Dans le Morbihan, la presqu’île de Gâvres est reliée au continent par un cordon dunaire qui s'étend sur six kilomètres. Bordé par l'océan Atlantique d'un côté et la petite mer de Gâvres de l'autre, ce site est particulièrement exposé aux risques de submersion marine et d’érosion côtière. Mouncef Sédrati en a fait son terrain d’expérimentation et des techniques innovantes y sont testées. Pour le magazine des gens de mer Littoral, Sophie Ladame est allée à sa rencontre.
Les submersions marines représentent un défi majeur pour les zones côtières, particulièrement dans le contexte du changement climatique. Mouncef Sedrati, spécialiste de la géomorphologie littorale à l'Université de Bretagne Sud, concentre son travail sur Gâvres, site qui présente un intérêt particulier en raison de sa vulnérabilité et de ses caractéristiques géographiques uniques.
Il y a plusieurs siècles, Gâvres était une île. Aujourd'hui, c'est une presqu'île qui compte 700 habitants. Elle est reliée au continent par un cordon dunaire de plus en plus grignoté à chaque tempête et grande marée. Selon l’institut Central du climat qui s’appuie sur les données du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), la presqu’île redeviendrait une île à l’horizon 2100 et une centaine de maisons disparaîtrait avec la submersion.
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Il y a une urgence à trouver des solutions à ce phénomène de submersion marine et d’érosion des côtes, mais Mouncef Sédrati rappelle que le littoral est en mouvement depuis des millénaires et que la modification du trait de côte n’est pas quelque chose de nouveau, même si elle s’accélère ces dernières années. Ce qui a changé, et c’est là tout l’enjeu, c’est la manière dont l’homme occupe désormais l’espace, le territoire, notamment en termes d’urbanisme.
Si on s’installait un peu plus à l’intérieur des terres, personnes ne parlerait de ce phénomène. On en parle aujourd’hui parce qu’il faut défendre sa maison, son territoire.
Mouncef Sédrati,spécialiste de la géomorphologie littorale à l'Université de Bretagne Sud
Observer pour agir
Grâce au laboratoire Géo Océan dirigé par Mouncef Sedrati, et aux ingénieurs qui travaillent avec lui, il est possible de suivre de près l'évolution de la montée des eaux.
L'objectif principal de ces observations est de mieux agir et de développer des stratégies d'adaptation durables et efficaces. Ils développent de nouvelles ingénieries qui s'éloignent des solutions traditionnelles telles que les digues en béton. Ces nouvelles approches, appelées "solutions fondées sur la nature", visent à utiliser les processus naturels pour protéger les zones côtières de manière plus écologique.
L'une des principales solutions développées par le laboratoire est l'Algo Box. Ce système est simple et innovant : il s'agit d'une clôture en bois que l'on plante sur les dunes. Cette clôture aide à stabiliser les dunes en retenant le sable et en favorisant la croissance de la végétation locale, notamment des algues et des plantes.
Il ne faut pas faire contre la mer, il faut faire avec les éléments de la mer.
Mouncef Sédrati,spécialiste de la géomorphologie littorale à l'Université de Bretagne Sud
Les résultats de cette méthode sont déjà prometteurs. Les dunes stabilisées sont plus résistantes aux vagues et aux tempêtes, et la végétation naturelle qui s'y développe joue un rôle important dans la protection de l'écosystème côtier.
Être acteur et non plus spectateur de son littoral
Mouncef Sédrati est conscient que son travail scientifique n’est pas suffisant pour trouver des solutions efficaces. Il faut qu’il y ait une vraie synergie entre les scientifiques, les citoyens, les gestionnaires et les décideurs politiques.
C’est en travaillant ensemble que l’on va trouver la bonne solution.
Mouncef Sédrati,spécialiste de la géomorphologie littorale à l'Université de Bretagne Sud
En 2019, il a créé le premier Observatoire Citoyen du Littoral Morbihannais à Gâvres. Cet observatoire a pour objectif de mobiliser les citoyens en les impliquant dans la surveillance du littoral. En collaboration avec l'association Objectif Dune, les habitants vont participer aux travaux des scientifiques, en faisant par exemple des relevés ou en étudiant la laisse de mer. Ces observations permettent de collecter des données précieuses qui seront étudiées par les scientifiques. Les citoyens deviennent des témoins directs des évolutions de leur littoral.
En informant et en éduquant les communautés côtières, il est possible de préparer les populations à s’adapter aux défis à venir.
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