Le 25 avril marque la journée du souvenir des victimes de la déportation. En Bretagne, Marie-Louise Moru dite Lisette âgée de 17 ans a résisté et n'est jamais revenue d'Auschwitz. La journaliste Stéphanie Trouillard lui consacre un web documentaire.
Parler de la petite histoire, pour entrer dans la grande. Stéphanie Trouillard, journaliste bretonne à France 24, travaille depuis plusieurs années sur la Seconde guerre mondiale. "C'est quelque chose d'inconscient, dont j'ai probablement hérité", note-t-elle en évoquant sa propre famille. Sa mère est née à Saint-Marcel. La guerre 39-45 a laissé des traces. Et du silence. La journaliste s'empare d'abord de l'histoire de son grand-oncle André Gondet, résistant FFI (Forces françaises de l'intérieur), fusillé à Plumelec (Morbihan). "J'ai réalisé cette enquête parce que personne n'en parlait." Plus tard, elle signe "Si je reviens un jour...Les lettres retrouvées de Louise Pikovsky".
Aujourd'hui, elle publie un nouveau web documentaire, sur Marie-Louise Moru, dite Lisette. Cette habitante de Port-Louis a été déportée en 1943, à l'âge de 17 ans avec son petit ami Louis Séché. Tous deux étaient résistants.
Derrière la photo, raconter l'histoire de la jeune fille
Stéphanie Trouillard avait envie de travailler très localement, sur la région du Morbihan. Au fil de ses recherches, elle tombe sur une photo de Lisette, prise à Auschwitz. Un cliché troublant vu le contexte. "Quand j'ai vu ce sourire, ça m'a interpellée" se souvient-elle. "Comment pouvait-on sourire dans un tel endroit ?" Elle s'interroge aussi : "Comment cette jeune fille, originaire de Port-Louis était-elle arrivée là ?" A Auschwitz, la plupart des déportés étaient juifs. Les résistants étaient envoyés à Ravensbrück ou dans des prisons allemandes explique la journaliste.
Après son arrestation, Lisette intègre le convoi des 31 000. C'est son matricule d'Auschwitz, le numéro 31825 qui donne cette indication. Elle fait alors partie d'un groupe de 230 femmes résistantes (le seul) qui ira à Auschwitz. Seules 49 reviendront. Lisette ne survivra pas au typhus qui l'emporte quelques semaines après son arrivée.
Remonter le fil
Qui était cette jeune fille ? Pourquoi a t-elle arrêtée ? Les recherches de Stéphanie Trouillard la mènent dans les archives judiciaires, les départementales, celles du service historique de la Défense. Elle aura aussi accès à une lettre, celle d'une camarade de déportation de Lisette qui l'a accompagnée jusqu'au bout.
C'est à Port-Louis qu'elle va pouvoir compléter son enquête. Elle y retrouve une conseillère municipale qui organise des cérémonies d'hommage. Elle y rencontre la nièce de Lisette, toujours en vie. Ses interlocuteurs confient la difficulté de parler. La période était sombre, "les gens ont envie de raconter, de rendre hommage mais en même temps cela remue le passé."
"C'est toujours sensible. Sous réserve de protéger les familles de dénonciateurs, on ne parlait plus de Lisette", observe Stéphanie Trouillard qui rappelle que son travail ne vise à pointer du doigt personne.
Chapitre par chapitre, son web documentaire détaille la personnalité de la jeune fille "frondeuse" et les actions qu'elle mènera avec son petit-ami Louis, lève le voile sur les conditions de leur arrestation, jusqu'à la reconnaissance de leur combat.
Cette reconnaissance se veut désormais bien visible. Port-Louis a apposé une nouvelle plaque sur le monument aux morts, sur laquelle s'inscrivent les noms de six résistants fusillés et six résistants déportés. Son inauguration officielle prévue ce 25 avril a été reportée en raison du contexte sanitaire. Mais comme le souligne Stéphanie Trouillard, elle donne à voir le nom de tous ceux qui dans la commune ont pu s'engager.