Décryptage. Y aura-t-il des mega-bassines en Bretagne ?

Avec les sécheresses à répétition, les producteurs de légumes morbihannais veulent obtenir l'autorisation de créer des réserves collinaires pour "la survie de la filière". Des retenues d'eau de pluie qui sont loin de faire l'unanimité. Un collectif de lutte anti-bassines vient d'être créer dans le Morbihan.

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"Si on ne résout pas ce problème-là, je ne donne pas 10 ans à la filière bretonne des légumes et ses milliers d'emplois derrière" ! C'est le cri d'alarme que lance Jean-René Menier, producteur de légumes et président de la commission "agronomie" à la Chambre d'agriculture de Bretagne.

Le problème, dont parle cet agriculteur du Morbihan comme des centaines d'autres dans la région, c'est la quasi-impossibilité de créer des réserves collinaires dans les exploitations. Il s'agit de récupérer, pendant l'hiver, l'eau de pluie et de la stocker en surface pour arroser les cultures en été. "De l'eau perdue qui va directement à la mer entre 3 et à 5 jours plus tard" insiste Jean-René Menier.

Mega-bassines et réserves collinaires : un sujet explosif

Rien à voir avec les méga-bassines qui font la Une de l'actualité, comme ce week-end à Sainte-Soline, où de nouveaux affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont eu lieu.
Pour la Bretagne, il n'y a pas de projets où l'on pompe, dans les nappes phréatiques, quasiment inexistantes dans la région.

Mais pour Martin Diraison, agriculteur à Brech près de Sainte-Anne d'Auray et membre de la Confédération Paysanne du Morbihan, "pas question de laisser faire n'importe quoi".

Ce qui est problématique, c'est l'usage de l'eau pour l'agro-industrie notamment

Martin DIRAISON

Agriculteur, membre Confédération Paysanne du Morbihan

Avec son syndicat, et deux associations "Attac 56" et "Les mais de la conf 56", il a monté un "collectif de lutte et de veille contre les méga-bassines". Pour lui, les choses sont claires. "Même si les réserves d'eau sont là, tout le monde ne doit pas en disposer n'importe comment. Ce qui est problématique, c'est l'usage."

Quel usage de l'eau en agriculture ?

Cet agriculteur et militant écologiste, installé à Brech près de sainte-Anne d'Auray, tient à mettre les points sur les I. "L'eau doit être considérée comme un bien commun. Elle doit être réservée d'abord pour la salubrité, à la sécurité et aux milieux naturels. Et seulement en dernier recours pour des usages économiques" argumente-t-il. Et il va même plus loin : "l'irrigation est obligatoire pour le maraichage local. Mais si ces réserves collinaires consistent à irriguer des cultures comme le maïs, à réaliser des agro-carburants ou à alimenter des exploitations légumières de l'agro-industrie, pas question."
Et il conclut en affirmant que "la croissance doit s'adapter au manque d'eau et le modèle agricole aussi en privilégiant l'élevage tout herbe, le maraichage local et en refusant l'agro-industrie d'importations et d'exportations."

Deux jours de pluie hivernale pour remplir toutes les réserves collinaires bretonnes

Jean-René Menier

Référent "Agronomie" Chambre d'Agriculture de Bretagne

Une position aux antipodes de celle de Jean-René Menier, référent "agronomie" à la Chambre d'Agriculture.

En Bretagne, les réserves collinaires sont des installations de 23000 mètres cube en moyenne. Ce qui est faible. En deux jours de pluie hivernale en Bretagne, on pourrait remplir toutes les réserves de la région pour l'été suivant."

