"Le CDI était pour moi une petite planque", ils ont décidé de privilégier leur qualité de vie à leur stabilité professionnelle

La place accordée à la question du bien-être est devenue une priorité pour beaucoup de travailleurs, balayant toutes les autres, y compris la rémunération. Réduire ses heures, changer d'entreprise, de métier, de statut, toutes ces pratiques montent en puissance et visent un unique objectif : améliorer sa qualité de vie. C'est le dernier volet de notre série consacrée aux métamorphoses du travail. Témoignages.

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À la question « qu’est-ce qui est “très important dans votre vie” ? », le travail dégringole de 36 points en 21 ans selon une enquête Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès. Il occupe néanmoins toujours une part conséquente dans l'existence de millions de personnes.

Libérer du temps pour réaliser un rêve

En quête de sens, les travailleurs d'aujourd'hui sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur leur trajectoire professionnelle et mettent en œuvre des stratégies pour se libérer du temps afin d'assouvir une aspiration profonde.

Sandrine Gilbert a 39 ans. Elle a exercé comme documentaliste, en CDI, pendant 10 ans. Durant le confinement, pour la première fois de sa vie en CDD, elle se retrouve au chômage technique. Elle en profite alors pour lire beaucoup et suivre des cours par correspondance. Elle adore cette période de réflexion durant laquelle elle découvre ses capacités d'autonomie. 

"C'est intéressant de s'inventer un rythme, un planning sans horaires imposés et leurs routines associées."

Sandrine Gilbert

Forte de son expérience, l'épidémie passée, elle décline un CDI pour pouvoir enfin se former à la réalisation de films. "Le CDI était pour moi une petite planque, une excuse pour ne pas affronter ce que je rêvais de faire. Ce projet de seconde activité professionnelle complémentaire me tenait à cœur depuis longtemps. Il fallait absolument que je le mette en place pour assouvir mon identité, ma fierté, mon besoin de création, me sentir complète et en accord avec moi-même" explique-t-elle.

De la flexibilité pour donner plus de sens et de rythme à sa vie


Faire le choix de cette flexibilité n'est pas sans risque. C'est une mise à l'épreuve de sa propre gestion du temps. "J'ai des rendez-vous le samedi, le dimanche, je n'ai plus de règles. Je m'impose des moments de repos. J'adore cette souplesse, je découvre mon agilité à rebondir rapidement, je vois des amis à des moments auparavant improbables" révèle Sandrine Gilbert. "La diversité des tâches me procure une sensation agréable de nouveauté, de fraîcheur. J'ai le sentiment d'avoir une charge mentale moins lourde, de profiter plus de la vie malgré ma situation financière moins confortable. " explique-t-elle dans un large sourire. 

"Cette fragmentation du temps donne plus de présence, de qualité et de performance dans mes deux activités."

Sandrine Gilbert

À lire aussi : "La vie ce n'est pas que le travail". Ils ont décidé de s'offrir du temps pour réfléchir à leur avenir professionnel et à ses alternatives

Contrairement aux idées reçues, ceux qui peuvent choisir leurs horaires travaillent plus que les autres. Plus nous sommes libres de choisir nos horaires, plus nous avons tendance à faire des heures supplémentaires. Morgane Urvoy a toujours choisi de travailler en intérim pour se consacrer au maximum à sa passion. Et pour elle, la gestion de ses deux activités en parallèle a tourné au cauchemar.

"Euphorique, je voulais avancer et n'arrivais plus à m'arrêter. Fière de mon succès, j'ai voulu faire de la photographie mon métier. Je me suis épuisée. Aujourd'hui, je n'envisage cette activité que pour le plaisir. Peut-être qu'un jour, elle me permettra d'obtenir un petit complément de revenus" confie Morgane Urvoy. Elle reprend des forces et, à l'inverse de Sandrine, notre documentaliste, elle signe à 50 ans son premier CDI comme chauffeur livreur. L'argument choc de sa prise de décision a été la flexibilité de sa durée de contrat de travail. "J'ai choisi un plein-temps pour avoir des rentrées d'argent régulières et finir les travaux de ma maison" explique-t-elle. 

