Rencontre. "20 ans de reconstruction anéantie par l'arrivée des talibans", s'attriste la communauté afghane rennaise

Shah Ahmadi a fui son pays d'origine, l'Afghanistan, à la suite de l'assassinat de son père par les talibans il y a 20 ans. Installé à Rennes, il témoigne de l'inquiétude de la communauté afghane après le retour au pouvoir des talibans le 15 août dernier.

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Les yeux rivés sur leurs écrans, les Afghans installés Rennes restent à l’affût jours et nuits de la moindre nouvelle venant de leur pays d’origine. Installés en France depuis plusieurs années, ils ont trouvé leur place mais ont toujours des liens avec l’Afghanistan. Père, mère, frères et sœurs… Là-bas vit encore une partie de leur famille.

Il y a aussi ceux, partis rendre visite aux proches à l’occasion des vacances d’été et qui n’ont pas pu rentrer avant la prise du pouvoir par les talibans le 15 août dernier. Certaines familles bretonnes sont ainsi séparées, ne sachant quand ils pourront se retrouver.

Un repaire où partager ses craintes

Pour toute cette communauté, la boutique de Shah Ahmadi est devenue un repaire où elle peut partager ses angoisses. Lui-même a quitté l’Afghanistan il y a 20 ans lorsque les talibans, au pouvoir de 1996 à 2001, ont assassiné son père.

En juillet dernier, Shah Ahmadi est retourné à Kaboul pour la première fois après 20 ans d'exil, avec sa femme et ses trois enfants nés en France. Bouleversé, il témoigne : "Lorsque j’ai quitté Kaboul il y a 20 ans, c’était un Kaboul mort. Tout avait été détruit par les guerres civiles. Et quand les talibans sont arrivés au pouvoir en 1996, l’économie s’est effondrée."

Une résurrection de 20 ans anéantie

Alors en arrivant dans la capitale afghane il y a deux mois, Shah Ahmadi s’est réjoui de voir la longue résurrection qu’avait vécue son pays d’origine en 20 ans : "Je voyais des femmes qui conduisaient, des femmes seules ou entre copines aux terrasses des cafés. Je me disais qu’il y avait un avenir pour le pays. Parce qu’auparavant, avec les talibans, les femmes ne pouvaient pas sortir seules de chez elles. Il fallait qu’elles soient accompagnées (NDLR : par quelqu’un de sexe masculin), ne serait-ce que par un garçon de 5 ans."

Pourtant les femmes afghanes ont le droit de vote depuis 1919.

Shah Ahmadi

Le commerçant avoue qu’imaginer l’Afghanistan reprendre ce même chemin obscurantiste l’effraie. "Ce qui me bouleverse, c’est que ces 20 années d’avancée sont parties comme ça ! Il y avait beaucoup de militantisme féministe à Kaboul et maintenant les filles ne vont même plus avoir le droit d’aller à l’école, de travailler… Pourtant, il y a 100 ans les femmes afghanes avaient déjà le droit de vote (obtenu en 1919)"

Pour les jeunes Françaises d’origine afghane bloquées en Afghanistan, Shah craint le pire : "On a déjà vu des jeunes filles de 13/14 ans mariées de force par les talibans."

Tout cela va de paire bien sûr, avec la traque aux personnes ayant travaillé pour le gouvernement précédent ou ayant un lien avec l’étranger : celles qui ont de la famille à l’étranger ou ont travaillé pour des organisations étrangères.

Les talents de communication des talibans 2.0

"Je suis déçu de ne pas être retourné en Afghanistan plus tôt, poursuit Shah. Déjà en juillet, la situation s’était dégradée mais tout le monde était confiant car les talibans sont 80 000 au maximum, alors que l’armée et la police comptaient environ 400 000 personnes."

Shah craint le début d’une nouvelle guerre. "On les appelle les talibans 2.0. Ils ont compris l’importance des média. Devant les caméras, ils sont tout gentils, ils sont sur les réseaux sociaux…"

Tous les témoignages concordent : la population est terrorisée, terrée chez elle par peur des attentats et des représailles. En deux semaines le pays a de nouveau basculé en enfer.

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