Un "vent infernal", des -60°C en moyenne. En Antarctique se dresse un petit havre de paix : la station Franco-Italienne Concordia. Fanny Larcher y a posé ses valises pour 13 mois. C'est la médecin de la base scientifique. Avant de s’isoler pour 9 mois d’hiver en petit comité, Fanny aura eu la chance, entre autres, de rencontrer Thomas Pesquet.
Plein été. Le soleil brille 24h/24 et il fait "un petit moins 32°C", la vie est douce en ce mois de décembre à la station franco-italienne Concordia, au beau milieu de l'Antarctique. "Il fait bon aujourd'hui", s'amuse Fanny Larcher, cette médecin rennaise partie au pôle Sud pour une mission de 13 mois. Il n'y a pas trop de vent et la pression est à 643. C'est comme si on était à 3668 mètres d'altitude."
Voilà plus d'un mois qu'elle est arrivée sur cette base scientifique coupée du monde. Ils sont 41 à vivre à Concordia en ce moment mais dans quelque temps, il ne restera que les "Winterovers": 12 Franco-Italiens qui s'isoleront du monde extérieur pendant 9 mois. Pour le moment, la station fourmille. Il faut la préparer à l'hiver à venir. Des visiteurs prestigieux en profitent pour y passer quelques jours...
"C'est l’endroit le plus éloigné où je suis jamais allé. Y compris l’espace où finalement on reste assez près de la surface de la terre. Ici, on est très très loin, à près de mille kilomètres de la côte de l’Antarctique. Faut déjà arriver là bas !"
Thomas PesquetSpationaute
La vie en charentaises, loin des paparazzi
La semaine passée, ce sont, Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur des pôles, et Thomas Pesquet qui ont partagé la vie de la station pour quelques jours. "Ils sont incroyables. Ça leur a fait du bien de venir nous voir je crois. En mode colonie de vacances, loin des paparazzi et des journalistes. Ils avaient l'air tellement normaux en charentaises et avec leurs tenues en mérinos !"
La vie en communauté, en toute simplicité dans la base, le paysage glaciaire à l'extérieur : "Ici, je suis très dépaysé et ce n’est pas toujours facile de me dépayser", s'amuse Thomas Pesquet dans une interview improvisée.
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Le célèbre spationaute Français a pu partager son expérience dans l'espace. "On a parlé technique, sciences et il nous a raconté plein de choses qui font écho avec des témoignages d’hivernants", décrit Fanny Larcher.
"Contrairement à l’ISS 🛰️, la base de Concordia est un vrai village l’été (un peu moins l’hiver), raconte Thomas Pesquet dans le post ci-dessous. Des similitudes sont néanmoins frappantes sur la manière de survivre dans un milieu hostile : Bien gérer son énergie et recycler au maximum pour limiter l’impact sur l’environnement, et la logistique !"
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"Tout le monde est logé à la même enseigne"
Il n'y a pas de VIP à Concordia. En tout cas, il n'y a pas de passe-droit. "Tout le monde est logé à la même enseigne, explique Fanny Larcher. On mange tous la même chose, au même moment. On est tous ensemble, tout le temps." Le secret de la concorde qui règne dans cette station du même nom ? "Une simplicité, un mélange social, culturel, professionnel." Le tout sur un pied d'égalité. "Il y a des accrocs de temps en temps mais le mélange est beau."
Autres éléments essentiels : "Une bonne communication et de bons échanges." Comme dans toutes relations, ils sont primordiaux. Et encore plus quand trois langues cohabitent dans le groupe (le français, l'italien et l'anglais). "La moindre incompréhension doit être désamorcée tout de suite pour la survie de la base. Sinon ça peut prendre des proportions folles."
Partager son aventure avec 200 Mo par jour
Contrairement à leurs prédécesseurs, les habitants de Concordia ne sont pas tout à fait coupés du monde. Ils peuvent échanger en illimité sur Whatsapp mais ils n'ont en revanche que 200 Mo/ jour pour aller sur internet. "Après ça coupe. Il faut choisir entre mettre une photo sur Instagram, regarder ses mails ou aller sur sa banque en ligne !" Cela n'empêche pas Fanny et d'autres Winterovers de partager leurs aventures sur les réseaux.
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Elle y raconte la vie sur place et en profite pour mettre en avant ses compagnons d'aventure, comme Manon, la glaciologue Brestoise, Pierre, le responsable du Bureau technique, ou encore Julien, l'électricien. C'est aussi un moyen de parler de leurs travaux. Voire de susciter des vocations sur le continent. Il y a tout type de métier et tout type de profil sur Concordia.
"Les Bretons sont partout et ils comptent double ou triple !"
Et la Bretagne dans tout cela ? Les Bretons sont partout, OK. L'institut polaire est basé à Brest, certes. "Et on compte double ou triple", déclare Fanny Larcher. Sur la base, il y a 5 Bretons en ce moment. Il y a aussi une poignée de Normands. De quoi faire ressurgir gentiment la rivalité régionale. Ils finiront peut-être par installer le Mont Saint Michel en Antarctique...
En tout cas côté santé, c'est la Bretagne qui veille. Le Gwenn ha Du trône à l'entrée de l'hôpital de Concordia. C'est une médecin ET une infirmière bretonnes qui vous reçoivent.
Dernier rush avant 9 mois d'isolement
Le premier raid de l'année vient tout juste de repartir de Concordia. "C'est une chenille de tracteurs qui amène 200 tonnes de matériel, explique Fanny Larcher. Avec du fioul, des médicaments, de la nourriture. La chenille fait 10-12 jours de voyage depuis Cap Prud’homme jusqu’à Concordia."
Le prochain et dernier raid est mi-janvier. "On doit terminer l’inventaire des médicaments rapidement afin de commander les choses manquantes urgentes." Avec Solenn, l'infirmière de la base pour l'été, elles passent ses journées à cela. Solenn lui transmet aussi son expérience de la base, ses connaissances. Après son départ, Fanny sera seule à la barre.
Voyage dans le temps d'1,5 millions d'années
La station Concordia est la seule station binationale de l’Antarctique. Le premier forage glaciaire profond y a eu lieu en 1977. 3260 mètres de glace ont été extraites grâce au programme européen EPICA. Cela a permis aux scientifiques de remonter l’histoire du climat sur plus de 800 000 ans. Ils ont l’objectif de remonter à 1,5 million d’années.