Route du Rhum 2022. Pourquoi si peu de femmes dans cette course en solitaire ?

Elles seront sept femmes parmi les 138 skippers au départ de la Route du Rhum, à Saint-Malo, ce 6 novembre 2022. Une de plus que pour l'édition précédente. Quatre en classe IMOCA, deux en class 40 et une seule en Rhum mono. La voile reste l'un des rares sports où femmes et hommes s'alignent côte-à-côte. Pourtant, la course au large et en solitaire peine à trouver l'équilibre, à défaut de parité.

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Sur la mer, Isabelle Joschke est à sa place. Et depuis longtemps. Le 6 novembre, elle s'élancera de Saint-Malo pour sa deuxième Route du Rhum en classe IMOCA. Elle est l'une des sept skippeuses engagées dans cette transatlantique en solitaire. Sept femmes pour 131 hommes. Le ratio laisse songeur. "On a pu observer que, malgré la petite représentation féminine, il y a eu de beaux résultats chez les navigatrices, relève-t-elle. Y compris sur des bateaux très physiques".

On pense immédiatement à Florence Arthaud qui crée l'exploit en 1990 et passe la ligne d'arrivée en tête, pulvérisant au passage le record de l'épreuve en 14 jours 10 h et 8 min. Elle est la première femme à remporter cette course. 12 ans plus tard, Ellen MacArthur lui emboîtera le pas. 

Légitimité

La voile est l'un des rares sports où femmes et hommes s'alignent ensemble. La mixité est une réalité. La parité, c'est une autre histoire. Quand elle a débuté la compétition, Isabelle Joschke raconte qu'elle a "un peu lutté" avec cette question de la légitimité. "Si je n'avais pas été skippeuse professionnelle, je n'y serais pas allée, confie-t-elle. J'ai bataillé avec une forme d'auto-censure et de manque de confiance en moi. J'ai pris conscience de tous ces freins, j'ai fait un chemin sur moi-même pour dépasser les limites que, nous, les femmes, nous imposons. C'est l'héritage d'une éducation qu'il faut combattre".

Toutes les femmes doivent se sentir le droit d'essayer

Isabelle Joschke

Skippeuse Route du Rhum

La navigatrice a fondé le projet Horizon mixité. Objectif : promouvoir la mixité dans tous les secteurs d'activité, à commencer par la mer. "De la même manière que peu de femmes ont des postes à responsabilité dans la société, il n'y a pas beaucoup de femmes dans la voile, constate-t-elle. Ce qui veut dire peu de possibilités d'identification chez les jeunes. Pour la course au large, celles qui sont présentes sont celles qui soit ont un caractère fort, soit ont reçu une éducation pour oser. Toutes les femmes doivent se sentir le droit d'essayer".

Quotas

Forcer les choses pour arriver à l'équilibre ? Imposer des quotas ? L'équation reste complexe car, ainsi que le souligne Samantha Davies, "les femmes dans la voile ne sont pas juste là pour les quotas. Nous aussi, nous avons des projets performants". La skippeuse sera également au départ de la Route du Rhum sur IMOCA, une catégorie qui compte cette année 38 navigateurs, dont quatre femmes.

"Même sur une course comme la Mini-Transat qui ratisse large, on s'aperçoit que sur 90 bateaux, seulement une petite dizaine est barrée par des femmes, remarque Alex Picot, chef de projet chez OC Sport Pen Duick, organisateur de la Route du Rhum. Cela limite grandement la probabilité d'avoir plus de femmes sur des grosses courses en solitaire par la suite"

Créer des leviers pour permettre aux navigatrices de "valoriser leurs compétences", c'est une piste qu'OCS Pen Duick a choisi d'explorer pour la prochaine édition de la Transat Paprec reliant Concarneau à Saint-Barthélemy aux Antilles.

Sur les voiliers, 100 %  des duos seront mixtes. "C'est une première depuis la création de cette course, indique Alex Picot. Et c'est un engagement fort. Etre co-skippeuse sur la Transat Paprec, cela veut dire avoir une expérience de haut niveau qui va faciliter l'accès à des plus grosses épreuves sur des plus gros bateaux. On veut ainsi contribuer à ce que dans une, deux ou trois éditions de la Route du Rhum, plus de femmes soient inscrites et rendre le système plus paritaire".

Détection

Si elles ne sont que quatre femmes dans la catégorie IMOCA pour cette Route du Rhum, le chiffre tombe à deux en class 40 parmi les 55 participants. "Et là, il y a une vraie interrogation, note Alex Picot. Cela témoigne du fait qu'il y a de gros efforts à faire".

Un constat partagé par Jeanne Grégoire, directrice du Pôle Finistère course au large. "C'est dingue, s'exclame-t-elle, la class 40, c'est la série la plus ouverte, avec des bateaux qui sont physiquement et technologiquement plus accessibles"

Cette navigatrice, habituée des transatlantiques et des courses en solitaire, accompagne la jeune génération. Depuis 2019, le Pôle Finistère course au large a mis en place une filière de détection des navigatrices, avec un programme de formation et des moyens identiques à ceux des garçons. "Le but est de créer un vivier de femmes performantes, précise Jeanne Grégoire. Cette démarche vise non seulement à proposer un projet féminin de course au large en solitaire au plus haut niveau mais également à renforcer la présence féminine dans ce domaine".

Les femmes doivent prouver qu'elles savent naviguer. Un mec ne se posera pas les mêmes questions

Jeanne Grégoire

Directrice du Pôle Finistère course au large

La directrice de ce centre d'excellence national estime que la sous-représentation des femmes dans la course au large relève "d'une responsabilité collective". "Les femmes doivent prouver qu'elles savent naviguer, elles vont devoir se casser les dents ailleurs avant de monter un projet. Un mec, il ne se posera pas les mêmes questions. C'est un reflet de notre société"

Passionnées

Dans un sport dominé par les hommes, Morgane Ursault-Poupon a su se faire une place. A sa manière. "J'ai navigué sur le tard, dans mon coin, relate celle qui prendra le départ de la Route du Rhum en class 40. Cette disparité dans la course au large me fait penser à d'autres métiers techniques où les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Naviguer, c'est un métier marginal, qui implique de s'absenter longtemps"

La skippeuse, devenue coureuse au large après sa première transatlantique en solitaire en 2018, reconnaît que concilier vie professionnelle et vie de famille reste "compliqué". "C'est un vrai sujet, la maternité. J'ai 36 ans et je m'interroge sur comment devenir maman et être femme marin en même temps. Il faut avoir un conjoint prêt à endosser le rôle de père au foyer quand on part en mer".

Sans oublier certains biais, du côté des sponsors, qui peuvent aussi expliquer que peu de femmes parviennent à mener leur projet. "De prime abord, on fait plus facilement confiance à un homme qu'à une femme. S'il s'agissait de tenir une crèche, ce serait l'inverse" dit Isabelle Joschke. Laquelle rappelle que les skippeuses "ne se mettent pas à la voile pour faire de la figuration. Elles réussissent sportivement. Les choses sont en train de changer, on le sent, on en parle davantage".

Sur les pontons, les solitaires au féminin se serrent les coudes. "Pour pallier notre infériorité en nombre, sourit Morgane Ursault-Poupon. On a autant d'atouts que les hommes. On est peut-être moins musclées mais on compense par la stratégie, l'anticipation. La différence de genre ne conditionne pas la performance".

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