La détresse se lit sur les visages des agriculteurs et pêcheurs venus ce jeudi 25 janvier à Rennes. Le défilé de tracteurs a réchauffé les cœurs des manifestants qui se sentent oubliées, déconsidérées. Au cœur du cortège, les jeunes s'interrogent sur l'avenir de leurs professions.
Plus de 100 tracteurs défilent dans le centre-ville de Rennes. Klaxonne, sirènes hurlantes et mannequin d‘agriculteur pendu derrière un engin agricole, les agriculteurs se font entendre ce jeudi 25 janvier devant la préfecture de Rennes. En plus du bruit, les slogans "notre fin fera votre faim demain" sont peints à l'avant des tracteurs.
Dans le cadre de la mobilisation des agriculteurs en colère, plus d’une centaine de tracteurs défile devant la Préfecture de Région Bretagne.
— France 3 Bretagne (@france3Bretagne) January 25, 2024
Ils ont traversé le centre-ville de Rennes depuis 11h#Agriculteursencolere #Rennes #tracteurs pic.twitter.com/zfwaqXXqkV
En réponse à l'impressionnant cortège, des fumigènes et fusées de détresse sont allumés. Des marins pêcheurs venus de Concarneau, Lorient, Etel ou Audierne font également face à la préfecture de Rennes pour mettre la pression au gouvernement.
Je suis interdit de travailler. Je fais comment pour mon crédit voiture.
Alexandre, 25 ans. Marin pêcheur.
Dans l'hiver breton, une colère froide se déverse. Au centre du cortège les jeunes s’interrogent. “Je n’ai pas le droit de pêcher pendant un mois alors que les Espagnols peuvent y aller, je suis dégoûté”. Alexandre, 25 ans, est venu de la Côte d'Azur pour apprendre le métier de marin. “Cela fait trois ans que je bosse dans un fileyeur et j’ai pas vu un dauphin dans les filets”. Bloqué à quai par une décision du conseil d'Etat Français pour protéger les cétacés, son anxiété est palpable. Le jeune homme est cerné. “Pêcheur en colère” est inscrit en gros sur la banderole qui tient en face du bâtiment préfectoral.
À Rennes, les agriculteurs en colère, ont été rejoints par des marins, pêcheurs bloqués à terre un mois.
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Alexandre, 24 ans. «Je veux juste travailler. Dans mon bateau, j’ai pas vu un dauphin en trois ans. Je n’ai pas le droit de travailler. J’ai pas de salaire.» pic.twitter.com/ecGGPnoKZv
Les tracteurs le frôlent. C’est sa première manifestation. “Je suis interdit de travailler. Je vais toucher à peine 600 euros ce mois-ci. Je fais comment pour mon crédit voiture, mon appartement et pour manger ? J'ai fait un prêt que je vais devoir rembourser ensuite”. Le jeune marin s’insurge contre des règles faites par des hommes dans des bureaux. “Mais qu’ils viennent voir comment on travaille".
Les vacances ? l'an dernier j'ai pris deux jours l'été pour profiter avec mon épouse et mes deux filles.
Thomas, 36 ans. Eleveur.
Sur le trottoir d’en face, Alexis 28 ans est un jeune agriculteur basé dans le Finistere Nord. Le solide gaillard est son propre patron. Chef d’entreprise depuis déjà 5 ans, il produit des légumes. “80 heures de travail par semaine pour un salaire dérisoire. Quand on voit les copains être aux 35 heures avec un salaire et des congés, ça peut en faire réfléchir plus d’un”.
Le Breton produit du bio. “Mais même le bio s’effondre. On importe trop d’Espagne des légumes avec moins de règles."
Les agriculteurs de coordination rurale sont nombreux pour essayer de se faire entendre. Gilet jaune sur le dos, Thomas se réchauffe près d’un barbecue installé face la préfecture. Café et sandwich, l’ambiance fait penser à celle des ronds points. “Je fais un métier passion, on ne le fait pas pour la fortune mais il faudrait que l’on gagne un peu notre vie”. Avec ses 36 ans, cet agriculteur est éleveur de bovin. “Je fais de la viande. Je suis sur le pont tout le temps”. L’an dernier Thomas s’est offert deux jours de vacances. “C’est peu. Heureusement ma femme est compréhensive mais je ne vois pas beaucoup mes filles.”
Cet agriculteur n’arrive pas a encourager des jeunes a se lancer dans la profession. “Dans les élevages on bosse comme des cons. On profite de rien. C’est usant. Les anciens ont le corps cassé”.
On passe notre vie à travailler, mais pour quel bénéfice derrière ?
François, 34 ans. Eleveur.
Loin de leurs exploitations, ils s’interrogent sur le sens de leur métier. “On passe notre vie à travailler, mais pour quel bénéfice derrière” lance François, éleveur de 34 ans. “Pour qui ? À la fin on n’aura pas de retraites et nos exploitations seront trop grosses pour être revendus.”
Florian en tenue de travail est venu avec ses amis. Le jeune homme de 24 ans est éleveur en Ille-et-Vilaine. Il est à son compte depuis ses 19 ans. Il a monté sa société avec son père. “On se fout de notre gueule. Les gens ne savent pas nos conditions de travail. Pour avoir du temps pour nous, il faudrait moderniser nos outils mais cela coûte trop cher. On ne peut pas investir plus”.
Je ne me vois pas faire autre chose, mais j'ai un peu peur.
Auguste, 17 ans. En lycée agricole
Ses amis acquiescent. Encore en lycée agricole, ils ont séché la journée de cours pour être présent. “On est solidaire”. “Je suis apprenti, j’ai 17 ans” assure Auguste. "Je ne me vois pas faire autre chose, mais j'ai un peu peur”.
Problème de revenu, problème de prix, colère face à des règles imposées, le message est passé ce jeudi 25 janvier. Les réponses de Gabriel Attal sont attendues. Tous veulent que le premier ministre ne se contente pas de mots mais d'actes rapides.