La juge des référés du tribunal administratif de Rennes a donné raison ce jeudi 28 octobre 2021 à six infirmiers et aides-soignants du groupe hospitalier Bretagne Sud (GHBS). Ils avaient été suspendus de leurs fonctions et privés de toute rémunération dans le cadre de l'obligation vaccinale imposée aux personnels soignants.
Les six soignants avaient tous pour particularité d'être actuellement en arrêt-maladie.
"Certains de mes clients étaient en arrêt-maladie bien avant la décision contestée, d'autres quelques jours avant", avait résumé leur avocat, Me Damien Guillou, du barreau de Lorient (Morbihan), le jour de l'audience. "Pour certains, c'est une forme de décompression en lien avec la pression que leur met l'hôpital au sujet de l'obligation vaccinale : ils étaient déjà sous pression pendant la crise de la Covid, ils ont travaillé à fond pendant plusieurs mois... C'est une forme de burn-out."
D'un point de vue juridique, il avait fait valoir que ces suspensions de fonctions s'apparentaient à une "sanction administrative", et qu'elle aurait par conséquent dû être précédée d'échanges contradictoires entre les deux parties.
La suspension aurait dû être différée à leur retour de congé maladie
Elle ne pouvait pas non plus selon lui être assimilée à une simple "mesure conservatoire", comme l'affirmait pourtant le groupe hospitalier Bretagne Sud : elle ne comporte "aucune limite temporelle" et permet de "priver indéfiniment" un agent de sa rémunération.
"Etant en congé maladie, ils ne peuvent servir de vecteur permettant la contamination des personnes accueillies par l'établissement", avait fait valoir l'avocat. "Si une suspension peut être régulièrement prononcée à l'encontre d'un agent qui bénéficie d'un congé de maladie, son entrée en vigueur ne débute effectivement qu'à compter de la fin du congé maladie."
C'est sur ce dernier point que la juge des référés du tribunal administratif de Rennes l'a finalement rejoint. "Si (...) le groupe hospitalier pouvait légalement prendre la mesure de suspension litigieuse au cours du congé maladie (...) afin d'anticiper sa reprise d'activité, le moyen tiré de ce que cette décision ne pouvait pas (...) être à effet immédiat mais devait voir son entrée en vigueur différée au terme du congé maladie est propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité", écrit la magistrate.
Ces soignants avaient "largement" le temps de s'organiser, selon leur employeur
Dans chacune de ses six ordonnances, la juge avait au préalable reconnu "l'urgence" à suspendre une telle décision.
"La décision (...) a pour effet de priver temporairement M. XXX, lequel a un enfant à charge, de son traitement et par là même de priver son foyer des revenus dégagés par son activité professionnelle (...) d'environ 1.800 €", estime-t-elle dans une des ordonnances concernant un aide-soignant. "La conjointe de M. XXX est également privée, dans les mêmes conditions, de son traitement. Le couple n'est ainsi plus en mesure de faire face (...) au remboursement de l'emprunt immobilier qu'il a contracté et dont les échéances mensuelles s'élèvent à un peu plus de 900 €."
"Le requérant s'est placé lui-même dans une situation d'urgence, puisqu'il pouvait largement faire le nécessaire pour respecter le dispositif légal", avait pourtant fait valoir le groupe hospitalier de Bretagne Sud, dans un mémoire produit au tribunal mardi 26 octobre, après l'audience.
La suspension de ses décisions "implique" désormais que l'hôpitall "verse provisoirement le traitement" de ses agents actuellement en congé maladie ordinaire, et cela "dans un délai de cinq jours" précise la juge.
Cinq autres requêtes à venir
Cinq autres agents du groupe hospitalier de Bretagne Sud ont eux aussi contesté ce mercredi 27 octobre 2021 leurs suspensions de fonctions devant le tribunal administratif de Rennes. Elles étaient ce jeudi 28 octobre 2021 toujours dans l'attente de l'ordonnance de la juge.