Star internationale mais star parfois méprisée, la chanteuse franco-malienne Aya Nakamura est clivante, mais ne laisse pas indifférent. La cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024 en a été un exemple marquant. L'artiste, devenue un phénomène, était au centre d'une journée d'étude un peu particulière à l'université de Rennes 2.
Aya Nakamura étudiée à l'université ! Quand elle se révèle aux yeux du grand public en 2018 avec ses tubes Djadja et Pookie, peu auraient misé sur le fait qu’elle soit l’objet d’un colloque sur le campus de Rennes 2, six ans plus tard.
Mais voilà, à aujourd’hui 29 ans, la chanteuse franco-malienne est l'une des artistes francophones les plus écoutées au monde. Au total, elle cumule près de 9,2 millions d'écoutes par mois sur Spotify. C'est colossal.
Pourtant, en France, certaines personnes, souvent proches de l'extrême droite, n'hésitent pas à la reléguer au rang de "chanteuse de banlieue", qui ne chanterait pas en français et personnaliserait la vulgarité.
Aya Nakamura, un paradoxe qui intrigue les chercheurs
« Avec mes collègues, raconte Emmanuel Parent, maître de conférences en musiques actuelles à Rennes 2, on s’est dit que ce serait intéressant d’en faire un sujet de recherche. J’ai un intérêt de longue date pour les musiques hip-hop. J’avais déjà participé il y a deux ans à un colloque sur Beyoncé, à Normale Sup, à Paris ».
Emmanuel Parent et quatre de ses collègues chercheurs ont alors sondé le terrain dans toute la France. Résultat : huit intervenants ont animé un colloque ce mercredi 2 octobre sur le campus de Rennes 2, à Villejean, intitulé "Aya Nakamura – Le minoritaire et le majoritaire".
"Nous voulions aborder le paradoxe entre le fait qu’elle soit en tête des ventes de disques en France et qu’en même temps, elle vienne d’une minorité raciale et d’une culture pas toujours bien vue".
Nous voulions aborder le paradoxe entre le fait qu’elle soit en tête des ventes de disques en France et qu’en même temps elle vienne d’une minorité raciale et d’une culture pas toujours bien vue.
Emmanuel ParentMaître de conférences en musiques actuelles à la faculté de musicologie de Rennes 2
La polémique sur la cérémonie d'ouverture des Jeux de Paris 2024
Au début de l’année, après une rencontre avec Emmanuel Macron à l’Élysée, une rumeur court prétendant qu’elle pourrait chanter du "Edith Piaf" lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris.
La rumeur provoque un tollé, pour ne pas dire un torrent de haine. L’artiste est la cible d’attaques racistes, proférées par l’extrême droite. Le collectif identitaire Les Natifs va même jusq'à déployer une banderole sur laquelle on peut lire : "Y’a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako".
Vous pouvez être raciste mais pas sourd 🧏.. C’est sa qui vous fait mal ! Je deviens un sujet d’état numéro 1 en débats ect mais je vous dois quoi en vrai ? Kedal https://t.co/rgnGeAAOfD
— Aya Nakamura (@AyaNakamuraa) March 10, 2024
La chanteuse reçoit alors de nombreux soutiens du monde politique, notamment de l’ex-ministre de l’Éducation, Amélie Oudéa-Castéra.
La polémique flambe sur les réseaux sociaux et souligne le fameux paradoxe étudié à Rennes 2 ce jeudi 2 octobre : star populaire et chanteuse dénigrée.
Le clip de Pookie, tout un symbole
"Le clip de Pookie", reprend Emmanuel Parent, "avait été tourné au château de Fontainebleau. Dans ce lieu de l’Histoire française, elle était parvenue à faire bouger les lignes. Elle incarnait une forme de modernité dans ce lieu. La France a un rapport presque religieux avec la chanson et la langue française. La question de la langue est souvent un argument pour la discrimination. Mais la langue évolue. Et la langue de Molière n’est pas celle qu’on entend à la télévision".
À Rennes 2 ce jeudi 2 octobre, des experts de Québec et de Montréal ont également participé à la conférence. Comme un symbole du potentiel international de la notoriété d’Aya Nakamura.