La bière sans alcool, un nouveau filon pour les brasseurs bretons ?

C’est la nouvelle tendance dans le monde de la brasserie. Les bières sans alcool affichent les plus fortes progressions du secteur depuis plusieurs années. Ce marché est-il une aubaine pour tous les brasseurs bretons ? Petite tournée des comptoirs…

S’il y a  bien deux domaines dans lesquels les bretons jouissent d’une réputation nationale, c’est bien dans la galette et l’apéro.

Alors peut-on imaginer qu’une galette sans beurre ou une bière sans alcool fassent recette dans notre région ?

Force est de constater que les mentalités évoluent. Car chose impensable il y a encore quelques années, les bières sans alcool ont, bel et bien, fait leur apparition dans les bistrots du coin, même les plus réputés.  

Les bières sans alcool, une opportunité commerciale  

Alors qu’en 2020 le marché de la bière est sous pression, les ventes de bière sans alcool, elles, progressent de 15 à 20 %.

Le phénomène du Dry january, a peur du gendarme sur les routes, l'avènement de nouvelles générations faisant le choix d'une alimentation plus saine et parfois sans alcool, mais aussi l'engouement pour des boissons sans alcool moins sucrées, peuvent expliquer cette nouvelle tendance.

Les industriels ont senti le filon. Depuis quelques années toutes les grandes brasseries ont lancé leur gamme de bières sans alcool. En Bretagne, c’est la Brasserie de Bretagne qui a dégainé la première. Début 2021 sont ainsi apparues dans les rayons des supermarchés la Dremwell et l’Armen bio 0.0% .

 "Nous avons remarqué que le marché de la bière sans alcool était en plein expansion, avec l’arrivée sur le marché de bières blondes classiques 0.0 % mais aussi de bières spéciales 0.0 %. Nous avons alors pris le pari de lancer une bière sans alcool, avec un vrai goût de bière" explique Marion Guillou, directrice de la communication et du marketing.

Le développement des deux bières sans alcool a demandé un an de recherche et développement. L’entreprise a fait le choix de brasser sa bière dans son usine de Concarneau mais envoie ensuite son breuvage chez un prestataire extérieur pour la désalcoolisation totale. Un processus de fabrication plus long et plus cher, mais les résultats commerciaux sont de bonne augure.

Depuis leur mise sur le marché, en avril 2021, les bières sans alcool de la Brasserie de Bretagne affichent une progression à deux chiffres.

Opportunité pour tous les brasseurs ?

 La bière sans alcool, Mathieu Breton, directeur général de Coreff, n’y croyait pas une seconde, il y a encore quelques années. "Ce n’était pas notre ambition, ni notre priorité stratégique. Mais la demande des clients est là" concède-t-il.

En 2021 l’entreprise s’essaie donc à l’élaboration d’une bière sans alcool. "Nous sommes arrivés à faire une bière à environ 0,3° d’alcool mais nous n’avons pas réussi à descendre à 0.0 qui est la tendance actuelle. C’est très compliqué en réalité. C’est un autre protocole, une autre façon de travailler. Aussi il faut du matériel spécifique et une unité de brassage dédiée, ce qui est très onéreux".

Compte tenu du contexte économique et des incertitudes qui pèsent sur l’avenir la brasserie morlaisienne laisse le projet de côté. "Je ne dis pas qu’on ne va pas réessayer.  On veut un bon produit qui corresponde aux attentes de nos clients. On verra plus tard, peut être l’hiver prochain" conclut Mathieu Breton.

Chez Skumenn on se dit très intéressés. "Notre bière légère à 3°-3°5 fonctionne bien. Il y a une réelle demande des clients qui ne peuvent pas boire d’alcool parce qu’ils conduisent, mais qui veulent quand même boire une bonne bière, plutôt qu’un soda. C’est un challenge intéressant, on y réfléchit pour 2022" commente Stéphane Le Boucher, le cogérant.  

A l'inverse à Concarneau, la coopérative brassicole Tri Martelod, elle, n’envisage pas de se lancer sur ce créneau. Pour Michael Le Breton, gérant "c’est un marché de niche, avec un processus de fabrication très compliqué. Nous n’avons ni la technique, ni l’outil, extrêmement cher. Aujourd’hui nos projets sont plutôt de continuer à développer le marché en local et de proposer à nos clients de venir chez nous. Nous avons investi très récemment dans une extension de la brasserie afin de pouvoir proposer des évènements culturels divers à notre public".

Tous les brasseurs contactés s'accordent à dire que la fabrication d'une bière sans alcool est un processus compliqué et qui nécessite du matériel spécifique. Cela suppose donc un investissement important, que seules les brasseries industrielles peuvent se permettre par les temps qui courent.

Un secteur fortement impacté par la crise sanitaire  

Le Français aime le vin mais aussi la boisson houblonnée. Chaque année il boit en moyenne 32 litres de bière. Ainsi en 2019, le secteur brassicole pesait 4,2 milliards d’euros en France mais en 2020 … patatras.  

La crise sanitaire, les confinements, la fermeture des bars et restaurants ou encore l’annulation de très nombreux évènements a fortement impacté les entreprises, avec une baisse de chiffre d’affaire estimé entre 20 et 30% selon Mathilde Shryve, Responsable Etudes et Prospections à Cerfrance.  

Mais le secteur a de la ressource.

De nombreux brasseurs bretons ont su tirer leur épingle du jeu en compensant les pertes de volumes, vendus habituellement en fût, par des ventes de bouteilles en boutiques, ou en grande et moyennes surfaces. "La COVID, l’isolement des gens, le télétravail nous affecte beaucoup. Aussi l’évènementiel n’a pas retrouvé son activité d’avant la crise. Mais nos clients nous ont beaucoup soutenus et nous avons quasiment compensé nos pertes en bistrot par la vente de bouteilles" explique Mathieu Breton, Directeur général de Coreff.

Chez Skumen, brasserie artisanale installée à Rennes, il a fallu innover pour survivre. D‘autant que l’entreprise a investi dans une brasserie et un bar-restaurant flambant neufs, juste avant la crise.

"Nous avons dû trouver de nouveaux débouchés pour nos bières bouteilles. Nous avons davantage travaillé avec des épiceries locales, des magasins bio. Nous avons aussi lancé un service de livraison à domicile. Ca a bien marché et cela nous a permis de passer cette période difficile" relate Stéphane Le Boucher cogérant.  

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