Tréhorenteuc. Mais bon dieu, qui a volé la statue de l'abbé Gillard

La disparition de la statue en bronze de l'abbé Gillard crée l'émoi à Tréhorenteuc. Dans ce village du Morbihan, l'affaire est sérieuse. "C'est un personnage de la commune important, que l'on soit croyant ou pas". Un homme d'église original qui officia ici pendant 20 ans.

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"Sur le moment, quand j'ai reçu l'appel et que l'on m'a dit : 'la statue de l'abbé est partie', j'ai cru à un canular". Le maire de Tréhorenteuc, Michel Gortais, a pourtant dû se rendre à l'évidence : la statue de l'abbé Gillard, d'ordinaire solidement vissée à son socle devant l'église dite du Graal, a bel et bien disparu. Dans cette commune du Morbihan de 120 habitants, la consternation est générale. 

Dire que l'abbé Gillard était considéré ici comme un saint homme n'a rien d'exagéré. Que quelqu'un puisse s'attaquer à la statue en bronze érigée à sa mémoire a de quoi laisser tout un village abasourdi. "Que l'on soit croyant ou pas" ajoute Michel Gortais.


"Elle est où, la statue ?"

Depuis le 19 mai, jour où la disparition a été constatée, "les gens sont anéantis, relate Jacques Ealet, l'un des fondateurs de l'association de sauvegarde des oeuvres de l'abbé Gillard. C'est misérable de faire une chose pareille. Cette statue représente une personne qui rassemblait tout le monde, quels que soient les croyances et les clivages"

Selon le maire, la statue a été volée dans la nuit de mardi à mercredi. "Elle pèse 150 à 200 kilos, explique-t-il. On en déduit sans peine qu'ils s'y sont mis à plusieurs. Ils ont coupé une vis et cassé l'autre. Des habitants disent avoir entendu un véhicule vers 1 h du matin"

Le lendemain, aucun d'entre eux ne remarque tout de suite que la silhouette en bronze de l'abbé Gillard n'est plus à sa place habituelle. "Je suis passé devant l'église quatre fois et je n'ai rien vu, reconnaît le maire. Cette statue fait tellement partie du paysage, on ne la regarde pas systématiquement". Il faut attendre l'après-midi et cette question anodine de touristes "elle est où, la statue ?" pour que la nouvelle se répande comme une traînée de poudre dans le village. Et même au-delà.


Un curé pas comme les autres 

C'est depuis Pacé, en Ille-et-Vilaine, où il vit aujourd'hui, qu'Albert Bellec a eu vent de la disparition de la statue de l'abbé Gillard. Sa femme est originaire de Tréhorenteuc et y a toujours de la famille. L'affaire est suffisamment grave pour la partager avec des proches. "Et puis, on touche là à une figure emblématique du village, souligne Albert Bellec. Il a beaucoup fait pour cette commune".

L'abbé Gillard n'est pas un curé comme les autres. Son originalité et ses prises de position agacent l'Eglise catholique. "Quand il était vicaire de Crédin, raconte Albert Bellec, il était peu apprécié par ses supérieurs de l'évêché de Vannes". Sa nomination à Tréhorenteuc, en 1942, ressemble, selon lui, à "une mise au placard. Tréhorenteuc est un bourg pauvre à l'époque, isolé de tout". Qu'à cela ne tienne, Henri Gillard, devenu recteur, y trouve sa place et s'y plaît. 

Il décide de restaurer la petite église avec ses deniers personnels, hérités de sa marraine. Il prête une oreille à la la légende arthurienne et au Val-sans-retour tout proche. Il n'oppose pas catholicisme et mythes. La preuve : l'église recèle un vitrail représentant les chevaliers de la Table ronde. De même y trouve-t-on un chemin de croix où figure la fée Morgane. 

Enterré dans son église

Après-guerre, c'est aussi lui qui se charge des visites du Val-sans-retour et accueille les touristes à Tréhorenteuc. "Il voulait redonner ses lettres de noblesse à la commune, la développer, indique Jacques Elaet. Il a eu cet élan et y a mis toutes ses forces".

Le village reçoit près de 150.000 visiteurs chaque année. "Et tout cela, on le doit à l'abbé Gillard". Lequel est enterré dans son église. "Il est resté à Tréhorenteuc jusqu'en 1962, puis y est revenu pour sa retraite" note encore Jacques Elaet. Le fondateur de l'association de sauvegarde des oeuvres de l'abbé Gillard rappelle aussi l'appétence du recteur pour la culture, sous toutes ses formes. "Il en a fait venir des artistes ici" sourit-il. Même André Breton, le chantre du surréalisme, s'est laissé envoûter par ce curé atypique. "De nombreux auteurs bretons lui ont aussi rendu hommage. Notamment Per-Jakez Hélias et Yann Brekilien"

"Ramenez-nous notre statue"

La statue volée dans la nuit de mardi à mercredi avait été inaugurée en 1999, lors d'une cérémonie commémorant le vingtième anniversaire de la mort de l'abbé Gillard. "C'est notre patrimoine qui a été dérobé" lâche le maire Michel Gortais. L'affaire est entre les mains des gendarmes de Ploërmel. "Voler une statue, ce n'est pas courant" admet-on à la gendarmerie qui explore toutes les pistes. 

A Tréhorenteuc, on espère un miracle. "L'enquête permettra peut-être de la retrouver" dit encore le maire qui lance un appel : "Ramenez-nous notre statue".
 

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