"Dès que possible, je réduirai mon temps de travail à la hauteur de ce qu'il me faudra pour vivre."

Morgane Urvoy

L'entrepreneuriat, reprendre la main sur son emploi du temps


Travailler trop peut user, mentalement et physiquement, jusqu’à parfois devenir insoutenable. C'est le constat d'Alexandra Inzirillo. Infirmière depuis 11 ans, elle a démissionné de son CDI et a choisi l'intérim pour réduire ses heures, pour composer un planning aux horaires non décalés, et ne plus imposer son stress à sa famille.

À la naissance de sa fille, il lui faut encore plus de temps pour profiter du bébé. Elle change alors de métier, via le collectif d'infirmières Charlotte K, spécialistes de la reconversion chez les soignants et y devient consultante. Munie d'une licence de psychologie, elle poursuit ses études et exerce aujourd'hui comme thérapeute familiale et conjugale. "J'ai remis du sens "au prendre soin", là où je n'en trouvais plus. J'ai retrouvé de l'autonomie et les valeurs que je recherchais à travers mon métier de soignante" exprime la thérapeute.

"C'est moi qui décide du temps que j'accorde au travail. Je ne suis plus un robot."

Alexandra Inzirillo

A lire aussi : "J'engraisse un monde capitaliste sans limites, c'est aberrant". Ils ont décidé de redonner du sens et de l'éthique à leur travail

Aménager sa fin de carrière

Lassées par leur métier, de nombreuses personnes décident d'une transition, d'un aménagement pour redonner du sens à leur fin de carrière. C'est le cas de Laurence Pengam. Secrétaire médicale, elle a saisi l'opportunité d'une rupture conventionnelle pour modifier la trajectoire de son parcours. Elle a 56 ans, et a exercé son activité à temps partiel pendant 32 ans dans un cabinet privé. Mais aujourd'hui, elle ne s'y retrouve plus. 

" Je suis remplacée par une plateforme téléphonique. "

Laurence Pengam

"J'aimais l'accueil, l’écoute, le contact humain qui faisait la richesse de mon métier. Mais j'avais besoin de nouveauté et de réinventer ma fin de carrière rallongée" explique l'ancienne secrétaire.

"La réforme des retraites a réactivé mon désir de repenser le sens de mon travail dans ma vie."

Laurence Pengam

"La question de l'aménagement des fins d'emploi des seniors n'a pas été assez débattue " souligne-t-elle. En début de démarches administratives, de réflexion et de recherches, elle sait qu'elle ne veut plus d'un métier de bureau et d'écrans. Sa priorité : la recherche d’un équilibre et d’une bienveillance au travail. "J'ai besoin d'air et de végétal" souligne-t-elle, optimiste et souriante.

La semaine de 4 jours, équilibre vie pro, vie perso


De l'air, c'est aussi ce qui manquait à Sophie Lalaizon. Elle a quitté le métier de vendeuse en boulangerie où elle a travaillé 6 jours sur 7 pendant 10 ans. À 34 ans, elle signe un CDD comme agent de bascule dans une déchèterie recyclerie de déchets BTP qui a opté pour la semaine de 4 jours.

"Je suis à 33 heures payées 35. Ce contrat a révolutionné ma vie."

Sophie Lalaizon

Cette journée est une vraie soupape d'air qui rééquilibre sa vie: "travailler sur quatre jours me permet de prendre de nombreux rendez-vous, de me libérer de tâches domestiques, de me reposer pour profiter encore plus de mon week-end. Je pense qu'elle facilitera physiquement l'exercice de mon métier dans la durée", explique Soplie Lalaizon. La société a mis en place un système de rotation afin que le client soit accueilli de 7 h 30 à 18 h 30 du lundi au vendredi. "Nous nous remplaçons mutuellement, j'aime la polyvalence de mon métier, cela nous oblige à communiquer beaucoup entre nous. Les journées défilent" raconte l'agent de bascule.

Comment ne plus courir après le temps tout en restant dans la course de la compétitivité ? Travailler au bien-être c'est travailler à la performance et vice versa. Ainsi va la résolution de ce paradoxe.

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