Le pôle social de la Cour d'appel de Rennes a prononcé, ce mercredi 10 avril 2024, la nullité du licenciement de Pierre Hinard, l'ancien responsable qualité de l'abattoir Castel Viandes de Châteaubriant. Il avait signalé des manquements aux règles d'hygiène en 2008.
La "nullité" du licenciement de Pierre Hinard, l'ancien "responsable qualité" de l'abattoir Castel Viandes de Châteaubriant (Loire-Atlantique), a été prononcée ce mercredi 10 avril 2024 par le pôle social de la cour d'appel de Rennes. Il avait signalé des manquements aux règles d'hygiène en 2008.
À l’époque, l'interruption de son contrat de travail avait été motivée par des "insuffisances professionnelles" par "le plus gros employeur" de Châteaubriant. Mais "la société Viol ne démontre pas [l']avoir alerté d'insuffisances professionnelles ou d'une présente insuffisance sur site avant sa mise à pied" constate la cour d'appel de Rennes dans son arrêt.
Le licenciement de Pierre Hinard avait pourtant été jugé comme ayant une cause "réelle et sérieuse" par le conseil des prud'hommes de Nantes en première instance.
Entre-temps, Castel Viandes et son PDG ont été condamnés en juin 2022 pour "tromperie" et "mise sur le marché de denrées non conformes" par le tribunal correctionnel de Nantes. Ils ont respectivement écopé d'amendes de 40.000 euros et 10.000 euros d'amende. Le chef d'entreprise a aussi été condamné à titre personnel à six mois de prison avec sursis. La société n'ayant pas fait appel, sa condamnation est désormais définitive.
"Asticots dans la viande hachée"
Pour rappel, dans cette affaire, Pierre Hinard avait été engagé par l'abattoir en avril 2006, mais deux ans plus tard, des audits diligentés par Mc Key - le fournisseur de steaks hachés surgelés des restaurants Mc Donald's - avaient poussé l'intéressé à dénoncer "des pratiques en violation avec les règles sanitaires".
Le 8 décembre 2018, il avait assuré aux services vétérinaires avoir vu "des asticots dans la viande hachée", des viandes "décongelées puis recongelées", des dates de péremption "truquées" et "du sang déversé dans les champs". "Trois heures après", il était mis à pied et l'abattoir lui avait signifié son licenciement dans la foulée.
Plusieurs semaines avant ce licenciement, son employeur lui avait même proposé "une rupture conventionnelle" et "de poursuivre leur collaboration dans le cadre de prestations de service", relèvent les juges dans leur arrêt. La société s'est aussi "désistée d'une procédure en diffamation", amorcée à la parution de son livre "Omerta sur la viande" et dans lequel l'agriculteur avait dénoncé ces pratiques de "remballe".
"Compte tenu de l'absence de caractérisation de la cause invoquée par l'employeur pour procéder au licenciement, la cause réelle de la rupture du contrat de travail de Pierre Hinard est la dénonciation effectuée auprès des services vétérinaires au sein même de la société de pratiques de "remballe" dont les vérifications même sommaires n'ont pu qu'être portées à la connaissance de l'employeur" estiment les magistrats rennais.
Il a exercé "sa liberté d'expression"
"Son licenciement est en conséquence nul comme ayant pour cause l'exercice de sa liberté d'expression" écrit aussi la cour d'appel de Rennes dans son arrêt. Elle lui a donc alloué 30.000 euros de dédommagements. Castel Viandes devra aussi lui verser 10.000 euros de frais de procédure.
Les salariés sont en "droit de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail" rappelle la cour d'appel de Rennes : le licenciement d'un salarié pour avoir "relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité" détaillent les juges.
L'éleveur, qui fêtera ses 60 ans cet été, se réjouit donc de cette "victoire totale pour les consommateurs", mais aussi pour "les lanceurs d'alerte", ce statut si "difficile à obtenir" mais dont il vient de bénéficier.
Pierre Hinard n'en a toutefois pas totalement terminé avec la justice : il a récemment porté plainte pour "dénonciations calomnieuses" contre son ancien employeur car il souhaite désormais le faire condamner pour les "attestations" rédigées par "ses collaborateurs les plus proches", qui pointaient son "incompétence notoire", puisqu'il était "absent" lors des audits et ne les avait "pas préparés" selon la société.