Plus de 30 personnes, présentes aux manifestations du 12 et 22 mai 2020 à Millau (Aveyron), ont reçu des amendes pour avoir participer à ces rassemblements. 24 d'entre elles sont convoquées devant le tribunal de Rodez (Aveyron) le 4 mai. Les prévenus appellent à un rassemblement.
135 euros pour avoir protester les 12 et 22 mai 2020 à Millau (Aveyron). Ils sont plus d'une trentaine à avoir reçu des procès verbaux des semaines après ces rassemblements. 24 d'entre eux comparaîtront mardi 4 mai, devant le tribunal de Rodez (Aveyron).
C’étaient les 12 et 22 mai 2020, au lendemain du déconfinement. Près de 150 personnes dénoncent dans les rues de Millau le manque de moyen pour les hôpitaux publics. « Après un mois à applaudir sur les balcons, on voulait vraiment défendre le service public et les droits de citoyens », précise Corinne, une manifestante. Quelques semaines plus tard, elle comme des dizaines d’autres personnes présentes reçoivent un procès verbal.
Il leur est reproché d’avoir participé à une manifestation non déclarée et de ne pas avoir respecter les mesures sanitaires (qui interdisaient à ce moment là les rassemblements de plus de dix personnes sur la voie publique). «On avait appelé les citoyens à venir masqués, on avait maintenu des distances de sécurité. On avait fait en sorte de montrer qu’on était capable, dans un contexte de sécurité, de faire valoir nos droits en prenant soin les uns des autres», justifie Nicolas, un des manifestants amendés. 24 d'entre eux ont décidé de ne pas payer : l'amende est à ce jour majorée à 375 euros et 450 euros pour ceux ayant manifesté deux fois (les 12 et 22 mai).
Repérés par les caméras de vidéosurveillance
Un sentiment d’injustice d’autant plus qu’aucun agent de police ne les a interpellé sur place. Corinne se souvient : «Il y avait une voiture garée, avec deux policiers. Ils n’ont pas bougé et n’ont rien dit. On avait l’impression que tout allait bien».
Selon ces manifestants, le système de caméra-surveillance de la ville aurait permis de les identifier et de les retrouver. «J’ai le sentiment d’être épiée. Il n’y a pas le rapport humain avec le policier pour nous dire ce qu’il ne va pas. On reçoit une amende chez nous, après identification avec une caméra qui suit une certaine politique. C’est très inquiétant», confie Corinne.
Jérôme Buil, le directeur départemental de la sécurité publique nie pourtant cette version des faits : « Ces faits-là ont été constatés par les fonctionnaires de police présents sur le terrain. Il ne s’agit pas là d’une vidéo-verbalisation mais de constatations réalisées sur les lieux des rassemblements. L’utilisation des images de vidéo-protection est venue en appui des constations initiales effectuées par les policiers».
Pourtant l'avocat des manifestants, Maître Julien Brel, est clair. « On a la certitudequ'au moins deux d'entre eux ont été identifiés par les caméras et n'ont pas été reconnus par les policiers, ce qui est illégal ! ».
Interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes cassée par le Conseil d’État
En juin 2020, le Conseil d’État avait suspendu l’interdiction de se rassembler à plus de dix sur la voie publique. Cependant, la décision n’est pas rétroactive. Amnesty International a relevé cette affaire dans son rapport sur le droit de manifester en France.
Pour Nicolas, manifestant : «Ces accusations sont très clairement d’ordre politique même si le procès verbal essaye d’amalgamer ça derrière des questions sanitaires. Les personnes ciblées ont simplement osé aller dans la rue et revendiquer des droits ».
«Le fondement des poursuites c’est un texte dont la plus grande juridiction française a dit qu’elle portait atteinte à des libertés fondamentales. La base de l’amende est illégale », ajoute Maître Julien Brel.
Les manifestants amendés appellent à se rassembler mardi 4 mai, devant le tribunal de police de Rodez, juste avant leur comparution. Durant ce procès, il risque une amende de 750 euros.
Pour Henri, il ne faut pas abandonner : « On ira jusqu'à la Cour européenne des droits de l’Homme s'il le faut ».