Alexandre Langlois, policier dans les Yvelines et originaire du Morbihan vient d'envoyer une demande de rupture conventionnelle au ministre de l'Intérieur. Selon lui, les missions de la police ont basculé sur un contrôle social, au détriment du respect du code pénal.
"Lorsque je me suis engagé dans la Police nationale, j’avais à l’esprit deux maximes de Jean-Jacques Rousseau : « Il n’y a que la force de l’État qui fasse la liberté de ses membres » et d’autre part « que seule l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite est liberté ». Or, aujourd’hui, je constate qu’il n’est plus question pour le peuple d’obéir aux lois auxquelles il a lui-même consenti et que le rôle de sa police n’est plus de protéger ses libertés, mais plutôt de toutes les annihiler, comme le ferait le plus vil des oppresseurs." Alexandre Langlois, policier depuis 16 ans vient d'envoyer ce vendredi 27 novembre une demande de rupture conventionnelle au Ministère de l'Intérieur. Il veut quitter ses fonctions.
"Je n'ai pas signé pour cautionner ce genre de dérives"
Affecté au renseignement territorial dans les Yvelines (sa mission est de prévoir et d'encadrer les manifestation, de donner des renseignements sur l'état du tissu social et économique, qui permet au préfet de prendre telle ou telle décision), secrétaire national du syndicat de police Vigi, il mûrit cette décision depuis un an.
Les récents événements, la loi sur la sécurité globale et la vidéo du "tabassage" de Michel Zecler par des policiers ont fini de le convaincre.
Il y a l'actualité qui ne protège pas les gens, et l'instrumentalisation de la souffrance des policiers par les politiques.
"La question des images, c'est ce pourquoi Gérald Darmanin se bat, avec sa loi sur la sécurité globale. Demain si cette loi passe, sans ces vidéos, Michel n'aurait pas le même statut. Il deviendrait auteur et pas victime." Il ajoute : "De filmer ces éléments perturbateurs, ça permet de les exclure."
"Cette loi est écoeurante car on prétend que c'est pour la protection des policiers. Or, à l'heure actuelle, il y a des lois qui nous protègent plus que celle-là, en cas de harcèlement, menaces de morts." Pour le harcèlement, cela peut aller jusqu'à 2 ans ferme, pour les menaces, jusqu'à 5 ans. Il évoque d'autres biais dans cette loi : l'attribution de missions de la police nationale à des entreprises de sécurité. "La police a une culture de l'intérêt général, les entreprises de sécurité elles y voient un intérêt financier."
Se servir de la souffrance dans la police
Alexandre dénonce l'hypocrisie du gouvernement qui met en avant la mort de policiers pour défendre cette loi, comme le couple de Magnanville en 2016. "S'ils sont morts ce n'est pas parce que leur image circulait partout, c'est parce que leurs noms ont fuité après une erreur d'un syndicat et du ministère." "Le gouvernement prétend aussi que la première cause de suicide au sein de la police, c'est cette visibilité sur les réseaux sociaux, alors que c'est le management en interne. La seule réponse qu'on aura eu c'est un numéro vert."
Il note : "La police aussi se sert d'images, sans sanctions notamment sur leur durée de conservation et sur le but de leur utilisation."
Alexandre ne s'y retrouve plus. Quand il est rentré dans la police, il voulait "prévoir les choses, éviter les drames, apporter de l'aide." Il dit aujourd'hui ne plus vouloir subir les pressions hiérarchiques, "les commandes politiques". "Dès qu'Emmanuel Macron prend la parole, on nous demande de savoir ce qu'en pense la population. Ce n'est pas notre travail. Quand on fait ça, on ne travaille plus sur nos missions." Il regrette : "Désormais quand quelqu'un voit un policier, il se demande ce qui va lui arriver, les gens ne sont pas rassurés. Les valeurs sont inversées."
S'il fait aujourd'hui une demande de rupture conventionnelle c'est parce qu'il estime ne pas avoir commis de fautes. "J'ai toujours été constant dans les valeurs que je défends, les politiques ont dénaturé les missions auxquelles je croyais."
Alexandre se dit maintenant dans l'attente de l'acceptation de sa lettre. "Je ne sais pas encore ce que je ferais après. Je veux juste partir."Je quitte la Police nationale pour les mêmes raisons que j’y suis entré : la défense des libertés individuelles et de l’intérêt général.