Depuis le 15 mars dernier, de nombreuses activités sont à l'arrêt. Le gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures pour les indépendants et les très petites entreprises (TPE) : reports de charges, chômage partiel pour les salariés, en attendant le déconfinement. Témoignages en Bretagne.
Sophie Juban est esthéticienne à Rennes. Elle est responsable d’un institut de beauté. Pour son établissement, le mois d’avril représente un gros chiffre d’affaires et elle sait qu’elle n’aura aucune rentrée d’argent ce mois-ci.
Sur les quatre salariés qui travaillent dans cet institut, l'une est en arrêt maladie et les autres sont en chômage partiel.
L'esthéticienne est elle-même en arrêt de travail puisqu’elle s’occupe également de son enfant. Sophie Juban a donc avancé les salaires, mais a aussi un loyer de 3 000 euros par mois et des fournisseurs à payer. Elle dit avoir perdu 62 % de son chiffre d'affaires.
"Le report de charges : un cadeau empoisonné"
L'esthéticienne rennaise a reçu une aide de 1500 euros du fonds de solidarité car elle affiche plus de 50 % de pertes. Or, elle vient d'apprendre que cette aide n'était pas cumulable avec le fonds de garanti de 2500 euros versé par l'Etat aux petites entreprises. "Si l’Etat prenait un arrêté de catastrophe sanitaire, ça pourrait peut-être débloquer des choses, les assurances pourraient prendre le relais" note-t-elle.
Elle n'a pas fait de dossier pour le report de charges qu'elle considère comme "un cadeau empoisonné car il faudra bien payer à un moment donné et cela risque de représenter un gouffre pour les petits employeurs".
"Trop de flou sur les aides"
Jean-Luc Guinebault, lui, est patron de bar. Son établissement a fermé ses portes le 15 mars à minuit. Il vient tous les deux jours pour purger progressivement ses pompes à bière, pour faire tourner ses machines, "par crainte du dessèchement des joints" explique-t-il.
Son bar est un lieu de vie, de lien social, avec ses animations musicales, son ambiance de copains, ses bœufs entre musiciens. Ce lien social s'est interrompu depuis trois semaines et les pertes sont sèches. Jean-Luc a mis l'un de ses salariés au chômage partiel, il n'a pas pu renouveler le CDD de l'autre. Il a demandé à bénéficier d'un report de ses charges.
Le patron de bar attend pour les demandes d'aides, "trop de flou encore" juge-t-il. Il craint pour l'avenir car, selon lui, "le déconfinement ne pourra être que très progressif, en tout cas pas dans l'immédiat et les cafés, bars et restaurants seront sûrement les derniers à rouvrir".
"Prêt de trésorerie garanti par l'Etat"
Philippe Le Ray, responsable du service économique et fiscal de la CAPEB (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises) et de l’U2P (Union des entreprises de proximité) du Morbihan, est sur la brèche depuis le 16 mars dernier. Répondre aux interrogations des chefs d’entreprises occupe deux personnes à temps plein.
Les appels sont arrivés en nombre dans les premiers jours du confinement, entre 300 et 350 par jour, "maintenant, on traite environ 50 appels par jour d’artisans qui se posent des questions sur les aides aux petites entreprises".
Pour lui, les aides gouvernementales sont les bienvenues, seulement, "il faudra les utiliser à bon escient, remarque-t-il. Le prêt de trésorerie garanti par l'Etat est très intéressant puisqu'il y a la possibilité d'emprunter jusqu’à 25 % de son chiffre d’affaires. La question est de savoir s'il faut emprunter moins ou plus. L’enveloppe est difficile à calibrer vu que cela dépend de la durée du confinement".
Car c'est bien d'un emprunt qu'il s'agit. Le gouvernement, par le biais de la Banque publique d'investissement (BPI) sert uniquement de caution pour aider les entreprises à se redresser. L'emprunt, dont le remboursement pourra être différé dans le temps, reste néanmoins une charge supplémentaire.
Par ailleurs, ces aides ne pourront bénéficier qu’à des entreprises qui peuvent justifier d’un chiffre d’affaires, ce qui rend l’éligibilité des entreprises de moins de deux ans d’existence plus aléatoire. "Les entreprises de moins de deux ans, si elles n’arrivent pas à obtenir un prêt de leur banque classique, ne bénéficieront pas de la garantie de la BPI".
Selon Philippe Le Ray, les Régions devraient annoncer mi-avril les modalités d’une aide de 2000 euros supplémentaires pour les entreprises en très grandes difficultés, c’est-à-dire proches du dépôt de bilan.