A 13h15, ce 26 mars 2024, Philippe Tabary a quitté la prison de Sremska Mitrovica en Serbie où il était détenu depuis le 17 décembre. A bord du van avec lequel il voyageait, il avait un pistolet d’alarme. Une arme inoffensive mais interdite dans le pays. Nous avons pu le joindre par téléphone.
"Ça y est, il est sorti ! ". Au téléphone, la voix de Thibault, le fils de Philippe Tabary jaillit dans un cri de joie. "Ça y est, il est à côté de moi, continue-t-il, plein d’émotion. J’ai récupéré son van, ses affaires… Il est là !"
Libre
Hier, 25 mars, le tribunal de Sremska Mitrovica avait décidé de placer le Breton en résidence surveillée sous bracelet électronique. Thibault espérait mais ne voulait pas se réjouir trop vite.
À 13h15, comme prévu, Philippe Tabary a passé les portes de la prison ce 26 mars. Le visage souriant, il apparaît sur l’écran du téléphone et commence à raconter : "J’avais jamais été en prison, moi, et à 70 ans, 102 jours avec des criminels, c’est pas de la villégiature, vous vous en doutez."
Un pistolet à bouchon
Philippe Tabary avait quitté la Bretagne en septembre pour faire un grand voyage. Il voulait parcourir l’Europe et l’Asie à bord de son van. À la frontière Serbe, il a déclaré aux policiers qu’il était en possession d’un pistolet d’alarme. Une arme factice, pour impressionner en cas d’agression.
"J’ai expliqué que mon couteau de cuisine pouvait être dangereux mais pas ça, déclare-t-il. C’était comme les pistolets à bouchon que j’avais quand j’étais môme, raconte-t-il. À l’époque, mon père me disait que ça pouvait blesser si le bouchon partait dans l’œil, mais celui-là, vraiment, il ne pouvait pas faire de mal à une mouche".
Des conditions de détention difficiles
Or, en Serbie, la détention d’un pistolet est interdite, Philippe Tabary a été conduit en cellule. Il risquait jusqu’à douze années de prison.
"C’était la plus grande prison de Serbie, nous étions plus de 3.000, confie-t-il. Et les gardiens, c’étaient des gardiens ! Ils aimaient leur métier, si vous voyez ce que je veux dire, quelques-uns souriaient mais la plupart voulaient vraiment faire du mal."
En cellule avec des criminels
Dans sa cellule, Philippe Tabary s’est retrouvé avec des criminels, "des vrais", dit-il goguenard. Celui qui dormait au-dessus de lui avait l’habitude de se servir de véritables armes à feu.
C’est quand même un peu dangereux là où j’étais
Philippe Tabary
Mais il n’a eu aucun problème avec eux. "J’avais pris un gars comme protecteur, reconnaît-il, parce que j’ai tout de suite compris qu’il fallait une sécurité. C’est quand même un peu dangereux là où j’étais. Il n’y avait que des criminels."
L’ours blanc
Comme il était le plus âgé, qu’il avait les cheveux longs et une grande barbe, les autres prisonniers l’avaient surnommé l’ours blanc. Puis le journaliste.
Car pour tenir, Philippe Tabary a passé ses journées à écrire, 4 à 5h par jour. Sa vie, sa détention et l’histoire des gens qui étaient autour de lui, parfois des victimes du système. "Il faut comprendre qu’en Serbie, vous dites un mot de travers à quelqu’un, il téléphone, dix minutes après, vous avez un fourgon de police qui arrive et qui vous met en taule" témoigne-t-il.
"1.000 fois par jour, on me traitait de criminel"
Philippe Tabary ne parlait pas un mot de serbe et refusait d’apprendre."Je ne voulais pas parler la langue d’un pays qui m’a mis en taule pour un motif qui n’existe pas dans les pays civilisés" grommelle-t-il.
En guise de repas, ils nous donnaient du pain, du pain et encore du pain
Philippe Tabary
Dans les 300 pages du livre qu’il a rédigé et qu’il compte nommer par dérision "Le Pistolet à bouchon", Philippe Tabary évoque son quotidien, le régime alimentaire des prisonniers et rassure. "Je n’ai pas maigri, j’ai même grossi. En guise de repas, ils nous donnaient du pain, du pain et encore du pain et de la soupe grasse avec des déchets de porc. Pendant 101 jours, j’ai eu ce régime-là, mais quand on a faim, on mange."
Et de temps en temps, pour améliorer l’ordinaire, ses codétenus partageaient leurs colis avec lui. "Et comme c’étaient tous des criminels de haute volée, j’ai mangé des choses extraordinaires qui coûtaient des fortunes, dit-il en souriant. Mais pas tous les jours parce que les colis étaient limités à 10 kilos par mois."
Une pizza et du repos
Ce mardi soir, pour son premier repas d’homme libre, il rêve plus modestement d’une pizza, de calme, de repos. "Le jour, la prison, ça allait, mais la nuit, c’était difficile, les bruits, tout ça".
Philippe Tabary doit normalement finir de purger sa peine sous bracelet électronique en Serbie jusqu’au 17 juin. Il espère évidemment rentrer avant.
"Au final, conclut-il, c’était difficile mais je ne l’ai pas vécu si mal que ça… J’ai compris tout de suite qu’il fallait s’occuper, ne pas ressasser. Il fallait éviter de penser aux plaisirs de la vie. J’arrivais d’Inde, où j’avais appris à méditer, je me disais, je n’ai rien… Mais, je suis vivant alors j’ai tout."