Une règlementation très restrictive

Outre la résistance du côté des militants écologistes, Jean-René Menier pointe du doigt la lourdeur de la réglementation environnementale. "En ce qui me concerne, je suis sous le coup de la directive Eau de l'Europe, la loi sur l'eau française, le SDAGE Loire Bretagne, le SAGE Vilaine et les restrictions du bassin versant de l'Yver-Yvet qui coule ici".
Pour lui, il faudrait pouvoir construire ces barrages dans le fond du bassin versant. Seulement voilà, la protection importante des zones humides les empêche presque systématiquement. "Sur les 60 projets de réserves collinaires envisagées en Bretagne, seules 4 ont pu voir le jour." Chacune de ces réserves d'environ 20 000 à 25 000 mètres cube permettrait d'irriguer entre 20 et 30 hectares de champs de légumes." précise l'agriculteur de Mauron.

Une demande des consommateurs impossible à obtenir sans irrigation

Jean-René Menier

Référent "Agronomie" Chambre d'Agriculture de bretagne

Et il ajoute. "Les consommateurs veulent des haricots sans fil, des petits pois tendres et des choux-fleurs parfaits. Une qualité impossible à obtenir si les plantes sont en stress hydrique à un moment de leur pousse. Sans compter qu'il faut alimenter les usines en produits de manière constante."

Des retenues d'eau de pluie devenues indispensables face aux sécheresses estivales qui s'intensifient et qui mettent en péril les cultures légumières. "L'été dernier, pendant 15 jours vers la mi-août, l'usine de Locminé a été mis à l'arrêt en pleine période de récolte des haricots verts faute de rendements suffisants" rappelle-t-il.

La bretagne pluvieuse. Une fausse image qui colle à la peau de la région pour l'agriculteur de Mauron. "Chez moi, à Mauron, au nord de Ploërmel, la pluviométrie est de 700 millimètres par an alors qu'on a entre 800 et 1000 millimètres par an dans certaines régions du sud".

Une situation à risque en Bretagne

Une situation qui pourrait devenir conflictuelle si, d'été en été, les sécheresse se multiplient. Avec des tensions à naitre entre défenseurs de l'environnement et producteurs légumiers comme à Sainte-Soline.

Les anti-bassines ont tout fait pour éviter d'en arriver là.

Martin Diraison

Agriculteur, membre de la Confédération Paysanne du Morbihan

Pour Martin Diraison, qui, avec d'autres morbihannais, a fait le déplacement à Sainte-Soline pour s'opposer au projet de méga-bassines, il y a urgence à s'organiser.

"En bretagne, il faut qu'on fasse tout pour éviter d'arriver à la situation qu'on a vécu ce week-end. Il y a encore des marges de manœuvre au sein des institutions de la politique de l'eau. Il y a encore des possibilités pour que ce débat en Bretagne puisse se faire pour éviter des situations comme à Sainte-Soline".

Ce qui s'est passé à Sainte-Soline est une impasse.

Martin Diraison

Agriculteur et membre de la Confédération paysanne du Morbihan

Un élu de la Confédération Paysanne du Morbihan qui souhaite multiplier les formations et les réunions publiques pour sensibiliser à la gestion de la ressource en eau. Car il s'inquiète. "Ce qui s'est passé à Sainte-Soline, on ne veut pas faire cela tous les 6 mois. Dans ce dossier, on est arrivé à une impasse. C'est quoi l'étape d'après ? C'est flippant !" conclut-il amèrement.

Pour les réserves collinaires, il faut des actes et pas des mots !

Jean-René Menier

Référent "Agronomie" Chambre d'Agriculture de Bretagne

De leur côté, les agriculteurs légumiers du Morbihan s'inquiètent de la tournure des événements. Même si, lors de sa venue au Salon de l'agriculture le mois dernier, Emmanuel Macron a insisté sur le fait que "la France doit continuer d'investir dans des rétentions collinaires", ces producteurs demandent des actes plutôt que des paroles.

Des producteurs morbihannais qui, grâce à la création de retenues collinaires, souhaiteraient pouvoir irriguer les deux-tiers de leurs surfaces légumières pour sécuriser la production bretonne.

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