La Compagnie des pêches de Saint-Malo, qui opère déjà trois navires-usines, a annoncé qu'elle allait investir dans une nouvelle unité de production de surimi intégrée à bord d'un chalutier géant, l'Annelies Ilena. Propriété d'une société néerlandaise, le navire est le plus gros chalutier d'Europe et ses méthodes de pêche font grincer des dents aussi bien chez les écologistes que chez les pêcheurs.
Le plus gros chalutier d'Europe, capable de pêcher 400 tonnes de poissons par jour, pointe son imposante silhouette à l'horizon. Avec ses 145 mètres de long, soit plus de 13 fois la taille moyenne d'un chalutier français, l'Annelies Ilena fait figure d'ogre des mers.
La Compagnie des Pêches de Saint-Malo, anciennement Comapêche (350 collaborateurs), a annoncé, en décembre 2023, qu'elle investissait dans le chalutier pélagique géant "pour installer une nouvelle unité de production de surimi base" à son bord. Précisant qu'elle "n'exploite pas le navire en propre et n'en est pas propriétaire", la société malouine assure que cet investissement n'augmentera pas son volume de production.
"On nous coupe l'herbe sous le pied !"
Un avis que ne partagent pas des pêcheurs rencontrés en Normandie. "Ils nous coupent le poisson avant qu'il n'arrive chez nous !" s'insurge Brandon Duval, marin pêcheur à Port-en-Bessin-Huppain (Calvados) .
Le patron-pêcheur qui débarque ses coquilles Saint-Jacques à proximité partage cet avis. "On nous dit qu'il faut se calmer sur certaines espèces, et on veut bien l'entendre, et on le respecte. Mais là on nous coupe l'herbe sous le pied ! " Et le pêcheur de préciser les enjeux :
C'est un bateau qu'on va voir chez nous dans la Manche, en février, pêcher du maquereau comme nous. Il va en pêcher peut-être 100 tonnes en 3 ou 4 jours ! Alors que moi, j'en pêche 40 tonnes sur une année.
Quentin YonnetArmateur d'un bateau de pêche à Port-en-Bessin
"Navire de l'Enfer"
La Compagnie des pêches de Saint-Malo assure ne cibler que le merlan bleu pour en faire du surimi base, une pâte de poisson sans goût, ni odeur, que l'usine du bateau transforme à bord et surgèle. Selon le communiqué de Compagnie des pêches, "la part de quota de merlan bleu qui va être apportée au projet correspond à celle du Joseph Roty II", son navire usine de 90 mètres de long qui fabriquait du surimi jusqu'ici.
Cette fois néanmoins, la "base" ne sera pas débarquée à Saint-Malo, comme c'était le cas avec le Joseph Roty II, mais au Pays-Bas. Un changement qui n'est pas passé inaperçu auprès des ONG de défense des océans.
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— Trawl Watch France (@TrawlWatch) January 30, 2024
Au Pays-Bas, pour contrôler les 400 millions de kilos de poissons pélagiques débarqués chaque année, il n’y a que…
Deux inspecteurs.
Une aberration pour la protection de l’environnement, une aubaine pour les industriels.https://t.co/aF2tbdbRcw
De leur côté, l'association Bloom et Sea Shepherd dénoncent une "décision aberrante", affirmant que l'Annelies Ilena avait été baptisé le "Navire de l'Enfer", "en raison de ses pratiques de pêche destructrices."
Sea Shepherd France expose la présence massive de plusieurs navires-usines géants néérlandais au large de Boulogne-sur mer
— Sea Shepherd France (@SeaShepherdFran) December 8, 2023
Mardi 28 novembre, le secrétaire d'Etat chargé de la mer, Hervé Berville affirmait sur France 2 devant 2 millions de téléspectateurs, que les chalutiers… pic.twitter.com/d3kN46Psus