Témoignage. "Signalements" : face aux institutions, le combat de Laurence, pour sauver sa nièce maltraitée

Publié le Mis à jour le Écrit par E.C
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Laurence Brunet-Jambu est en colère contre la protection de l'enfance, la justice et l'Etat qui n'ont pas su protéger sa nièce victime de maltraitance par ses parents qui l'ont aussi laissée entre les mains d'un violeur multi-récidiviste. Avec le livre "Signalements", elles racontent leur combat.

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"J'ai dû faire huit signalements dans l'histoire de Karine" raconte sa tante. Laurence est toujours en colère après le calvaire subi par sa nièce. Enfant, cette dernière subit les maltraitances et les humiliations de ses parents. Sa propre mère a déjà été condamnée, après avoir tué sa précédente fille, de plus d'une centaine de coups de couteau. Entre ses 4 et ses 8 ans, Karine est agressée sexuellement et violée à plusieurs reprises par un homme, Roland Blaudy, déjà connu de la justice, chez elle. Les parents demanderont à Karine de mentir.

Toute cette violence est portée à la connaissance des services sociaux et de la justice, à plusieurs reprises. Leur réaction tardera à venir. Douze ans. Laurence fait partie de ceux qui ont signalé et de ceux qui ne se sont pas fait entendre assez rapidement. Avec Karine, elle dénonce les dysfonctionnements d'un système dans le livre "Signalements" aux éditions Ring. 


Plusieurs alertes, un système qui se retourne contre elle


"J'ai d'abord signalé ma belle-soeur au moment de sa grossesse. Après, à la maternité. J'ai appelé le 119. J'ai aussi fait un signalement au service des informations préoccupantes" raconte Laurence qui s'inquiète très tôt du comportement des parents de Karine. "Je doublais ces signalements à chaque fois, en écrivant au procureur et au juge pour enfants." 

La voix de la tante de Karine n'est pas prise au sérieux, pas plus que celle des travailleuses familiales, d'enseignants ou encore de voisins qui lancent des alertes au fil des années. Les services sociaux préviennent les parents qui se retournent contre Laurence. Elle explique "je deviens l'empêcheuse de tourner en rond, celle qui veut faire du mal à Karine." "Ils m'appellent la sorcière, y compris les services sociaux qui disaient 'y'a encore la sorcière qui a appelé' ". 

"On pensait qu'elle était débile léger" m'a dit quelqu'un un jour. Vous vous rendez compte de cette réponse ? Cela veut dire que les enfants handicapés méritent d'être maltraités ? 

Incompétence. C'est le terme qu'emploie Laurence. Elle évoque aussi la protection de l'enfance comme un monde en vase clos où tous les partis s'entremêlent, magistrats, travailleurs sociaux... "On tombe toujours sur la même personne. Quand le dossier part mal, il part mal. Il n'y a jamais eu de regard neuf, extérieur sur ce dossier, quelqu'un qui s'est dit à un moment que Karine vivait des choses difficiles."

Au moment où elle auraît dû être protégée, elle était violée.

Laurence finit par avoir sa nièce chez elle. "Elle est enfin chez nous, elle est heureuse. Un éducateur a estimé qu'il fallait la placer comme s'il pensait qu'il savait tout et nous rien." Karine se souvient de cet homme. La jeune femme désormais âgée de 22 ans souligne "On disait que ma tante était folle, qu'elle me volait à mes parents biologiques. Lui est venu tout détruire. Cet éducateur a eu des gestes violents, de m'attraper par le bras. Aucun professionnel ne doit en arriver là." Karine est trop petite pour tout saisir, elle se remmémore juste "de la peur. Je me suis dit que j'allais rester là jusqu'à la fin de ma vie, à vivre cet enfer." 

Laurence finit par être placée en garde à vue pour dénonciation calomnieuse. "On m'a menacé de me retirer mon petit garçon alors âgé de 5 ans. Là, j'ai peut-être été lâche, j'ai préféré mon fils" lance-t-elle avec émotion et en regardant Karine. "J'ai senti à ce moment-là que des personnes pouvaient avouer des choses qu'ils n'avaient pas fait."  Pour elle, "l'interprétation du code pénal est aléatoire. On dit qu'il faut signaler tout crime et quand on le fait on est poursuivi." 

Karine n'a jamais été vue par le juge pour enfants. Elle n'existait pas. Elle était transparente.

La famille de Karine, c'est désormais celle de Laurence. Elle a été adoptée officiellement à sa majorité. "Si je ne m'étais pas sortie de là, je serais morte" résume-t-elle.

Des procès ont déjà eu lieu. Celui de Roland Blaudy, pour les viols. Pour Karine, cette audience a représenté un soulagement, celui d'avoir pu dire ce qu'elle avait vécu et d'être reconnue comme victime. Pendant ce procès, ses parents biologiques eux ont nié. Une procédure est en cours contre le père. "J'attends des aveux de sa part, plus que la justice, mais je n'y crois pas. Un jour au début de ma puberté, il m'a obligé à me déshabiller pour voir comment mes seins poussaient...et en plus il fallait qu'il touche !" 


L'État condamné pour la première fois 


L'État était poursuivi. Il a été condamné pour déni de justice mais pas pour "faute lourde". "On attend que l'État reconnaisse sa faute. Pas pour nous. Nous on sait déjà. Mais pour d'autres victimes, qu'elles ne vivent pas la même chose, que l'étau se resserre." assène Laurence. Et d'ajouter : "Quel prix on donne aujourd'hui à la vie d'un enfant ?" Les deux femmes affirment leur foi en la justice malgré tout même s'il faudrait "revoir les lois et les délais de prescriptions. Comment peut-on prescrire un délit associé à un crime ? C'est un non sens."

D'autres procédures sont également en cours, dont une contre les services sociaux.

Karine construit son propre chemin désormais en tant que TISF (Technicienne d’intervention sociale et familiale) parce qu'elle veut à son tour venir en aide aux enfants en difficulté. 

Laurence s'investit au sein du comité Alexis Danan en Bretagne, association qui lutte contre la maltraitance envers les mineurs. Elle prévoit un voyage au Canada, pour importer "Calliope", un protocole d'accompagnement de la parole de l'enfant devant la justice. 
 
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