En un siècle, le saumon sauvage a presque disparu de tous les fleuves français sauf... en Bretagne. Dans le département du Morbihan, une station de contrôle surveille depuis 30 ans l'espèce dans le Scorff, une des quatre rivières de référence au niveau national. C'est là que naissent les petits saumons avant d'y revenir après une longue migration pour se reproduire.
"Oui ! Ça rentre !" Équipés de filés et d'une lance électrique, pêcheurs et chercheurs de l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) capturent des juvéniles en cette matinée de fin septembre. Les petits saumons, nés cette année ou l'an passé dans le Scorff, vont migrer dans quelque temps dans le Nord et parcourir des milliers de kilomètres avant de revenir ici même pour se reproduire une fois devenus adultes.
La Bretagne, un sanctuaire pour les saumons
Depuis 30 ans maintenant, ils sont observés de près avant leur départ. "Là, on a capturé en 5 minutes de pêche à l'électricité la quantité de saumon qui correspond à une densité présente dans la rivière", explique Nicolas Jeannot, le directeur de la station de contrôle des poissons migrateurs du Pont Scorff. "Tous ces poissons sont mesurés, pesés, enregistrés sur ce fichier. Des tubes ADN sont prélevés pour avoir le sexage et des analyses génétiques à postériori."
Toutes ses données permettent de savoir comment les poissons se portent. Car la Bretagne est un sanctuaire pour les saumons. Ils se plaisent dans les rivières fraîches de la région. Du moins là où ils peuvent passer...
Le nombre de poissons en baisse
"En Bretagne, il y a beaucoup de petits barrages sur les rivières, développe Etienne Prévaost, chercheur à l'INRAE. Mais sur la majorité des petits fleuves côtiers, ce sont des barrages que les poissons peuvent plus ou moins franchir. Certains ont aussi perdu leur usage. Cela explique que le saumon est donc toujours très présent. C'est une région, voire la région où il a été le plus préservé."
Des saumons dont le nombre diminue néanmoins. Sur le Scorff, selon les endroits choisis par les scientifiques pour capturer les saumons, en temps normal, en 5 minutes, ils peuvent en capturer entre 50 et 60 juvéniles. Cent parfois. Mais aujourd'hui... "Ce n’est pas bon, constate Nicolas Jeannot. Pas bon du tout même."
"D'habitude c'est bien meilleur que cela. On est pourtant dans un endroit assez colonisé avec un habitat très favorable. Il y a du courant, beaucoup de pierres, beaucoup de diversité. C'est très plaisant normalement pour le saumon."
Nicolas JeannotIngénieur à L'INRAE
Seuls 10-15 juvéniles par capture cette année. Pourquoi cette raison ? Peut-être à cause des fortes pluies de cet hiver et d'un débit exceptionnel en décembre de 60 m3 par seconde. Cela a pu détruire les frayères où les saumons déposent leurs œufs.
Des saumons plus résistants
Tout n'est pas noir cependant sur ce tableau. "L'avantage, c'est que les saumons sont certes peu nombreux mais ils sont beaux, précise Nicolas Jeannot. Ce sont des poissons qui sont presque certains de survivre cet hiver par rapport à des juvéniles trop petits. Ils auront un meilleur succès de retour avec une meilleure survie en mer. Donc, il faudra suivre ce que cela va donner dans deux ou trois ans au moment de leur migration."
Le graal du pêcheur en Bretagne, c'est le saumon !
"Le graal du pêcheur en Bretagne, c'est le saumon !" Yohann Guilloux est pêcheur mais il a décidé d'arrêter de capturer des saumons pour les compter avec les chercheurs de l'INRAE. "Pas la peine d'attraper les derniers !"
"Parmi toutes les autres espèces, c'est le poisson roi des rivières bretonnes. Il est très combatif, il est joli quand il arrive de la mer. Et culinairement, il est bon à manger !"
Les chercheurs observeront le retour des saumons de printemps en mars où en avril. Des saumons adultes qui ont perdu quelques centimètres et quelques grammes en 10 ans. D'où une vigilance permanente sur ce poisson.