À Rennes, le coworking s’étend aux artisans et créateurs avec la coopérative "Comme un établi"

Tapissière d’ameublement, ébéniste, métalliers... Des artisans indépendants et créateurs en mal de locaux et de machines ont trouvé leur place à Rennes : un ancien garage auto transformé en immense atelier où tout est clé en main. “Comme un établi” a ouvert ses portes en septembre.

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Comme chaque matin, Margaux Le Bellego arrive au travail. Entre le bruit des machines et des discussions, elle traverse l’immense hangar de 1.200 mètres carrés où elle a élu domicile pour son activité professionnelle. Un espace de travail partagé, ou coworking, basé à Rennes, pour artisans indépendants et créateurs, sous le nom de Comme un établi. Certains de ses collègues, déjà au travail, la saluent. Une scène devenue banale, mais vécue comme une renaissance pour Margaux. 

Exerçant comme tapissière d’ameublement indépendante, la jeune femme de 24 ans ne supportait plus d’être isolée dans son ancien atelier. "Les journées pouvaient être très longues” se rappelle-t-elle. Mes clients ne passaient pas forcément à l’atelier, donc il y a des semaines où je ne voyais personne". Trouver l’inspiration, échanger, apprendre sur le métier des autres. C’est ce qui a poussé cette jeune artisane à rejoindre le projet Comme un établi.


De l’association à la coopérative


Un ébéniste, deux métalliers, une bijoutière, une abat-jouriste… À ce jour, douze professionnels travaillent en coworking dans cet immense atelier. Ce lieu, ce sont deux amis d’enfance de Saint-Malo qui l’ont imaginé. Benjamin Danjou et Edvin Bernardin, respectivement ingénieur géologue de formation et ingénieur construction bois. "À l’origine, en 2017, l’idée était de créer une association de quartier de partage d’outils dédiée au travail du bois" explique Benjamin.

Rapidement, les deux amis rencontrent des artistes indépendants qui leur font part de leurs problématiques : prix du foncier à Rennes pour l’acquisition d’un local, coût de l’outillage, solitude. Ils décident alors de repenser leur projet et travaillent dur pendant trois ans. 
 


En juin 2020, Benjamin et Edvin récupèrent les clés d’un ancien garage Peugeot, propriété de la Ville de Rennes. Les travaux commencent. "Tout va très vite : au bout de deux mois, huit personnes rejoignent le projet" raconte Benjamin.
Le lieu prend vie petit à petit : plusieurs box privatifs de 15 mètres carrés, un espace dédié aux grosses machines, une zone de stockage. Et aussi une salle de réunion, une cuisine et un espace convivial avec un billard, un studio photo ou encore une salle de formation.

L’immense atelier ouvre ses portes aux premiers artisans en septembre 2020. Il aura nécessité un investissement de 500.000 euros. Des prêts de banque pour la moitié, complétés par des subventions de 50.000 euros de la Région Bretagne, 20.000 euros de la Ville de Rennes ou encore 50.000 euros de clubs Cigales.

En octobre 2020, le projet voit le jour sous un modèle de Coopérative de Producteurs (SCIC), grâce à l’incubateur de l’économie sociale et solidaire Tag35. Un statut qui permet à Benjamin et Edvin d’associer à ce jour 75 sociétaires, artisans et particuliers. Et de se salarier tous les deux pour assurer la maintenance et animer les lieux.


Locaux et outils partagés


Les lieux sont mutualisés et reviennent ainsi beaucoup moins cher pour les personnes en reconversion professionnelle ou les jeunes artisans, comme la tapissière d’ameublement Margaux, qui auraient du mal à obtenir un prêt bancaire ou à s’engager sur le long terme avec un bail commercial.
Pour son ancien atelier de 40 mètres carrés, Margaux devait débourser plus de 700 euros par mois, charges comprises. Ici, elle paye 420 euros pour son box de 15 mètres carrés et l’accès aux machines à couture.
 


L’accès aux machines, c’est effectivement l’autre avantage de l’atelier partagé. Plus loin, de l’autre côté du hangar, Émeline Delvoye s’active derrière les étincelles produites par sa meuleuse.
Métallière, la jeune femme de 31 ans a besoin de machines coûteuses et imposantes pour travailler : guillotine, plieuse, cintreuse, rouleuse… "Seule, je n’aurais jamais pu y avoir accès" explique-t-elle. Depuis qu’elle a rejoint Comme un établi, Émeline accepte des chantiers qu’elle refusait auparavant. Et se réjouit de pouvoir séparer sa vie professionnelle de sa vie personnelle en dessinant ses plans ailleurs que chez elle, dans son propre bureau ici.


Un petit village qui veut devenir grand

 

Régulièrement, les artisans toquent à la porte des autres. Un pied de fauteuil cassé ? Et si j’allais voir l’ébéniste dans le box d’en face, se dit Margaux. Projet et partage de clients, les artisans s’entraident et coopèrent.
La métallière Emeline dit ne pas hésiter à proposer un chantier qu’elle n’est pas en mesure de faire à l’autre métallier de l’atelier. Un moyen de se faire du réseau, ce qui réjouit Benjamin, l’un des deux fondateurs de Comme un établi :


C’est typiquement ce que l’on pouvait retrouver dans un petit village avec les différents corps de métiers qui se rendent des services. On a réussi à recréer un petit microcosme.

Benjamin Danjou, co-directeur et fondateur de Comme un établi

Mais Benjamin insiste :  Comme un établi n’a pas vocation à accueillir tous les artisans rennais. Il espère que d’autres initiatives comme celle-ci verront le jour pour collaborer ensemble. "Peut-être que d’autres projets comme le nôtre émergeront à Rennes et à ce moment-là, on pourra créer un véritable maillage sur le territoire" imagine-t-il.


En attendant, l’équipe de Comme un établi s'attelle à construire un étage de 350 mètres carrés supplémentaires pour accueillir de nouveaux box individuels. Elle espère aussi ouvrir l’atelier aux particuliers bricoleurs le samedi dès la fin du mois de février. Le but : leur permettre d’utiliser les outils et électroportatifs de l’atelier en toute autonomie, avec les conseils avisés de l’équipe sur place.
Un projet qui s’inscrit au cœur des préoccupations actuelles pour Benjamin : "C’est dans l’air du temps.Les gens ont envie de fabriquer les choses de leurs propres mains".

 

 

 

Le reportage de B. Gabel, T. Bréhier, G. Marlier :

 

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