À la Trinité-sur-Mer (Morbihan), où les obsèques de Jean-Marie Le Pen sont prévues samedi, c'est le "Trinitain de cœur" plus que le leader d'extrême droite aux déclarations tonitruantes que l'on va enterrer, avec respect, mais sans effusions.
"C'est le Trinitain de cœur que la commune accueille aujourd'hui dans sa dernière demeure", écrit Yves Normand, maire (sans étiquette) de la commune dans un communiqué publié jeudi. "Loin de sa notoriété nationale, il aimait profiter ici de sa maison avec ses amis et sa famille, dans l'intimité et la discrétion".
Aucun préparatif particulier n'était visible ce jeudi dans le célèbre port breton d'environ 1 700 habitants. Contrairement à ses filles, Jean-Marie Le Pen n'y venait que rarement ces dernières années, selon plusieurs habitants interrogés par l'AFP.
C'était un respect poli, un peu distant
Un habitant de la Trinité-sur-Mer
"M. Le Pen, quand on le croisait dans la rue de temps en temps, on lui disait bonjour poliment, même si on n'était pas forcément d'accord avec ce qu'il disait. C'était un respect poli, un peu distant", se souvient Thierry Magne, 76 ans, rencontré sur les quais de la Trinité où il réside depuis une quarantaine d'années.
"Quand il faisait ses rentrées politiques à la Trinité, on laissait faire. Ça faisait partie de la tradition", sourit le retraité, pour qui le décès n'a suscité aucune émotion particulière dans la commune.
"La Trinité n'est pas forcément plus à droite qu'ailleurs. Moi, je pense qu'il faut juste rester correct... Il faut respecter sa mort, contrairement à ce qui s'est passé à Paris à la place de République", ajoute-t-il, en référence aux manifestations de joie ayant suivi l'annonce du décès, qui l'ont "énormément choqué".
"Au regard de la nature de la personnalité et des rassemblements survenus dans plusieurs métropoles françaises", la préfecture du Morbihan a indiqué à l'AFP qu'un "dispositif de sécurité sera mis en place pour assurer que les obsèques se déroulent dignement et prévenir les éventuels troubles à l'ordre public qui pourraient survenir".
"J'espère qu'il n'y aura pas des groupes d'extrême gauche ou autre qui vont venir mettre la pagaille mais ça ne m'inquiète pas plus que ça", dit M. Magne.
Un habitant comme un autre
La messe de funérailles doit être célébrée samedi après-midi dans l'intimité familiale à l'église Saint-Joseph. Le petit bâtiment en pierres claires, qui peut accueillir un peu plus de 200 personnes, est situé à 200 mètres à peine de la maison de la famille Le Pen, reconnaissable à la caméra de surveillance fixée sur son pignon.
C'est dans cette même église qu'avaient été célébrées en 2019 les obsèques d'une autre célébrité locale, l'ancien chanteur Alain Barrière.
En cette fin de semaine, l'église est déserte. Seul signe insolite sur la placette : un carré de barrières métalliques, avec un arrêté municipal instaurant des restrictions de stationnement et de circulation pour "assurer la sécurité dans le cadre des obsèques de Monsieur Jean-Marie Le Pen".
"L'ambiance ici est aussi calme qu'avant", confirme Vincent, chirurgien retraité de 72 ans.
"La plupart des habitants vont regarder cet événement de façon paisible et sans parti pris (...) Il y a des gens ici qui l'ont connu enfant et qui l'ont même côtoyé, en qui ont gardé un bon souvenir. C'est une chose. Et puis il y a tous les habitants actuels de la Trinité pour qui ce n'est qu'un habitant comme un autre", à l'instar d'Alain Souchon ou d'autres personnalités qui ont des propriétés sur la commune, affirme-t-il.
"Jean-Marie Le Pen, on ne le voyait que pour les cérémonies du 11 novembre (...) Ici, c'est un non-sujet", tranche Sylvie, dynamique retraitée de 73 ans tout de vert vêtue.
L'enterrement de l'ancien président du Front national - devenu Rassemblement national en 2018 sous la férule de sa fille Marine - ne suscite selon elle "pas de haine et pas de grand intérêt" non plus. "D'ailleurs les résultats des élections ne sont pas favorables à la famille Le Pen, à La Trinité-sur-Mer", relève-t-elle.
En juillet 2024, le candidat RN avait obtenu 30 % des voix à La Trinité-sur-Mer au premier tour des élections législatives, en deuxième position derrière le candidat Modem qui l'a largement emporté au second tour.
Laurent BANGUET /AFP