Littoral. Pourquoi cette hécatombe de dauphins morts échoués sur nos plages

En quelques jours, une dizaine de dauphins ont été retrouvés morts dans le Morbihan. Depuis 2016, ces arrivées macabres sur nos côtes sont en hausse permanente. Le réseau Pelagis, estime que chaque année, 5 à 10 000 dauphins communs trouvent la mort à cause de la pêche. Un millier d’entre eux, portés par les courants, viennent s’échouer sur nos plages, tandis que les autres périssent et coulent au large.

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Au téléphone ce matin, Olivier Van Canneyt prévient tout de suite, il n’a pas beaucoup de temps. L’ingénieur  en charge de la coordination des dispositifs de suivi à PELAGIS a beaucoup de travail. "En ce début d’année, il y a eu beaucoup d’échouages, nous sommes débordés" s'excuse-t-il. Il commence à énumérer, "Quiberon, un, puis un autre, quatre en fait à Quiberon. Un à Erdeven, un à Carnac. Entre le 28 décembre et le 2 janvier, on a eu une dizaine de dauphins communs échoués dans le Morbihan."

"Les dauphins étaient tous morts depuis peu, en bonne condition physique, ils n’avaient pas de signes de pathologies, cela sent malheureusement la pêche qui a mal tourné" soupire Olivier Van Canneyt.

Une hécatombe qui se renouvelle

Depuis le milieu des années 2000, les échouages de dauphins communs sur les plages sont en constante augmentation : 620 en 2016.  976 en 2017. 717 en 2018. 1 233 en 2019, 1 299 en 2020. Dans 85 à 90% des cas, les observations et autopsies menées par PELAGIS ont montré que les dauphins portaient des traces de blessures causées par des engins de pêche.

Sami Hassani, directeur de l’ACMOM, ( Association pour la Conservation des Mammifères et Oiseaux Marins) de Bretagne, qui fait partie du Réseau National des Echouages explique : "le dauphin commun vit au large dans le Golfe de Gascogne, mais de plus en plus souvent, à cette période de l'année, sans doute pour se nourrir, il se rapproche de nos côtes, et c’est là qu’il croise les bateaux de pêche."

Depuis le 1er janvier 2020, tous les chalutiers de plus de 12 mètres ont l’obligation d’être équipés de Pingers, des répulsifs acoustiques. "C’est plutôt efficace, constate Sami Hassani, il suffit d’en mettre deux ou trois sur la coque pour éloigner les dauphins."

"Le problème, poursuit-il, c’est que les chalutiers ne représentent qu’une partie de la flotte de pêche. Et sur les fileyeurs, pour l’instant, on ne sait pas trop comment faire. Un filet mesure plusieurs kilomètres, il faudrait donc installer ces répulsifs sur toute sa longueur et il faudrait ensuite pouvoir contrôler leur état, ça ne sera pas simple."

"Les pêcheurs pensent que les dauphins se font prendre au moment où le filet est mis à l’eau, souligne Sami Hassani, et sans doute aussi au moment où il est remonté" ajoute-t-il. Les dauphins ne vivent pas par des fonds de 80 ou 100 mètres, mais sous la surface de l’eau. Un nouveau dispositif va être testé en installant des répulsifs sur le bateau pour écarter le danger à ce moment précis."


Des moyens de protection dangereux ? 

Mais ces Pingers suscitent aussi des interrogations. "Il y a 400 fileyeurs dans le Golfe de Gascogne, ça fait du monde ! Si tous ont des répulsifs, cela pourrait créer des zones d’exclusion complètes pour les dauphins" s’inquiète Sami Hassani.

"La pose de répulsifs acoustiques n’est pas une solution, c’est surtout une atteinte supplémentaire aux conditions de vie déjà fortement dégradées des dauphins et une pollution supplémentaire du milieu marin" s’alarme Sea Shepherd sur son site.

"Aujourd’hui, la population de dauphins communs en Europe est estimée à 630 000 individus. Si 5 000 à 10 000 dauphins périssent chaque année, l’espèce est en grave danger " prévient Olivier Van Canneyt. "Car c’est au moins cinq fois plus que le seuil qui serait acceptable pour la population de dauphins communs. L’espèce se reproduit lentement et met donc très longtemps pour faire remonter ses effectifs."

En juillet 2020, le CIEM (Conseil international pour l’exploration de la mer) a  adressé une mise en demeure à la France pour son manque d’efficacité dans la protection des dauphins communs, animal strictement protégé. Le CIEM a même préconisé l’interdiction de la pêche pendant la période à risque pour les dauphins, de décembre à mars. Le gouvernement s'y refuse.

Sea Shepherd et France Nature Environnement (FNE) ont  formé un recours auprès du Conseil d'Etat contre la ministre de la Mer, jugeant insuffisantes les mesures annoncées pour limiter les captures accidentelles de dauphins par des engins de pêche.

D'après les calculs des associations, depuis 1990 ce sont près de 90 000 dauphins communs qui ont trouvé la mort au large de nos côtes.

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