Près de 20% des Français ont l'intention de faire le "dry january" cette année. Un chiffre en constante augmentation et l'occasion de tester des boissons non alcoolisées qui ont de plus en plus le vent en poupe. Pour répondre à cette demande croissante, des caves sans alcool voient le jour en Bretagne, et des idées innovantes également, comme les infusions pour cocktails d'une jeune Rennaise.
Alors que la consommation de vin en France a chuté de moitié en soixante ans, le sans alcool séduit de plus en plus de consommateurs en quête de modération. Aujourd'hui, on dénombre plus de 25 caves spécialisées dans l'Hexagone, dont 5 en Bretagne.
À Rennes, Sophie et Arnaud Bernaert ont ouvert récemment "Qu'importe l'ivresse", leur deuxième cave sans alcool, après Quiberon l'été dernier. La boutique ne désemplit pas. Leur petit secret : la pédagogie et la dégustation pour lever les réticences. "On va essayer de comprendre le palais des gens. Est-ce que vous aimez l'amertume, le piment, ou alors sur les vins, est-ce que vous aimez l'acidité finale, est-ce que vous cherchez du fruit, etc. On ne comprend pas forcément du premier coup les attentes, donc on fait goûter beaucoup de choses", explique Arnaud.
Carole est une nouvelle cliente du sans alcool : "Je pense que connaissant la famille, ça va mieux passer auprès des filles que des garçons, mais je vais quand même tester. Je ne vais pas leur dire que c'est du sans alcool au départ... Je vais voir les réactions, ça va être drôle", s'amuse-t-elle.
Progrès des techniques de désalcoolisation
Un marché créatif, bouillonnant, qui va des rhums aux digestifs, en passant par les jus, la bière, le cidre ou le vin. Une nouvelle jeunesse pour le sans alcool qui s'appuie aussi sur les progrès des techniques de désalcoolisation : "Le vin désalcoolisé, c'est quelque chose qui existe depuis longtemps. Mais fut une époque, on chauffait autour de 70 degrés pour faire s'évaporer l'alcool, et on perdait beaucoup en goût. La nouveauté, c'est que maintenant on a créé le vide dans la cuve dans laquelle on met le vin, ce qui permet de chauffer à une plus basse température, autour de 30 degrés. Et là, on garde davantage les arômes du vin", précise Sophie.
Exclus socialement
La cave compte 350 références. Une diversité qui vient contenter une clientèle jusqu'ici délaissée : "Beaucoup de gens qui ne boivent pas d'alcool se sentent exclus socialement, voire même infantilisés avec un jus d'orange. Et là, en fait, ils sortent du bois, ils sont contents de trouver des alternatives, qui vont leur permettre de garder un joli verre, de se sentir inclus, et puis ils vont se faire plaisir gustativement", conclut Sophie.
"On ne peut plus dire, y'a rien qui me plaît"
Pour répondre à cet engouement, le nombre de caves sans alcool a doublé en une année. Avec Frédéric, Arnaud Bonté est le gérant de "Soif", la dernière cave sans alcool à avoir ouvert à Rennes et il a bien vu la bascule se faire il y a quatre ans : "Beaucoup de producteurs se sont mis à faire de nouveaux produits au moment du Covid et puis les domaines viticoles cherchaient déjà à diversifier leur offre depuis une dizaine d'années, parce qu'ils voient bien qu'il y a une attente autour du sans alcool", précise Arnaud. Des jus pamplemousse-romarin, cassis-menthe, du pétillant de sureau, ou bien encore de la limonade au sarrasin, les possibilités sont d'une incroyable variété. Ce qui fait dire au gérant : "Maintenant, on ne peut plus dire, y a rien qui me plaît", conclut-il.
Des infusions pour cocktails
Inventif, surprenant, le sans alcool se décline aussi en infusions pour cocktails. "Infuse me", c'est un concept innovant créé en 2020 par Chloë Laigre : "Je travaillais dans des bars à cocktails en Angleterre. On a tous été confinés, les bars et restaurants étaient fermés et j'ai décidé de faire mes propres tests pour faire des cocktails. Les gens voulaient consommer des cocktails à la maison, mais ils n'avaient pas tout le matériel et les ingrédients. Voilà comment j'ai imaginé jusqu'à six recettes différentes qui peuvent s'infuser en moins de cinq minutes, avec ou sans alcool", explique la jeune entrepreneuse de 27 ans.
Roland Garros et la Tour Eiffel
Le succès est immédiat. Le restaurant 2 étoiles de la Tour Eiffel lui en commande pour des accords mets et boissons avec du chocolat ou du chevreuil. Et Roland Garros choisit sa boisson jaune, comme une balle de tennis : "C'est le cocktail yellow me, avec gingembre, curcuma, citron et orange, avec une rondelle de citron jaune déshydraté. Et ça peut infuser deux à trois fois dans la même soirée", tient-elle à préciser.
Et dans le restaurant d'application de l'école de cuisine Ferrandi à Rennes, on apprécie de proposer cette innovation à la clientèle, même si au premier abord, les testeurs craignent que ça n'ait pas de goût comme c'est une infusion à froid. Et pourtant, la puissance aromatique est bien là et les clients sont conquis. Le sans alcool est un marché d'avenir. La demande pourrait encore doubler d'ici quelques années.