8 rassemblements étaient organisés en Bretagne ce 28 novembre contre la proposition de loi "Sécurité globale", considérée comme une attaque à la liberté d'informer. Ce troisième rendez-vous, à l'appel de syndicats de journalistes, a mobilisé 4 à 5000 personnes à Rennes, avec quelques incidents.
Elle porte une pancarte illustrée d'une photo et d'un slogan "Cette photo n'existera plus". Isabelle Jarjaille est journaliste indépendante, membre du Club de la Presse de Bretagne. Ce qu'elle exige avec ses confrères, c'est tout simplement le retrait total des articles 21, 22 et 24 de la proposition de loi "Sécurité globale" et également le retrait du schéma de maintien de l'ordre mis en place depuis septembre. "Le nouveau schéma de maintien de l'ordre c'est très simple, Darmanin l'a rappelé, c'est l'idée que les journalistes doivent quitter une manifestation en même temps que les manifestants, sauf qu'un journaliste est là pour voir ce qui se passe. Si on est plus là pour voir ce qui se passe, qui va filmer, qui va diffuser l'information au citoyen? On ne peut pas non plus accepter le fait de devoir s'acccréditer auprès de la préfecture pour couvrir un évenement qui est public, c'est la liberté de l'information."*
Isabelle Jarjaille fait partie des milliers de manifestants qui se sont rassemblés ce 28 novembre au matin à Rennes, à l'appel notamment des syndicats de journalistes, du Club de la presse de Bretagne. Selon les chiffres de la police, ils seraient 4000 rassemblés place de la République avant leur départ en cortège vers la Place de Bretagne. Des policiers d'ailleurs très discrets dans l'encadrement de ce rassemblement. Seul l'accès à l'hypercentre historique est empêché en ce jour où les magasions pouvaient rouvrir.
C'est une des 70 " Marches pour les libertés" organisée ce 28 novembre en France. Cette troisième journée d'appel à mobilisation contre la loi "Sécurité globale" porte en effet un nom maintenant. Un nom volontairement fédérateur pour dénoncer un texte qui inquiète. Les mesures sécuritaires qui y figurent font débat, notamment celles qui prévoient l’encadrement de la diffusion d’images des policiers et gendarmes, précisées dans l'article 24 adopté le 20 novembre dernier à l'Assemblée Nationale.
"Sous prétexte de protéger les policiers et gendarmes en exercice, le projet de loi sécurité globale vient restreindre notre capacité à exercer nos métiers de journaliste et à informer nos concitoyens. Nous sommes tous concernés car la libre circulation de l’information étant garante du bon fonctionnement d’une société démocratique, la liberté d’informer ne saurait être limitée." explique dans un communiqué Les Clubs de la Presse de France dont celui de Rennes.
Et les derniers événements de la semaine ne les rassurent pas. Lundi 23 novembre, l'évacuation policière musclée de migrants installés place de la République à Paris a choqué, un journaliste y a été frappé également. Puis, le 26 novembre, quatre policiers se sont déchaînés sur un producteur de musique dans le XVIIème arrondissement. Pour ces affaires seules les images ont pu témoigner des faits.
C'est d'ailleurs ce qui a motivé Erwan, un citoyen rennais à participer lui aussi. Les faits récents l'ont choqué, et ce texte de loi ne lui semble pas nécessaire. "On parle de sécurité globale comme si c'était la priorité actuellement. J'ai l'impression qu'il y a des choses plus graves, plus importantes socialement, économiquement, avec le Covid. Il y a déjà plein de lois qui permettent à la police d'agir. Il n'y avait rien à faire de plus."
Des dégradations et des heurst à Rennes
En début d'après-midi, alors que la majorité des manifestants avaient quitté le cortège au niveau de l'Esplanade Charles de Gaulle, quelques heurts ont eu lieu entre les manifestants et les forces de l'ordre. Des feux de benne ont été allumés et des barricades de fortune ont été montées dans le bas de la rue d'Orléans. Des jets de lacrymogène ont été tirés. Des incidents concentrés dans le secteur de la place de la République.Vers 18h, la cinquantaine d'individus encore présents dans ce secteur a été dispersée grâce à des tirs de grenades lacrymogènes et à l’intervention d’un engin lanceur d’eau.
La préfecture d'Ille-et-Vilaine signale en fin de journée que "deux CRS ont été blessés, transportés au CHU, cinq contusionnés". Quatre personnes ont été interpellées pour jets de projectiles et transports de produits inflammables, précise-t-elle.
Une ambiance détonnante alors qu'après le confinement, les commerces rouvraient juste ce samedi.
Plusieurs milliers de manifestants défilent à #Rennes contre #LoiSecuritaireGlobale #Marchedeslibertés
— sylvaine salliou (@sylvainesalliou) November 28, 2020
3ème manifestation dans la capitale bretonne et toujours plus de monde. pic.twitter.com/ETFyFtqPsp
Nathalie Appéré, maire PS de Rennes a réagi à ces débordements dans un communiqué : "Le comportement de ces casseurs est inadmissible et vient dévoyer une marche en faveur des libertés publiques. Alors même que notre pays est durement éprouvé par la crise sanitaire, et que le confinement a des conséquences dramatiques sur l’activité de nombreux commerçants, ces violences viennent perturber la reprise tant attendue de nombreuses activités dans notre ville. À l’instar de nombreux Rennais, je suis scandalisée par ces agissements inqualifiables et je condamne fermement ces violences."
[Communiqué] Violences et dégradations en centre-ville en marge d'une manifestation : communiqué de la Maire de #Rennes Nathalie Appéré > https://t.co/DPRNv9gxqa pic.twitter.com/XaCGdtxl2M
— Service de presse (@Rennes_presse) November 28, 2020
La conseillère municipale d'opposition Carole Gandon, LREM, a elle aussi réagi via twitter.
Le jour où les commerçants rouvrent leurs portes pour préparer Noël, le centre-ville de #Rennes est à nouveau le théâtre de tensions et de dégradations.
— Carole Gandon (@GandonCarole) November 28, 2020
Inacceptable autant qu’irresponsable.
Soutien absolu aux commerçants et honte à ceux qui abîment ainsi nos libertés. https://t.co/yAPuv2ciNl
D'autres rassemblements en Bretagne
Outre les rassemblements de Rennes et Fougères (plus d'une centaine de manifestants) le matin, cinq autres rendez-vous étaient programmés dans l'après-midi de ce 28 novembre.
Plus de 4000 manifestants ont ainsi été dénombrés à Brest, soit deux fois plus que la semaine dernière. Regroupés d'abord place de la Liberté à 15h, ils ont défilé dans les rues de la ville sous le slogan « Police partout, justice nulle part ».
A Vannes, ils étaient près de 2000 à défiler depuis l'esplanade du Port à partir de 15h et jusqu'à la préfecture.
Autres villes où un appel à manifesté avait été lancé :
- Vitré, ils étaient environ 150 réunis place de la gare dès14h
- Morlaix, place des Otages, 15h
- Saint-Malo, Esplanade Saint-Vincent, 15h
- Lorient, grand theatre à 15h
La suite de ce dossier devenu brûlant pour l'exécutif va se jouer lundi 30 novembre à l’Assemblée Nationale avec une réunion entre le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et les députés En Marche de la commission des lois.