Des manifestants anti-pass présents à Vannes dans plusieurs manifestations se sont étonnés de recevoir une amende pour non-port du masque. Ils affirment ne pas avoir été contrôlés, et s’apprêtent à saisir la justice.
Ils se nomment eux-mêmes "les citoyens emmerdés". Et dans un communiqué, ils s'inquiètent. Ces dernières semaines, plusieurs personnes auraient été verbalisées à Vannes pour non-port du masque suite aux manifestations anti-pass qui ont lieu tous les samedis depuis 24 semaines.
Pour ces Vannetais, qui doivent s'acquitter d'une amende de 135 euros, c'est l'incompréhension. Car, disent-ils, ils n'ont jamais eu affaire à un agent.
Deux de ces personnes n'étaient pas présentes dans la ville ce jour-là et la troisième n'a subi aucun contrôle physiquement par un agent assermenté de l'Etat.
Des "citoyens emmerdés"
Pour trois des procès-verbaux en date du 6 novembre 2021, "il s'avère que deux de ces personnes n'étaient pas présentes dans la ville ce jour-là et que la troisième n'a subi aucun contrôle physiquement par un agent assermenté de l'État," expliquent ces citoyens.
Et de rajouter : "Par la suite, trois autres personnes ont également reçu des amendes pour le même motif, en date du 27 novembre. Là encore, dans ce cas précis, aucune personne n'a été interpellée de manière concrète, ni contrôlée physiquement." Les "citoyens emmerdés" ont mené l'enquête et ont constaté que 11 personnes avaient été verbalisées avec, à la clé,17 PV.
Verbalisés mais pas contrôlés?
Alors, que s'est il passé? Comment les policiers ont-ils pu les identifier?
Du coté du commissariat de police de Vannes, la réponse est simple: soit les personnes se sont vues notifier l'infraction par un agent en uniforme sans avoir à apposer leur signature.
"Moi-même, explique le commandant divisionnaire Yannick Le Barre, lors de la manifestation du 8 janvier, j'étais en uniforme, j'ai notifié à cinq personnes qu'elles feraient l'objet d'une verbalisation sans les faire signer en raison des mesures sanitaires et de l'obligation des gestes barrières."
Quand les personnes sont connues de nos services, elles peuvent être identifiées à distance puis verbalisées.
Commandant Yannick Le Barre
Soit elles ont été reconnues par des agents en civil qui ne sont pas allés à leur contact ."Quand les personnes sont connues de nos services, elles peuvent être identifiées à distance puis verbalisées," reconnaît le commandant de police.
Une version que confirme le préfet du Morbihan, Joel Mathurin. "Cela fait 23 samedis qu'ils circulent dans les rues. Les policiers les connaissent et ont pu les identifier et pour éviter tout trouble à l’ordre public, il n’a pas été procédé sur place aux verbalisations. Nous considérons que procéder ainsi s’inscrit dans un cadre légal mais nous sommes dans un État de droit, et si les personnes contestent, un recours est toujours possible."
De quoi surprendre Me Marielle Vulcain, avocate de trois de ces personnes. "Parmi mes clients, aucun n'est fiché. Un seul a subi un contrôle d'identité mais pour tout autre chose. Ils ne sont pas forcément habitués des manifestations. "
"Les différents avocats contactés ou rencontrés par nos soins nous ont confirmé qu'il était strictement illégal d'amender des personnes dans ces conditions, précisent les "citoyens emmerdés" dans leur communiqué. Une personne verbalisée doit faire l'objet d'une interpellation en bonne et due forme."
Les caméras de vidéoprotection pointées du doigt
Les personnes verbalisées pointent aussi du doigt les caméras de vidéoprotection de la ville dont les images sont transférées au commissariat. Il est vrai que Vannes, avec 108 caméras, est la ville la mieux dotée de Bretagne.
"A-t-on utilisé la vidéo-verbalisation? La réponse est non", rétorque le commandant Le Barre.
Même son de cloche du coté de la Préfecture qui confirme qu'il n'y a pas eu de vidéo-verbalisation car les policiers n’en ont pas eu besoin.
"La vidéo-verbalisation à distance n’est pas possible, explique le Préfet. J’ai évoqué les caméras de vidéo-surveillance car un policier habilité à constater une infraction peut utiliser tous les moyens en sa possession pour identifier des contrevenants y compris les images de vidéosurveillance. Elles viennent en appui des observations de terrain."
Il faut savoir que l’utilisation de la vidéo verbalisation est strictement encadrée. Elle ne peut s'appliquer qu'aux infractions liées a la sécurité routière. Le Code de la Sécurité intérieure précise les règles à ce sujet, même si depuis le 10 mars 2021, les exploitants et gestionnaires de services de transport public peuvent recourir aux caméras pour mesurer le taux de port du masque dans les transports. Mais comme le précise la CNIL, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés,"ce dispositif (...) n’a pas vocation à traiter des données biométriques et ne constitue pas davantage un dispositif de reconnaissance faciale." Et il ne s'applique que dans les transports en commun.
Reste que depuis le début de la crise sanitaire, on dénombre quelques affaires similaires ou les caméras de vidéo-surveillance ont été mises en cause notamment à Millau, en Aveyron ou Epinay-sous-Sénart, dans l'Essonne.
Les "citoyens emmerdés", eux s'interrogent : "les manifestants de Vannes seraient-ils les victimes de procédés illégaux employés par les policiers morbihannais et, ce qui serait encore plus grave, la cible d'une forme de répression politique de la part de l'autorité départementale?"
Pour l'heure, Me Marielle Vulcain a conseillé à ses clients de contester la contravention auprès de l'officier du Ministère Public.
"C'est la première chose à faire", explique-t-elle, "même si le délai de réponse est souvent long. Soit l'affaire est classée et la sanction annulée, soit cela se règle devant le Tribunal de Police."