Yves Fantou est un patron qui milite pour le bien être au travail. Dans son usine de découpe de viande en Ille-et-Vilaine, il met en place depuis presque vingt ans des stratégies pour conserver la santé de ses employés, et cela fonctionne.
Installée dans la baie du Mont Saint Michel, la famille Fantou, boucher de père en fils depuis quatre générations s'est constamment adaptée aux évolutions de la filière élevage et viande. Depuis 2003, date de la création d'une usine moderne à Dol-de-Bretagne, Yves Fantou s'est investi régulièrement dans le bien-être de ses salariés. Il a été plusieurs fois récompensé pour les initiatives prises au sein de sa chaîne de découpe.
Généralement, dans les usines de découpe, les troubles musculo-squelettiques sont fréquents et le turn-over parmi les employés est élevé. Et les conditions de travail n'y sont pas étrangères. Pourtant dans cette entreprise de 25 salariés, les arrêts maladie sont très rares et les troubles musculo-squelettiques parmi le personnel très limités.
L'échauffement du matin pour limiter les troubles musculo-squeletiques
Depuis plus de 17 ans, date de la création de cette unité de découpe moderne, les employés à la découpe de viande commencent leur matinée par le même rituel : un échauffement musculaire de quelques minutes des poignets, bras et cou...
Mais la prévention ne s'arrête pas là. Ici tous les postes à découpe sont réglables en hauteur. Ce qui permet à celui qui travaille au ficelage ou au désossage d'adapter son poste au travail qu'il effectue. Tout est fait pour éviter au maximum le port de charges lourdes comme en témoigne Arthur Pucet, boucher dans l'entreprise depuis une dizaine d'années.
Quand j'étais jeune apprenti, j'avais à peine 15 ans et je devais porter des demies-carcasses de veau sur mes épaules ou mon dos. Ici, je ne porte plus les carcasses grâce à l'ergonomie de mon poste de travail, et on évite au maximum les gestes répétitifs. C'est assez rare dans le métier pour être souligné.
L'entretien individuel, un véritable baromètre psycho-social
Les employés bénéficient d'un entretien individuel avec un kinésithérapeute-ergonome. Pendant cet entretien, ils reçoivent des conseils personnalisés sur la conduite à tenir en cas de douleurs et l'importance de boire de l'eau pour éviter les tendinites.
L'ambiance au travail est également abordée. Celle-ci est notée de 1 à 10. En fonction du résultat, vous pouvez obtenir un baromètre psycho-social de l'entreprise. Ainsi, vous savez comment les employés vivent leur travail, s’ils sont plutôt bien dans leur peau ou pas comme nous l'explique Julien Jan. Ce dernier intervient dans l'entreprise en qualité d'ergonome et de kiné. Il a monté une structure spécialisé en posturologie et ergonomie. Cette entreprise, il l'a connait depuis 2003, date à laquelle il a poussé pour la première fois la porte de chez Fantou.
C'est d'une part suivre l' évolution du salarié, lui apporter des recommandations personnalisées en fonction de sa santé et aussi établir une relation de confiance pour pouvoir aborder d'autres sujets plus personnels. L'ambiance et l'organisation du travail sont pris en compte. Tous les retours vers la direction se font de manière statistique et anonyme.
Pourquoi une telle prévention dans cette entreprise?
Cette question, nous l'avons posée à un kinésithérapeute, basé à Rennes qui intervient dans de nombreuses entreprises.
Il nous livre que cette démarche est avant tout marquée par la volonté d'un homme,Yves Fantou. "Sa volonté est de voir ses salariés épanouis et qu'ils aillent le plus loin possible dans leur carrière à l'intérieur de l'entreprise. Il considère qu'il a besoin de ses employés comme eux ont besoin de lui. Alors il met beaucoup de choses en place pour que tout le monde évolue dans le bon sens. Il vient de faire venir une diététicienne,ce qui est très intéressant, surtout quand vous commencez très tôt le matin. Cela permet de remettre un peu d'ordre dans son assiette ou dans son rythme."
Les indicateurs du bien-être au travail
Pour savoir si des salariés se portent bien dans une entreprise, ce kinésithérapeute se base sur plusieurs critères.
Si dans une entreprise les arrêts de maladie et les arrêts de travail en lien avec les pathologies habituellement développées, comme les troubles musculo-squelettiques, sont rares et que l'ambiance est déclarée bonne lors des entretiens individuels, ce sont des signes qui permettent de dire que les salariés se portent bien. Dans le cas contraire il faut agir.
Un patron militant : Yves Fantou
Montrer nos métiers et voir ce que l'on fait chez nous. C'est mon combat depuis longtemps, je suis un militant pour nos salariés.
"Depuis 2003, j’ai beaucoup travaillé sur ces questions et l’on n’a pas raté un échauffement, J’ai fait intervenir une diététicienne dernièrement, les résultats m'ont surpris. Deux jours après, j'ai vu des changements à la pause dans les habitudes alimentaires des employés. Si mes salariés sont chez moi c'est que j'en ai besoin. Je veux qu'ils se sentent bien chez moi et qu'ils reviennent. Tout le monde discute avec tout le monde" se plait à raconter ce chef d'entreprise.
"J’ai peu d'absentéisme. Je veux que les gens qui travaille avec moi soient des gens modernes, des gens de 2021 et j'ai envie que l'on évolue ensemble. J’estime que les salariés dans nos métiers artisanaux ne sont pas là seulement par défaut, comme s'ils avaient été obligés d'accepter un boulot dur comme je l'entends souvent. Je n'accepte pas ce discours."
Yves Fantou a été récompensé de plusieurs distinctions pour le bien-être de ses salariés au travail, l'une régionale et l'autre nationale. Il est aujourd'hui président de l'Interbev, l'interprofession bétail et viande. Son souhait changer le regard sur ces métiers artisanaux et oeuvrer pour l'amélioration des conditions de travail dans ce secteur.