La LGV met maintenant Rennes à 1h25 de Paris : c'est confortable pour les voyageurs, mais ennuyeux pour les riverains. Excédés par le bruit et les nuisances visuelles, ceux-ci réclament plus de moyens pour effectuer de nouveaux aménagements. Une réunion avait lieu ce mercredi à Laval.
« Du foutage de gueule » ! Voilà en résumé le ressenti des membres du CRI 35, le Collectif des Riverains d'Ille-et-Vilaine, à l’issue de la réunion qui avait lieu ce mercredi 6 novembre, à la préfecture de Laval entre les services de l’État et les riverains de la Ligne à Grande Vitesse Bretagne-Pays de la Loire. D’abord, aucun préfet n’était présent : "inadmissible" pour les riverains en colère, qui ont été reçus par la directrice de cabinet du préfet de Mayenne.
63 points sensibles contre 90
Concernant ensuite les travaux d’aménagement le long des voies (rehaussement et allongement des murs anti-bruits et des remblais de protection), ils ne débuteront que fin 2020 et ne concerneront que 63 points sensibles alors que les associations en avaient recensé 90.Ont été exclues du dispositif : les résidences secondaires ou les maisons achetées après 2006, alors que le tracé de la LGV avait été rendu public. De quoi hérisser le poil des riverains sarthois, mayennais et brétiliens qui se battent depuis plusieurs années pour faire reconnaître leur préjudice.
« Quand on est dehors, on ne s’entend plus parler »
C’est le cas de Florence Duval et de son compagnon qui habitent dans un hameau sur la commune de Domagné, à une trentaine de kilomètres de Rennes. Depuis le lancement de la LGV Bretagne-Pays de la Loire en juillet 2017, leur vie est devenue un enfer.De 6h du matin (et parfois plus tôt avec les trains de service) à minuit, les trains lancés à vive allure se succèdent à raison parfois d’un tous les quarts d’heure. « Quand on est dehors, on ne s’entend plus parler », explique Florence Duval, dont les chèvres broutent à quelques dizaines de mètres seulement de la ligne, dans le terrain qui jouxte sa maison.
Des aménagements insuffisants
Un mur anti-bruit a bien été installé entre la voie et son terrain mais il est insuffisant pour réduire les bruits qui dépassent parfois les 80 décibels. Et il ne cache pas suffisamment les trains. « Le mur n’est qu’à un mètre ou deux au-dessus des rails, il faudrait qu’il soit au moins à 4 mètres, et il manque au moins 80 à 100 mètres de longueur pour réduire l’impact visuel » explique Didier Martin, le vice-président du CRI 35, le collectif de riverains qui s’est constitué en Ille-et-Vilaine.Pour le président du CRI 35, Jean Le Duff, qui habite lui aussi à Domagné à deux pas de la ligne, les nuisances sonores sont plus importantes que ce qu’on a bien voulu leur dire au départ. D’après lui, « la ligne se trouve par endroit 2 mètres au-dessus du tracé initial. Cela a permis de diminuer les coûts et de faire faire des économies à Eiffage au détriment du confort des riverains ». Les collectifs demandent depuis plusieurs mois les profils en long à l’état fini, c'est-à-dire les plans de la ligne telle qu’elle a été réalisée mais à ce jour, ils n’ont pas obtenu satisfaction.
9 millions de travaux sur 2,5km
En mai dernier, après la publication du rapport sur les nuisances sonores, la Ministre des Transports avait annoncé le déblocage de 11 millions d’euros pour effectuer des travaux, la moitié au frais de l’Etat, l’autre moitié prise en charge par les collectivités. "Un sparadrap", réplique Didier Martin, car les travaux ne concerneront que 2,5km de voies sur les 360 que compte la ligne (180 aller-retour). « De plus, il n’y a pas eu d’appels d’offres et Eiffage qui a réalisé le chantier, est chargé d’effectuer les aménagements malgré des coûts très élevés » estiment les membres du CRI 35.De 2.000 euros le mètre linéaire pour un remblai de 4 mètres de haut à 10.000 euros le mètre linéaire pour un mur écran de la même taille. Un écran de 100 m de long coûterait donc à lui seul un million d’euros. Avec un budget aussi serré, impossible de réaliser des travaux partout où il le faudrait. D’où cette décision de limiter les travaux à 63 points sensibles.
De quoi faire enrager les riverains qui, outre les nuisances phoniques et visuels, doivent aussi faire face à une dépréciation de leurs biens immobiliers. Sur la totalité de la ligne, en Sarthe, en Mayenne et en Ille-et-Vilaine, 900 maisons au moins sont situées à proximité des voies, une centaine pour le seul département d’Ille-et-Vilaine. Certaines ont perdu entre 30 et 40% de leur valeur et sont invendables. Des dépréciations non compensées à ce jour ce qui constitue de véritables spoliations, précisent les Collectifs de Riverains.
Florence Duval a essayé de vendre sa maison il y a quelques mois. Sans succès. Comme d’autres, elle envisage désormais de déposer un recours devant le Tribunal administratif pour être indemnisée. En Mayenne et en Sarthe, 286 recours ont déjà été déposés, mais seulement 5 en Ille-et-Vilaine. « Apres cette réunion, les recours vont pleuvoir ici aussi » estime Didier Martin.
Un remblai au fond du jardin
En attendant, certains riverains ont décidé d’agir, sans attendre d’hypothétiques travaux. C’est le cas d’Edgar Blot et de son épouse qui vivent depuis 1977 au hameau des Forges, sur la commune de Cesson-Sévigné. Un coin de campagne près de la ville, avec potager et verger. Mais la Ligne à Grande Vitesse a tout changé, car elle passe à moins de 200 m de leur maison. Jusqu’en octobre, et malgré le remblai règlementaire érigé le long de la voie au moment des travaux, le couple était aux premières loges pour voir passer les trains. Avec en prime, une vue imprenable sur le local technique construit juste devant leur jardin, en plein sud.Avec l’accord de la mairie de Cesson, de la SNCF et l’aide gracieuse d’une entreprise de terrassement, le couple a pu récupérer 3.000 m3 de terre pour ériger au fond du jardin un énorme remblai de 60 m de long par 18 m de large et 5 m de haut. Une fois végétalisé, ce mur de terre qui certes, leur cache la vue, devrait permettre d’isoler un peu mieux.