L'entrée en vigueur de l'arrêté préfectoral instaurant la fermeture des bars à 23h suscite des réactions mitigées tant chez les patrons de bars que chez les étudiants. L'intention de limiter la propagation du virus est bien comprise, mais les soirées se poursuivent ailleurs ...
Jeudi soir, rue de la soif à Rennes, terrasses bondées et ambiance festive, tout est normal ou presque, les étudiants sont de sortie mais la soirée sera écourtée, dans les bars en tout cas, qui depuis la veille doivent fermer à 23h.
Septembre, mois des grandes fêtes étudiantes
"C'était sûr que ça allait arriver. Y'a beaucoup trop de monde au même endroit. La rue de la soif ça a beau être grand on est collés." raconte un étudiant installé en terrasse.
Septembre, mois de rentrée pour les étudiants, période des fêtes d'intégration pour les bizuts, moment de retrouvailles après plusieurs mois sans se voir entre vacances et confinement, soleil radieux, toutes les conditions sont réunies pour que les festivités soient intenses, et forcément propices à un laisser-aller dont le virus profite pour se propager.
"A l'intérieur on porte les masques bien sûr, mais à l'extérieur tout le monde enlève le masque pour se parler, fumer. On ne peut pas s'empêcher de vivre non plus, c'est un peu ça le problème aujourd'hui ..." explique un autre étudiant de sortie ce jeudi.
Etudiante en médecine, Chloé a dû se présenter au drive du CHU de Ponchaillou pour un dépistage en début de semaine, comme l'ensemble de sa promo, après la détection d'une quarantaine de cas positifs en 2ème et 3ème année à l'université de Rennes 1. Pour elle aussi, "A la fac, dans les amphis, on porte le masque, on respecte les distances, mais en soirée c'est vrai qu'on fait moins attention. Si les bars ferment à 23h, on aura moins envie de sortir."
Ce jeudi en tout cas, la restriction n'a pas l'air d'avoir refroidi grand monde.
"On n'en voit pas le bout"
Eprouvés par presque trois mois de fermeture pendant le confinement, les patrons de bars voient dans cette restriction une nouvelle épreuve. " C'est encore un coup dur. Entre 23h et 1h du matin, c'est là où on travaille le plus, donc c'est catastrophique" témoigne Orane Gueno, propriétaire du bar-restaurant La part des anges.
Serveur dans un bar de nuit de la rue de la soif, Yann Moriceau confirme l'impact financier indéniable de cette fermeture anticipée : "Nous on est sensés fermer à 3h et le plus gros de notre chiffre on le fait entre minuit et 3h".
Gérant d'un autre établissement du quartier, Arnaud Fosset a l'impression de reprendre un coup sur la tête : " On n'en voit pas le bout. Et j'ai l'impression qu'on est un peu les mauvais élèves alors qu'on essaye de les canaliser, de faire de la prévention."
"Le problème, c'est juste le jeudi soir"
Orane Gueno reconnaît que faire appliquer port du masque et distanciation, passé une certaine heure, ça devient difficile : "Quand il est 23h30, que les gens sont alcoolisés,c'est compliqué de leur faire entendre raison. Ils sont désinhibés". Mais si la situation est difficile à gérer, elle comprend l'envie, voire le besoin d'insouciance de sa clientèle : "Le climat est très lourd, très pesant. Ils ont envie de se retrouver. Ils ont vécu un confinement difficile, ils ont été esseulés, donc quand ils arrivent dans un café ils ont envie de s'amuser."
Pour Arnaud Fosset, les restrictions, compréhensives, auraient pû être plus limitées : "Le problème c'est juste le jeudi soir. On aurait pû avoir nos horaires habituels les autres soirs."
La fête se poursuit dans les appartements des étudiants
23h30, les bars sont fermés et la place des Lices est noire de monde. Les équipe de prévention de "Noz Ambule" discutent avec les groupes de fêtards, masqués pour la plupart. Personne n'a l'air décidé à rentrer sagement se coucher. L'idée c'est plutôt de trouver un after, une free party, un endroit pour continuer la fête. "On va se retrouver à plein dans un petit appart', ça aurait peut-être été mieux de pouvoir rester dans un lieu ouvert" s'interroge un autre étudiant.
Pénalisante pour les débits de boisson, l'arrêté préfectoral en vigueur jusqu'au 30 septembre ne ferait que déplacer le problème de la sphère publique vers la sphère privée, beaucoup plus difficile à contrôler, beaucoup plus difficile surtout à règlementer sans atteindre aux libertés.
Un recours déposé contre cet arrêté
L'Union des Métiers et de l'Industrie de l'Hôtellerie a déposé ce vendredi 18 septembre un référé auprès du Tribunal administratif de Rennes pour contester cet arrêté. Argument juridique : il ne respecte pas le code des débits de boisson. Argument de fond : " Nous on veut que le protocole sanitaire soit scrupuleusement respecté, que les débordements soient sanctionnés. Cet arrêté créé une suspicion et met en danger l'ensemble de la profession." explique Karim Khan, président de l'UMIH 35.
Il sera reçu par la préfète d'Ille-et-Vilaine dans la soirée du 23 septembre.