L'instruction a été clôturée, cinq ans après la mort d’Allan Lambin, dans la nuit du 9 au 10 février 2019, dans une cellule de dégrisement du commissariat de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Les quatre policiers en charge de la surveillance de la victime ce soir-là ont été mis en examen pour homicide involontaire fin 2023. L’enquête désormais terminée. Le parquet de Rennes a demandé, le 3 janvier 2024, leur renvoi devant un tribunal correctionnel.
Comment et pourquoi, Allan Lambin,19 ans, est-il mort au commissariat de police de Saint-Malo, dans la nuit du 9 au 10 février 2019 ? Le jeune homme avait été placé en cellule de dégrisement après son interpellation, à la suite d’un accident de voiture à Dinard.
Cette nuit-là, son taux d’alcool affichait 0,80 g/ litre de sang. Son état avait été jugé compatible avec une garde à vue par un médecin. Après un malaise qui a engendré une chute, il a été déclaré mort à 1h10. Son père, Franck Lambin, était présent ce soir-là. Il était retenu dans une cellule voisine.
Marche blanche, demande d'expertise, de contre-expertise, le père du jeune homme réclame donc la vérité. Entretemps, après la clôture de l'enquête par le juge d'instruction fin janvier, le procureur de la République a demandé le renvoi devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire des 4 policiers en fonction cette nuit-là.
"Ils n'ont pas l'impression d'avoir failli à leur mission"
Des mis en cause qui, par la voix de leurs avocats, nient toute implication dans le décès.
"Il ne s'agit pas d'une mise en cause pour un comportement inapproprié, pour des violences ou quoi que ce soit de ce genre. Il s'agit de faits qui leur sont reprochés et qui auraient conduit involontairement à un homicide. Un homicide involontaire avec une causalité indirecte", selon maître Cyril Baron, avocat d'un policier.
Selon maître Pierre Stichelbault, avocat d'un autre policier, "c'est une qualification qui fait peur, qui les choque profondément parce qu'ils n'ont pas l'impression d'avoir failli à leur mission ce soir-là. Encore une fois, on n'a pas de raison de s'inquiéter d'un jeune homme qui a 19 ans, qui est en bonne santé, dont le taux d'imprégnation alcoolique n'est pas très élevé".
"Le contrôle à l'écran n'est pas suffisant"
Alors, les fonctionnaires de police ont-ils surveillé le jeune Allan en respectant la procédure ? Comment expliquer une agonie qui dure sans intervention de quiconque ?
Selon l'avocate du père d'Allan Lambin, qui a pu visionner les images des caméras de surveillance de la cellule, les manquements des policiers sont établis : "Cette décision de renvoi devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire, c'est un premier pas pour Mr Lambin."
"Cela ne donnera pas forcément toute la lumière sur ce qui s'est passé cette nuit-là mais en tout cas, sur ce qui s'est passé au commissariat de police de Saint-Malo", estime maître Hélène Laudic-Baron.
"Quand on est gardé à vue, la première mission d'un policier, le nom parle de lui-même, c'est de garder à vue la personne qui est mise en cellule et il y a des règles très strictes qui sont imposées aux policiers, c’est-à-dire un passage physique devant la porte de la cellule et puis éventuellement un contrôle à l'écran mais le contrôle à l'écran n'est pas suffisant" complète Hélène Laudic-Baron.
"Allan aurait pu être sauvé"
Alors quel lien faire entre d'éventuels manquements lors de la garde à vue et le décès du jeune ? Pour maître Hélène Laudic-Baron, "dès le début du dossier où on a un médecin légiste qui nous dit que s'il y avait eu une intervention plus rapide, Allan aurait pu être sauvé."
Le procès des quatre policiers pourrait avoir lieu à la fin de l'année. En parallèle, une autre instruction est en cours, pour connaître cette fois les circonstances de l'interpellation sur la voie publique par d'autres fonctionnaires de police.
Une interpellation musclée qui, selon l'avocate du père d'Allan, pourrait expliquer le malaise du jeune homme au commissariat.
(Avec Romuald Bonnant)