupe davantage de volume, ce qui cause une montée du niveau de la mer.
L'élévation du niveau de la mer est un processus à retardement. Elle est inéluctable. Elle atteindra ou dépassera deux mètres. La question est de savoir quand ?
Anne-Marie TréguierOcéanographe et co-présidente du Haut conseil breton pour le climat
Dans les prochaines décennies, la rapidité de la fonte des glaces polaires sera déterminante, tout comme l'atténuation de nos émissions de gaz à effet de serre.
Ce que confirmait dans son bulletin annuel, le 3 avril dernier, le Haut conseil breton pour le climat, par la voix de sa co-présidente, l'océanographe Anne-Marie Tréguier, laquelle est aussi membre du GIEC. "Cette hausse du niveau de la mer est un processus à retardement, explique-t-elle. Elle est inéluctable. Clairement, elle atteindra ou dépassera deux mètres ! La question n'est donc pas : 'est-ce qu'on va avoir deux mètres de plus' mais : 'quand est-ce qu'on va avoir deux mètres de plus' ? Et le niveau de nos émissions futures de gaz à effet de serre détermine le rythme de l'élévation. Plus on en émet et plus cette élévation va se produire vite. Il y a aussi des incertitudes sur la vitesse de fonte des glaces continentales du Groenland et de l'Antarctique" précise encore la scientifique.
Pour retarder cette échéance, un changement dans nos modes de vie sera nécessaire, tant sur le plan alimentaire que des transports. Stratégies d'adaptation et anticipation seront donc au cœur des enjeux.
L'érosion accrue obligera à s'adapter à un littoral en mouvement, dont le trait de côte recule. Il faudra sans doute envisager de replier les activités vers l'intérieur des terres et laisser certains territoires bretons à la mer.