Langues régionales. Le rapport Kerlogot-Euzet sur l’enseignement immersif remis au Premier ministre

Les députés Yannick Kerlogot et Christophe Euzet font diverses propositions pour sécuriser l’enseignement immersif des langues régionales. Le Premier ministre leur avait confié une mission après la censure par le Conseil Constitutionnel de l'article de la loi Molac sur l'enseignement immersif.

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Les députés Yannick Kerlogot (LREM) des Côtes d'Armor et Christophe Euzet (Agir, ex-LREM) ont été reçus ce mercredi 21 juillet à Matignon par le Premier ministre et le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. Ils souhaitent apporter rapidement « une forme de sécurisation, même imparfaite », à la méthode immersive d’enseignement des langues régionales.

Rappel. L’article 4 de la loi Molac avait pour ambition de sécuriser juridiquement « un enseignement bilingue dit immersif en langue régionale, dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française fixés par le code de l’éducation », une pédagogie utilisée dans des écoles privées associatives sous contrat depuis près de cinquante ans. 

Le 21 mai, le Conseil constitutionnel, se fondant sur une jurisprudence de 2001 et 2002, a jugé que l'enseignement immersif d'une langue régionale « qui ne se borne pas à enseigner cette langue, mais consiste à l'utiliser comme langue principale d'enseignement et comme langue de communication au sein de l'établissement » est contraire aux exigences qui résultent de l'article 2 de la Constitution qui précise « La langue de la République est le français ».

La décision du Conseil constitutionnel avait entraîné des manifestations importantes dans les régions concernées. Les acteurs et les défenseurs de cet enseignement craignant pour son avenir, se trouvait fragilisé le Conseil Constitutionnel. Or, cette pratique pédagogique est selon eux nécessaire à la survie des langues régionales.

Soixante auditions pour ce rapport

Pour analyser les effets de la décision du Conseil constitutionnel, le Premier ministre avait missionné deux députés, Yannick Kerlogot (LREM) et Christophe Euzet (Agir, ex-LREM). Pour rédiger leur rapport, les députés ont réalisé soixante auditions auprès des acteurs de terrain de l’enseignement des langues régionales, des autorités académiques et pédagogiques, des élus (dont les Offices Publiques de langues régionales et députés), des juristes spécialisés dans les questions constitutionnelles et du secrétaire général du Conseil constitutionnel.

Ils rappellent que sur les 120 000 enfants qui apprennent les langues régionales à l’école, seuls 15 000 l’apprennent en immersion dans des écoles associatives sous contrat avec l'Education nationale comme Diwan pour le breton, Seaska pour le basque, Bressola pour le catalan, Calandreta pour l'occitan, ABCM pour l'alsacien et Scola Corsa pour le corse.

D'autres enfants apprennent aussi les langues régionales par immersion à l'école publique, à titre expérimental, au Pays basque, en Corse et en Catalogne.

Les pratiques actuelles de l’enseignement immersif ne sont pas contraires aux exigences constitutionnelles.

Extrait du rapport remis au Premier ministr

Rapport sur l'enseignement des langues régionales


Dans leur rapport, les deux députés s’attachent d’abord  à démontrer que les pratiques actuelles de l’enseignement immersif ne sont pas contraires aux exigences constitutionnelles. Ils rappellent ainsi le caractère facultatif de l’immersion, l’objectif final de maîtrise des deux langues (la langue française comme la langue régionale), le nécessaire enseignement du et en français sur les trois cycles d’enseignement primaire envisagés comme une globalité et aussi l’utilisation facultative de la langue régionale comme langue de communication à l’intérieur des établissements à envisager sur le fondement de justifications pédagogiques.

Diverses préconisations pour sécuriser juridiquement les écoles immersives

Les deux députés proposent différentes voies pour sécuriser cet enseignement qu'ils estiment conforme à la constitution : 

- Réviser les contrats d’association des écoles sous contrat avec l'Education nationale. Ce sont ces contrats qui permettent la rémunération des enseignements de Diwan, par exemple, par l’Education nationale. Il s’agirait d’y indiquer clairement que cet enseignement relève du choix des parents, l’utilisation faite de la langue régionale, l’objectif de maîtrise des deux langues (français et langue régionale), la place du français. De la même façon, ils suggèrent que cela soit aussi précisé dans les conventions Etats - collectivités sur les langues régionales.

Yannick Kerlogot nous annonce que ces avenants aux contrats d’associations pourraient être précédés, peut-être d’ici septembre, d’une circulaire du ministre de l’Education nationale qui reconnaîtrait que la langue de communication dans les établissements, dans les temps autres que les cours, est utilisée pour des raisons pédagogiques et de manière facultative. Cette circulaire en complèterait une aute : la n°2017-072 du 12 avril 2017.

- Passer par la loi, de façon à reprendre précisément ce qui aurait été stipulé dans la circulaire ministérielle et les avenants aux contrats des écoles. Ils soulignent en revanche qu'une telle loi pourrait toujours faire l’objet d’un contentieux, une Question prioritaire de constitutionalité par exemple.

- « La révision de la Constitution, n'apparaît ni réaliste à court terme, ni souhaitable : elle ne saurait faire figurer une simple méthode pédagogique dans la norme fondamentale et ne règlerait en rien la question de l’arbitrage toujours nécessaire avec l’article 2. » Ils écartent pour le moment, la révision constitutionnelle pour les dix prochains mois, « ce sera plutôt un sujet pour la campagne présidentielle, dans le cadre d’un débat sociétal sur la place des langues régionales » nous déclare Yannick Kerlogot.

Mais ils ne l’écartent pas définitivement. Dans ce cas, il conviendrait de modifier l’article 75-1, adopté en 2008, qui reconnaît que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », « mais sans inscrire dans la loi fondamentale des considérations qui relèvent de la pédagogie ».

Création d'un conseil national de l’enseignement des langues régionales

En parallèle de ces évolutions normatives, les deux députés proposent de créer un conseil national de l’enseignement des langues régionales, afin de réunir, à l'échelle nationale, les acteurs des régions concernées et le ministère de l’Education nationale pour porter collectivement une réflexion visant à améliorer la promotion et le développement des langues régionales.

Cet organe de concertation pourrait conduire une réflexion sur les différentes méthodes pédagogiques d’enseignement en langues régionales, appuyée par un travail d’évaluation des compétences des élèves en langue française et en langue régionale, et de consolidation des études quantitatives disponibles.

« Nous avons trop peu de données aujourd’hui pour montrer l’efficacité de la méthode immersive », nous dit le député Kerlogot qui ajoute que cette proposition a reçu un écho favorable auprès du ministre Blanquer"

« Notre priorité, c’est de sécuriser les écoles immersives en langue régionale dès la rentrée prochaine », affirme Yannick Kerlogot qui rappelle que le Premier ministre s’est engagé à réunir les acteurs concernés, probablement fin août.

 

retrouvez l'interview de Yannick Kerlogot par Eric Pinault : Langues régionales : que dit le rapport ?

 

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