Soigner par l'hypnose. Sans pendule, ni autre poudre de perlimpimpim. La technique a fait ses preuves depuis le XIXè Siècle. A Rennes, le docteur Claude Virot l'utilise depuis 35 ans pour soigner les douleurs psychiques et physiques de ses patients.
Assis dans un fauteuil, les pieds plaqués au sol, le patient écoute la voix lente et posée, qui lui parle. Le soignant l'invite à inspirer très profondément, à fermer les yeux et à partir pour un voyage imaginaire. "Il y a cet endroit où vous vous sentez bien. Cet endroit que vous aimez regarder."
"Par ces techniques, j’apprends aux gens à se fabriquer une bulle de protection", explique le docteur Claude Virot.
Psychiatre à Rennes, il s’est intéressé à l’hypnose dès son internat et l’utilise depuis. Trente-sept ans de pratique.
Parfois parler ne suffit pas. Le patient a bien identifié le problème, mais n’arrive plus à accéder à ses compétences pour le surmonter.
Aller chercher les richesses enfouies
"Le mental reste figé sur un événement et ne peut plus en sortir, illustre le psychiatre. En convoquant des images mentales, l’hypnose permet au patient d’imaginer les solutions. Le patient va puiser dans ses propres ressources."
Les crises de panique, les phobies, l’irritabilité, les troubles du sommeil, les dépressions et même les douleurs chroniques peuvent trouver des solutions grâce à des séances d’hypnose.
"J’avais eu une patiente qui avait de grosses douleurs dans la mâchoire. Elle identifiait ça à une barre de fer qui lui traverserait la bouche, raconte Claude Virot. Je lui ai donc demandé d’imaginer comment faire sortir cette barre de sa bouche. Et elle l’a tellement bien imaginé que la douleur a disparu."
Bien sûr, si la douleur est causée par un vrai problème physique, elle reviendra. Il faudra alors à nouveaau avoir recours à l’hypnose.
"Sur le plan scientifique, l'hypnose nous échappe"
Campé dans son fauteuil, son regard est rieur. Le mystère et l’incompréhension qui flottent autour de cette pratique semble amuser le docteur Virot. A la question "Comment fonctionne l’hypnose ?", il s’esclaffe : "Personne ne sait. Sur le plan scientifique, ça nous échappe."
L’hypnose est un état de conscience modifié. En d'autres termes, la personne en état d’hypnose ne fonctionne plus selon ses schémas de pensée habituels. "L’hypnose permet de nous extraire de l’environnement pour nous concentrer sur notre monde intérieur". Le patient puise alors dans des ressources auxquelles il n’a pas accès en état d’éveil.
Le Docteur Virot éclaire ses propos par le cas d’une patiente, souffrant de dépression depuis cinq ans. Ses problèmes avaient commencé quelque temps après la mort de son père. Après maintes hospitalisations et de mulptiples traitements médicamenteux, elle se tourne vers l’hypnose.
"Elle a enfin accepté de faire le lien entre sa dépression et la mort de son père. Jusque-là, elle pensait avoir digéré ce décès, témoigne Claude Virot. Dès la première consultation, elle s’est sentie plus tranquille, plus calme et a cessé de penser en permanence à son père. Après la seconde séance, elle a pu se rendre sur la tombe. Elle ne l’avait encore jamais fait."
Les angoisses, la dépression sont des signaux qu’un truc n’a pas été résolu
"Beaucoup de patients consultent suite à des deuils, affirme Claude Virot. Les professionnels de santé ne savent pas s’occuper des deuils. Moi je m’occupe des gens avec leurs morts." Le psychiatre réfléchit, pèse ses mots. Il se concentre à mesure qu’il triture ses lunettes.
"Les angoisses, la dépression sont des signaux qu’un truc n’a pas été résolu, analyse-t-il. Parfois décrypter ces informations s’avère facile, parfois c’est très flou."
La psychiatrie et le Covid
Impossible d'interroger un psychiatre en cette période de Covid sans aborder les angoisses chariées par la crise sanitaire.
Le Covid n’a pas augmenté le nombre de patients, mais il complique encore les choses. Quatre patients sur cinq me parlent du Covid, même s’ils ne consultent pas pour ça.
Les personnes consultent parce qu’elles sont bloquées dans des "impasses mentales". "Le Covid fige encore plus des situations déjà figées, regrette le psychiatre. En temps normal, les personnes ont des ressources naturelles pour surmonter des difficultés : le sport, les copains, les promenades, les proches, le cinéma… Actuellement, il n’y a plus aucune ressource disponible."
Et de conclure : "Notre flux naturel de vie est perturbée. En temps normal, un être vivant reçoit de l'énergie, la recycle et en fait autre chose. Là le flux s'est arrêté."